Quelque temps après ce jour si précieux à mes yeux, nous nous sommes rendus à l'Opéra Garnier. Bien que cette fois-ci ce n'était pas pour voir sa troupe et lui, mais plutôt pour aller admirer un groupe plus connu qu'eux. Il m'avait confié que cela faisait une éternité qu'il ne s'était pas permis un petit plaisir de la sorte, de peur de perdre du temps ou à cause de son manque d'argent. Ses revenus n'étaient pas des plus réguliers. Je lui avais évidemment payé sa place, malgré ses rouspétances. Cela me ravissait de nous voir devenir aussi complice. Cette amitié qui s'enrichissait, par de nombreux petits moments comme ceux-ci, me remplissait de joie. Je ne pensais à rien d'autre à part passer des moments avec lui, il emplissait ma tête. Encore et toujours plus. Durant cette période, mes pensées étaient uniquement tournées vers lui. Bien qu'au départ j'essayais de m'y opposer, je compris, bien malgré moi, que je ne pouvais rien y faire et que j'étais condamné à subir ce traitement, même si cela pouvait parfois m'embêter.
Nous attendions que la salle se remplisse, j'avais l'impression de me retrouver au jour de notre rencontre, cependant cette fois-ci je n'étais pas accompagné d'un individu désagréable. Être avec lui me réjouissait plus que ce que je n'aurais pu imaginer. Il était très silencieux depuis que nous étions installés, son regard était fixé sur la scène. Je mourrais d'envie de lui demander à quoi est-ce qu'il pouvait penser, mais je ne voulais pas le déranger, il semblait si paisible que je me sentais coupable de le couper dans cette contemplation silencieuse. Alors, sans grande discrétion, je m'étais mis à le détailler comme j'adorais le faire. Il avait souhaité faire un effort, alors il s'était plaqué les cheveux à ma façon. Il faut dire que cela produisait un certain effet en moi. J'étais bien plus que flatté. Mais je ne m'étalerais pas là-dessus. Aucune mèche pour déranger sa vue, ce qui me donnait une belle vue sur son profil si délicat. Un nez pointu et des lèvres fines, mais surtout, ce petit grain de beauté sur la tempe, qu'il ne possédait pas sur son profil droit. J'adorais l'observer. Je me sentais légitime de le faire. Je le trouvais d'une beauté légendaire. Je n'ai jamais revu de personne aussi belle que lui depuis. Je savais aussi qu'il sentait mon regard et que très certainement il me voyait du coin de l'œil, mais je ne me sentais pas gêné. Je m'accordais ce plaisir avant que le spectacle ne commence. En me disant ceci, comme si les astres m'avaient entendu, le rideau bougea et les invités applaudirent. « Retourne toi, ça commence » m'avait-il doucement chuchoté, tout en gardant les yeux rivés sur la scène désormais habitée. Il avait souri, comme si cette situation l'amusait, puis il posa ses mains sur ses genoux comme un enfant qui essaie de se contenir de sauter partout.
Alors je repris contenance, m'orienta vers la scène et admirait grandement ses musiciens qui jouaient du Johannes Brahms. Il n'est pas mon compositeur favori, mais l'entendre aussi bien était toujours un plaisir. J'espérais que mon compagnon prenait autant de plaisir que moi. La salle résonnait de ses instruments que je trouvais fabuleux, mais je ne pouvais m'empêcher de vouloir voir les réactions de mon ami. Néanmoins, je me contrôlait, ne voulant pas avoir l'air de la personne peu distinguée qui scrute les gens. Même si après mûre réflexion, c'est ce que j'étais. Histoire de me reprendre et de me planter dans la réalité, je posai ma main sur l'accoudoir que nous partagions. J'étais en train de le maintenir si fort, je crois que je ne voulais pas qu'il s'envole. Puis, il arriva cet électrisant toucher. Il frôla ma main, ne se doutant pas que j'avais déjà accaparé ce dernier. Il sursauta légèrement, mais sa tête ne se tourna pas vers moi. Il resta ancré dans sa propre réalité, se contentant de décaler sa main avec une lenteur qui me rendit fou. J'aurais tant aimé avoir le cran de saisir sa main pour la laisser là où elle avait failli se poser. Hélas, je n'avais pas ce courage, alors je la laissais partir, laissant s'échapper mon excitation de plus tôt. Je n'avais pas retrouvé de concentration jusqu'à la fin de la représentation. J'étais assommé. Pourtant, encore une fois, il ne s'agissait pas de grand chose, mais mes sentiments étaient décuplés lorsque cela se rapprochait de près ou de loin d'Haïcé. Alors, lorsqu'il s'agissait d'un contact physique, autant dire que, oui, ma tête explosait. Et encore aujourd'hui, on en est toujours là puisque j'ai le cœur qui s'affole en me ressassant ses souvenirs. Je les revis, j'ai l'impression que rien ne s'est passé entre tout cela, que je suis encore à la minute exacte de tous ces évènements. Si seulement...
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Du bout de tes doigts
RomanceOleg, homme d'affaires haut placé à Paris s'éprend d'Haïcé, alors que Beata, sa fiancée, est fortement malade. S'il s'avoue son trouble, donne libre cours à son désir et que leurs cœurs se rencontrent, Oleg ne peut réprimer sa honte et faire de cet...