Chapitre 2, Agdda

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Ilkka


Je crois avoir ouverts les yeux, mais le décor reste noir. Tout est flou, mais lorsque mes muscles se reconnectent entre eux, je sens que mon corps est transporté vers un lieu qui m’est inconnu. Les cordes frottent contre mes poignets et mes chevilles. J’ai froid. J’ai peur. Mon esprit est vide. Deux visages l’occupent cependant. Celui de Kio, bien-sûr, mais celui de Tancah prend plus de place. Est-elle morte ? Son corps à quelques centimètres du mien ne bouge pas mais elle aussi est attachée. Attacher quelqu’un de mort, cela n’a aucun sens, alors pourquoi nous entraver si
nous allons bien à Ahwlalal ?
Ma tête tourne à force de cogner contre le sol au gré de la route qui semble caillouteuse. Je pense que Kio respire encore, la tête posée sur le ventre amaigris et ensanglanté de Tancah.
Même quand la porte s’ouvre, il n’y a aucune lumière. Seul le froid des enfers nous accueille. Quelqu’un m’empoigne par les épaules, sectionne mes liens sans pour autant me libérer et me jette dans une petite embarcation qui manque de chavirer lorsqu’il ajoute les filles, toujours dans le silence. Même l’eau ne fait pas de bruit.
Ce n’est que quand nous sommes bien éloignés de la rive que Kio ouvre un œil. Elle est en vie ! Mon cœur ralenti quelques secondes, comme s’il était soulagé. Elle tente de se redresser mais la main ferme de celui qui nous a jeté dans ce bateau l’en empêche. La coque du bateau n’étant pas très haute, je distingue tout ce qui est raconté dans le seul conte pour enfant traitant d’Ahwlalal.
Le choc provoqué par la rencontre avec la terre ferme nous fait reculer à l’arrière. Tancah est toujours inconsciente, et je ne sais pas depuis combien de temps nous sommes en route. Cela fait plusieurs heures que je ne l’ai pas vue bouger. Soit ses respirations sont très faibles, soit…
L’homme nous sort de la barque, nous indiquant d’un signe de tête d’avancer. Les liens de mes chevilles se desserrent légèrement, de quoi me laisser juste ce qu’il faut pour avancer. Il charge Tancah sur son épaule comme un vulgaire sac de riz. Je vois du coin de l’œil ses bras balancer sans but, ses cheveux emmêlés et mouillés se coller aux côtés de son visage, ses dents claquer à chaque pas…
Nous passons une porte taillée dans la roche, après laquelle un couloir interminable bordé de bougie à la flamme jaunâtre. Au fond, je crois distinguer une autre porte, plus petite. Mes oreilles sifflent à mesure que nous nous approchons. Ce n’est que lorsque nous entrons que comprends pourquoi. Ma magie est appelée par celle d’Agdda, le roi d’Ahwlalal, et par celle de sa diablesse de femme, Séphonéper.

La Rose Éternelle 3, AhwlalalDonde viven las historias. Descúbrelo ahora