Chapitre 15

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   Cela faisait trois nuits entières que je passais sur mon canapé. Je m'étais mis en tête l'idée que si Beata décidait de rentrer tard le soir, elle me verrait avachi sur notre canapé, cela lui ferait de la peine et elle comprendrait que je tenais à elle et que je voulais tout faire pour que notre relation fonctionne du mieux possible. Je voulais la prendre par les sentiments en usant de la pitié. Malheureusement pour moi, ce scénario n'était pas arrivé. Je me cassais le cou à dormir dans des positions pas possible pour rien et cela avait le don de me frustrer. Cependant, je ne comptais pas abandonner. Je devais continuer de jouer ce rôle à la perfection. Je ne faisais qu'aller au travail, sans prêter attention à ce qui pouvait m'entourer.
   Mais, ce jour-là était particulier. Je savais que nous étions samedi, je savais qu'Haïcé donnait une prestation. J'avais laissé comprendre que je ne viendrais pas l'autre fois au téléphone, mais je voulais réellement y aller. C'était plus fort que moi, je voulais le voir. Je ne lui avais donné aucune nouvelle et il n'avait pas essayé de me contacter. J'osais être blessé par ce comportement. Tout arrivait par ma faute. Toutes ses situations embarrassantes me tombaient dessus tout simplement parce que je ne faisais que les mauvais choix. Je savais pourtant que j'allais céder à cette tentation et me rendre à ce spectacle.

   Je m'étais fait beau. Cela m'avait fait du bien. Je sentais cette prestance de confiance qui planait sur mes épaules et j'en étais ravi. J'étais arrivé quelques minutes avant le début, beaucoup de places était disponible, j'ai pu me placer vers le milieu. Je savais aussi que s'il faisait le tour de la salle il me verrait car personne n'était réellement collé à moi. Lorsque le groupe arriva sur scène, mes yeux ne purent le quitter. J'étais hypnotisé. Je le trouvais resplendissant. Une aura angélique l'entourait. Ils se mirent à jouer. Haïcé, comme à son habitude, ferma les yeux. Il se laissait envoûter par sa propre musique, c'était splendide à voir. Ses cheveux noirs, qu'il n'avait pas coiffer, volaient autour de son doux visage concentré. Ils ouvraient de temps en temps ses yeux, que je convoitais. Je voulais qu'il me remarque. Ses doigts caressaient le violon tandis que son archet semblait être plus violent. Un instant, il leva les yeux plus longtemps car il ne jouait pas, et m'aperçut. Il sembla perplexe et je sentais qu'il essayait, en vain, de dissimuler un sourire. J'étais heureux de voir que je pouvais lui provoquer ce genre de réaction. Il m'offrit alors un sourire franc, ce qui fit rire une de ses camarades à côté de lui. Je le lui rendit, évidemment, tout en mettant mes cheveux en arrière. J'aurais souhaité être plus près de lui, juste à cet instant, pour voir s'il avait rougis face à ce geste. Je me contentais de voir son visage, qui avait été très sévère jusqu'à présent, se détendre. Dès lors, lorsqu'il rouvrit les yeux, c'était uniquement pour me regarder. Il ne faisait même plus le tour de la salle, ses yeux se posaient immédiatement sur moi et nous nous offrions des jeux de regards instantanés car je ne le lâchais jamais. Il était mon spectacle. La salle rayonnait grâce à lui. La musique classique qui sortait de leurs instruments les mettait en valeur, mais lui brillait parmi ses notes. Tout était conçu pour lui. J'étais comblé.

   À la fin du spectacle, j'étais resté dans la salle à l'attendre. Durant la révérence, ce dernier ne m'avait pas quitté des yeux, un grand sourire illuminant son visage. Je ne voulais pas me rendre en coulisses, je ne souhaitais pas prendre le risque de m'afficher devant ses camarades. Alors j'attendais, personne n'était encore venu pour me jeter, alors j'attendais calmement accoudé sur mon siège.

— Tu m'avais dit que tu ne viendrais pas ! dit la voix d'Haïcé dans mon dos.

— Surprise, lui ai-je répondu doucement.

— Ce n'est pas forcément ce qu'il faut faire, mais je vais passer outre le fait que tu ne m'as pas donné de nouvelle durant trois jours parce que je suis bien trop content de te voir !

Du bout de tes doigtsOù les histoires vivent. Découvrez maintenant