Chapitre 9 - Les chroniques

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Après le départ du jeune homme, Adriel s'installa confortablement afin de commencer sa lecture. Le livre abîmé ne comportait aucune mention. Cela la rendait d'autant plus curieuse de le parcourir. Elle l'ouvrit à la première page. La préface présentait ce livre comme étant un recueil de témoignages et d'enquêtes de terrain collectés par des membres de l'Académie. Elle était signée par un certain Alexeï Vize, troisième académicien. Adriel commença à lire le premier récit, traçant les lettres d'encre du bout du doigt.

Chronique 1 — De la rencontre avec la belle de nuit
Un beau jour de printemps, un jeune homme s'activait dans les champs, dispersant les graines avec entrain. Le temps était doux et clément. À croire que les Divinités étaient particulièrement en joie ces jours-ci. Bien que la magie régissait ce monde, le jeune homme trouvait une satisfaction particulière à travailler de ses propres mains. Parfois, les Divinités rendaient visite aux chalands, mais cela restait plutôt rare. La majorité de ces êtres étaient très occupés, régissant le temps, la paix, les guerres, le vent, la terre... Tout ce qui composait la vie des Hommes.

Durant les jours suivants, l'homme vaqua à ses occupations. Une nuit, alors que la lune était ronde, il sentit comme un souffle sur sa nuque, dans son lit. Il se réveilla brusquement, se tournant pour se retrouver face à une femme d'une beauté exceptionnelle. Ses longs cheveux noirs cascadaient le long de son corps, contrastant avec sa peau d'une pâleur de porcelaine et ses yeux onyx. Nue, elle semblait irréelle, à l'image d'un mirage, d'un rêve, ou d'un cauchemar. Le jeune homme se frotta les yeux et se pinça le bras. Elle était toujours là, à ses côtés. Enfin, elle se présenta, d'une voix exceptionnellement douce. Elle s'appelait Énasis, Divinité de la nuit étoilée et de l'envoûtement. Cette nuit-là, le jeune homme rencontra une divinité tutélaire pour la première fois. Ne sachant pas comment réagir, sa politesse le poussa à lui proposer à manger, à boire et lui préparer une chambre. Énasis, enchantée, accepta. Elle avait décidé d'explorer le monde des Hommes et de vivre parmi eux pendant un cycle des saisons. Elle avait choisi de commencer par le printemps, préférant terminer son expérience par la saison froide.

Les pages suivantes relataient le quotidien du jeune homme avec Énasis. Ils passèrent de longs mois ensemble, et finirent pas s'unir lorsque les feuilles rougissaient. L'année suivante, ils eurent trois enfants, chacun arborant des marques divines sur une partie de leur corps. En outre, l'aîné possédait la capacité d'envoûter les hommes par son regard. Le puîné manipulait les souvenirs et le benjamin les émotions. Tous étaient dotés de la faculté de nyctalopie, leur parvenant du ciel étoilé. La famille coula des jours heureux. Un jour, le père décéda et de longues années plus tard, les enfants aussi. Chacun s'était marié et avait eu des enfants à leur tour. Énasis décida de repartir dans les étoiles, veillant sur sa lignée depuis les cieux.

Adriel sentait ses paupières s'alourdir. Piquant du nez, elle décida de remettre à plus tard la suite de sa lecture. Elle s'abandonna au sommeil, épuisée à cause de sa fièvre, le livre posé sur sa poitrine.

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Hayden faisait quelques achats supplémentaires : des cordes, des rations, et un sac à dos pour Adriel. Il profita également de son après-midi pour aller passer une commande chez un forgeron. Depuis la rue, il entendait déjà le martèlement du métal. Il souhaitait initier Adriel au combat le plus rapidement possible. Il espérait que la mémoire physique outrepasserait ses manquements. Il envisageait de lui offrir une rapière légère, maniable, mais non moins meurtrière.

Il entra dans l'échoppe, qui était également une forge. L'odeur âcre de la fumée s'infiltrait dans ses poumons, mêlée aux effluves brûlantes du métal travaillé. Les étincelles éclataient par intermittence, illuminant brièvement le lieu et créant un jeu de lumière et d'ombres. Un son clair et percutant émanait à chaque coup de marteau sur l'enclume, alors que le forgeron modelait le métal à sa convenance.

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