La Rose Éternelle 3, Ahwlalal

Chapitre 5, Explications

Ilkka

Une goutte de sang perle sur mon index lorsque le cliquetis de la serrure se fait entendre en un bourdonnement sifflant. Tancah est toujours affalée sur son lit, les paupières grandes ouvertes, la mâchoire tendue. Dans l'encadrement de la porte, trois silhouettes se dessinent. Deux soldats armés jusqu'aux dents et Agdda. Son regard jaunâtre et vicieux se pose sur Kio en train d'émerger doucement, comme après une bonne nuit de sommeil. Elle m'impressionne. Elle parvient à garder un contrôle sur ses émotions que je lui envie.

D'un geste de leur roi, les deux soldats nous entraînent dans le couloir mal éclairé, laissant Kio seule dans notre cellule. Tancah perd l'équilibre un nombre incalculable de fois sur le chemin, sans doute à cause des vertiges causés par la boisson d'hier. Elle se fait traîner par son soldat qui doit en avoir assez de la redresser tous les deux mètres jusqu'à une pièce éclairée à la bougie. Au premier regard, cela pourrait ressembler à n'importe quel bureau ou salon, à la différence près qu'il n'y a pas de fenêtre ni d'autres siège que celui d'Agdda.

À la lueur de la bougie, je peux mieux voir son visage. Elle a les yeux rivés au sol, la tête pendant mollement en avant, comme si quelqu'un avait éteint sa flamme qui paraissait invulnérable. Elle est sans doute prise de pensées délirantes, comme hier soir, même si elles sont moins fortes. Agdda saisit une longue tige, semblable aux calumets de Toctotepix mais plus finement fabriquée. Il l'allume en l'approchant de la bougie la plus proche et porte l'autre extrémité à ses lèvres. La fumée qui sort de ses lèvres est noire, comme l'intégralité du mobilier de la pièce. Il ferme les yeux un instant, comme s'il me laissait apprécier l'odeur âcre et répugnante de son calumet :

- Qu'est-ce que vous nous avez fait boire ?

Les mots sont sortis sans que je ne leur demande. Ils ont franchis la barrière labiale avant même qu'elle ne soit ouverte. Heureusement, cela n'a pas l'air de déranger le souverain :

- C'est un petit remontant pour vous préparer à ce qui vous attend tous les deux. Parfois, cela m'arrive d'être gentil avec mes prisonniers. Attentionné même. Comme maintenant avec vous. Mais cela m'arrive d'être... comment expliquer ça de façon simples ? Violent et sadique. Je ne me contrôle pas, c'est ainsi que les dieux m'ont créé. Dans ces moments-là, il me faut déchaîner mon corps et mes pulsions. Et cette semaine, ce sera vous.

Un nouveau sourire anime malicieusement son visage :

- Je dis cette semaine, parce que je pense que vous ne tiendrez pas plus longtemps. Vous êtes forts, surtout elle, mais pas assez pour résister à ma folie.

Il tire une autre taffe et poursuit :

- La troisième ne m'intéresse pas. Elle m'est totalement inutile. Vous par contre, vous pouvez m'aider. Et je saurai vous récompenser si vous le faites. Alors je vais vous proposer un marché : soit vous m'aidez à trouver la Rose Éternelle et je vous garde en vie, soit je vous tue. Tous les deux. L'autre mourra toute seule sans que j'ai besoin de faire quoi que ce soit, de toute façon.

Comme ni Tancah ni moi bougeons d'un poil, il poursuit :

- Vous savez, j'aime dominer. Et plus on me résiste, plus je prends plaisir à imaginer la punition. Mais vous êtes libres de votre choix, bien sûr...

Tancah tente d'articuler quelque chose mais ces mots sont aussitôt empoignés par le rire guttural d'Agdda :

- Vous ne céderez pas ? J'aimerai bien vous y voir ! Et puis, je ne crois pas que tu sois en position de marchander, Chérie.

Son rire raisonne dans mes tympans. Je n'arrive pas à comprendre le rapport qu'Agdda a avec Tancah. D'où la connaît-il ? Qu'est-ce que qu'elle lui a fait ? Qu'est-ce qu'il lui a fait ? Que va-t-il nous faire ?

En un regard à ses sbires, il me donne la réponse à ma dernière question :

- Vous savez ce que vous avez à faire.