Je sens la main d'Olivia s'engouffrer dans la mienne. J'ai une pensée pour elle, elle ne mérite pas ça, elle aime la vie, elle. A mes yeux, elle est même l'une des rares à en avoir le droit. Nous sommes face à lui, à découvert, seul le comptoir nous sépare. C'est fini, cette longue et fade existence est enfin terminée. Bizarrement je me sens comme soulagée, ça semble si proche, je n'ai plus à souffrir très longtemps.
La main d'Olivia se crispe. Je sens la rage monter en elle comme un poison. Je la connais, elle est prête à se battre jusqu'au bout, à le défier, à bondir sur le monstre qui vient d'assassiner des dizaines de passants. Mais elle ne le fait pas. Elle est terrorisée, tétanisée, il n'y a rien qu'elle puisse faire cette fois-ci.Je sens le visage du meurtrier se pencher sur moi et je ne peux m'empêcher de relever les yeux. J'ai pourtant tenté de fixer le comptoir, ne voulant pas lui donner le plaisir de lire derriere mes pupilles mais la curiosité l'a finalement emporté. Qu'est-ce qu'il attend au juste ? Mon regard le défi. Achève-moi.
Achève-moi.
Mais à l'instant où je croise ses iris il semble être percuté par quelque chose d'imperceptible. C'est si discret qu'on n'aurait pu ne pas remarquer qu'il a reculé de quelques millimètres. Je maintiens le regard, lui disant "je n'ai pas peur" mais lui a perdu toute son assurance. Pendant une poignée de secondes il ne dit rien et m'observe, quelque chose d'indéterminé dans les yeux. Mais très vite et sans que j'ai le temps de comprendre, son sourire diabolique refait surface et il lève son bras armé sur Olivia. La haine a à présent envahie ses prunelles et la rage semble le consumer. Qu'avons-nous fait pour mériter tant de haine ?
Je ne veux pas regarder mais je n'ai pas le temps de l'ordonner à mon cerveau, je vois tout. Je vois sa longue chevelure brune voler puis retomber à mes pieds. Je vois le sang gicler sur les murs, je vois ses yeux se fermer sous la brève douleur. Je la vois mourir.
Je retiens un cri et faillis vaciller, j'aurais tout donner pour qu'il me tue en premier. Pourquoi ne m'a-t-il pas tuée en premier ? Pourquoi ai-je eu cette vision juste avant de mourir. J'essaie de faire en sorte que cela ne m'atteigne pas, comme je le fais si bien d'habitude. J'essaie de toutes mes forces de détacher mon âme de mon corps et de regarder la scène de loin. Ça marche très bien normalement. Mais le sang chaud de mon amie coulant sur ma peau m'empêche de m'envoler tout à fait vers d'autres pensées. Je reste accrochée à la réalité cette fois-ci.
Le bras qu'il na même pas laisse retomber se décale vers mon visage. Je ne peux m'empêcher de soutenir son regard alors que je m'étais promis de ne pas les laisser gagner les portes de mon âme. Je l'observe alors qu'il enclenche le chien de son arme. Son visage semble semble si juvénile. À part la cicatrice qu'il porte sur sa pommette droite il ne semble pas pouvoir faire de mal à une mouche. Un instant j'aurais presque de la pitié pour lui. "À quel point peut-on être torturé pour en arriver à faire ça ?" Au moment où son doigt glisse lentement sur la gâchette je ferme les paupières définitivement.
