9: Hugo. Les surprises du retour

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     Hugo avait regagné l'ambassade après avoir rencontré ses contacts aux Philippines et en Indonésie. Il était assez maussade, en raison du peu de succès de ses déplacements, mais il était heureux de rentrer, sans qu'il s'explique pourquoi. Etre à la tête du service juridique était assez ennuyeux en soi. Et les coopérants étaient la plaie de son existence. Enfin, pas tous.

     Lorsqu'il regagna son bureau, il eut la surprise d'être convoqué sur-le-champ par l'ambassadeur.

     — Vous êtes au courant pour Mathis Monod ?

     — Vaguement, dit Hugo.

     C'était sa réponse standard quand il doutait. Cela incitait son interlocuteur à donner des informations que généralement Hugo ne possédait pas, en lui évitant d'apparaître incompétent.

      — Le Français arrêté pour possession de drogue. Cela pourrait n'être qu'un cas de plus, mais celui-ci a été médiatisé en France dès le début. Allez savoir pourquoi. Bref, sa mère a débarqué hier, avec plusieurs journalistes de France 2. Heureusement, votre service avait déjà pris contact avec ce Monod en prison, ou nous aurions été traînés dans la boue par les médias.

      — Buisson sait ce qu'il a à faire, approuva Hugo.

     Bizarrement, Buisson ne lui en avait pas touché un mot. Il allait devoir reprendre le dossier vite fait.

     Blanchard poursuivit :

     — Bref, les journalistes campent devant la prison royale. Il faut poursuivre l'aide apportée à notre compatriote et se montrer présents.

     — La mère a été prise en charge ?

     — Oui, votre service lui a trouvé un appartement et un interprète. Quand au fils, il a un avocat local.

     — Bien, dit calmement Hugo, impressionné à part lui par l'efficacité de Buisson.

     — Maintenant que vous êtes de retour, je compte sur vous pour poursuivre la gestion du dossier dans la même optique. La France entière nous regarde !

     — Oui, monsieur l'ambassadeur.

     Hugo se mit à la recherche de Buisson, qu'il trouva devant la machine à café, en pleine conversation avec les coopérants.

     — Bonjour à tous. Pourquoi vous ne m'avez pas parlé de Mathis Monod ? interrogea Hugo en se tournant tout de suite vers son assistant.

     Les sourcils de Buisson se levèrent.

     — Qui ça ?

     Hugo resta silencieux, soudainement intrigué.

     — Le Français arrêté pour trafic de drogue. Avant que je rentre.

     — Ah oui, ça me dit un truc...

     Hugo détourna les yeux du visage perplexe de Buisson et les posa, tour à tour, sur les coopérants. Les garçons le regardaient en prenant l'air innocent. Quant à Héléna Michel, elle avait violemment rougi et regardait ses chaussures.

     — Mademoiselle Michel, dit Hugo d'un ton égal, un mot en privé, je vous prie.

     — Oui, monsieur.

     Elle le suivit jusqu'à son bureau. Il ferma la porte derrière elle.

     — Le service juridique a pris en charge Mathis Monod, parait-il. Vous voulez bien me dire ce que vous avez fait ?

     L'attaque sans préambule arracha à la jeune fille un soupir de défaite.

     — Je suis allée le voir en prison, monsieur. Je lui ai trouvé un avocat et j'ai appelé sa mère.

     — La mère est arrivée, je crois ?

     — Oui, le lendemain.

     — C'est vous qui lui avez trouvé un logement ?

     — Oui, monsieur.

     — C'est à monsieur Buisson de faire cela, en mon absence. Certes pas à vous, une coopérante qui n'y connaît rien !

     Elle releva la tête avec un air de défi.

     — Monsieur Buisson a déclaré qu'il ne s'en occuperait pas ! On ne pouvait pas laisser ce pauvre garçon tout seul, et sa mère non plus !

     Hugo se passa la main dans les cheveux.

     — Vous avez bien fait, concéda-t-il. L'ambassadeur est ravi de la gestion de l'affaire, surtout que les médias sont là.

     Héléna eut l'air grandement soulagée.

     — J'espère ne pas avoir fait de bêtises..., souffla-t-elle. J'avais demandé conseil à un ami de l'ambassade d'Allemagne, qui s'y connaissait un peu.

     Hugo soupira.

     — Ce genre de dossier devrait rester discret. Mais je préfère que vous ayez fait cela plutôt que de prendre de mauvaises initiatives. Comment avez-vous pu entrer dans la prison royale ? Il faut une autorisation officielle.

     La jeune fille arbora une expression embarrassée. Hugo leva un sourcil.

     — Quoi ? Vous avez versé un pot-de-vin ?

     — Non. J'avais une autorisation.

     — Pardon ? Vous avez fait un faux en écriture ? s'écria Hugo, horrifié.

     Puis il éclata soudainement de rire, sans pouvoir s'en empêcher.

     — Faites en sorte que Blanchard ne l'apprenne jamais !

     — Oui, monsieur, dit Héléna d'une petite voix.

     Hugo la regarda avec attention.

     — Je dois vous remercier, dit-il enfin. L'ambassadeur aurait été furieux si le service n'était pas intervenu, et il m'aurait remonté les bretelles !

     Héléna sourit franchement, et Hugo ressentit un picotement de plaisir devant ce sourire chaleureux. Il voulait lui retourner son sourire, mais il se sentait emprunté. Parce qu'il ne souriait jamais, sans doute. Il ne savait plus comment faire.

     — Merci à vous, monsieur, de m'avoir sortie de la saisie informatique. Gabriel m'a raconté.

     — Ce n'est rien, répondit Hugo, d'un ton bourru. Je préfère vous garder.

     — Tant mieux, je préfère être gardée.

     Elle le regardait droit dans les yeux. Hugo sentit que sa gorge était nouée. Il dut faire un effort pour lui dire :

     — Ce sera tout, mademoiselle.

     Elle inclina la tête et sortit.

     Hugo se laissa aller en arrière sur son siège. Il devait se rappeler que dans sa position, il devait  n'avoir d'yeux que pour son travail. Pour rien d'autre. Pour personne d'autre.

Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant