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  il me faudrait incruster les lettres derrière son bois comme je gratte sous la chaire et
l’incruster de la lumière qu’elle n’a jamais vu.
la chaise au sol se déleste de son propre poids pour supporter celui du monde entier celui de tous les livres du monde du rouge au bleu pour retrouver les mots d’alice qui tombent au fond de mon gosier comme son corps dans la chute peut-être même que la chaise était à côté d’elle durant sa chute longue et infinie jusqu’au centre du centre du centre de la terre dans une chaleur qui ressemble à celle de juillet dans le grenier, celle-ci que la chaise ne connaître jamais.

gravée dans la roche immobile
contre mon corps qui ne sait bouger
- je ne bouge plus -
posé-e contre un mur dans la pièce voisine contre la baignoire trop froide
je ne fais pas de bruit il est tard tout le monde dort entre les murs,
j’aimerai avoir ce pouvoir là de m’y fondre m’y glisser me soustraire à mes tremblements un tige épaisse et solide dans le ventre pour rester droit-e je jamais plus pouvoir m’asseoir au sol comme un pique ne plus pouvoir toucher la chaise la balancer dans les bennes de la déchèterie dans un endroit intangible.

toujours dans ma chambre ou quelque part sur le balcon de la musique sur son bois ou un pot de fleur trop lourd pour mon corps d’enfant la chaise dehors sur la dalle de béton à neuf mètres de hauteur est derrière le rideau rouge de la chambre de maman quand papa dort à l’infini et quand il crie aussi, parfois.
ça, la chaise le regarde et le sait depuis toujours mais ne bronche pas ne bronchera jamais et c’est peut être aussi pour cela que je l’aime, cette chaise, parce que malgré tout solide comme un roc comme le titane dans mes larmes elle ne croule pas sous son propre poids elle se contente de regarder en silence tournée contre le mur les yeux condamnés comme des meurtrières comme un endroit qui n’existe pas ma chaise demeure dans cet espace, infiniment.

marcher sur les ruines Où les histoires vivent. Découvrez maintenant