Une cigarette à la main, le regard dans le vague, elle croise les bras sur la rembarde et y pose son menton.
Elle se rappelle son corps allongé sur le sol. Et cette envie de la buter.
Ils ne pourront jamais comprendre.
Un rictus malsain déforme son visage.
Ont-ils fait d'elle la même qu'eux ? Elle secoue la tête en soufflant la fumée qui vient de remplir ses poumons. Ne jamais oublier de se contrôler.
Elle aime cette brulure au creux de sa gorge. Souffrir est tout ce qu'elle a trouvé pour se sentir vivante. On ne lui a appris que ca après tout. Ce n'est pas de sa faute. Tant pis si ça la tue. Ou tant mieux, elle ne sait plus. Une vodka, une trace de coke. Autant de douleurs pour se rappeler d'oublier. Il y a tant de choses à oublier. Ne surtout pas recommencer. Fuir, loin, ne rien tenter.
Elle le revoit endormi. Elle esquisse un sourire. Ses petites boucles blondes et son ventre qui se gonfle doucement. Il était si innocent. A peine plus qu'elle.
Pourquoi la vie doit être si dure. Pourquoi la démarrer ?
Ses yeux parcourent les immeubles face à elle. Toutes ces silhouettes qui s'agitent. Ont-ils connu les mêmes peines ? Peuvent-ils comprendre ?
Peuvent-ils comprendre qu'elle fait semblant depuis toujours. Car elle n'aurait pas assez d'une vie pour tout raconter. C'est tellement plus simple ainsi. Il ont peut-être vécu pire ? Pourquoi se plaindre ? La vie n'est que souffrance de toute façon. Elle admire ceux qui ont eut le courage d'arrêter. Elle, préfère effacer.
Leurs mains sur sa peau, cette solitude, ses mots, les cris, ses coups.
Maintenant seuls les cœurs purs peuvent accompagner sa dureté.
N'aimer personne, jamais, ils pourraient vous abandonner. Ne faire confiance, jamais, ils pourraient vous abuser. Ne pardonner jamais, ils pourraient vous blesser. Et sourire surtout. Beaucoup sourire. C'est la clef.
Elle baisse les paupières vers ses poignets. Ca semble si loin, bien enfoui derrière sa joie surjouée.
Le désespoir, les rires, les larmes, la peur, les sourires, le bonheur, se relever. Oublier. Les gens n'aiment pas vous voir pleurer.
Elle se sent quand même un peu désolée, elle aimerait qu'ils comprennent.
Elle jette le mégot par dessus le balcon et lance un dernier coup d'œil à l'horizon le regard fier. Faiblir le temps d'une cigarette, prendre un verre, une ligne. Sécher, sourire, et puis tout recommencer.
