19 - Hugo: une attaque brutale

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     Hugo se tournait et se retournait dans son lit. Il n'arrivait pas à trouver le sommeil. Il subissait le stress de sa mission, de sa position dans un environnement hostile de trafiquants dangereux.

     Pendant un instant, il regretta ses choix de vie. Il aurait pu embrasser bien des carrières différentes, s'il n'avait pas été recruté pendant ses études. Il avait cependant une attirance vers le risque. Il aimait l'adrénaline que cela procurait. Il se serait sans doute profondément ennuyé dans un travail classique de bureaucrate, s'il n'y avait eu que des moments comme cela. Là où il était, il y avait des moments de bureaucratie ennuyeuse. Et puis il y avait le reste.

     Il entendit des bruits à l'extérieur de l'habitation.

     Voilà précisément « le reste » auquel il pensait...

     Il se leva et se rapprocha de la fenêtre pour écouter. Des voix en malais, mais trop étouffées pour qu'il comprenne.

     Il ramassa son sac, qu'il tenait prêt en cas de départ précipité. Il était déjà habillé. Il avait été formé à se tenir prêt n'importe quand, y compris au milieu de la nuit. Il écouta encore. Son instinct lui criait qu'il avait des problèmes. Il entendit la porte d'entrée s'ouvrir. Des voix encore, dont celle de l'homme qui le logeait. Il comprit la phrase : « Il est là ».

     Il écarta le volet et sauta à l'extérieur.

     Tout de suite, des mains se saisirent de lui. Il n'en fut même pas surpris. Il se débattit avec rage. Mais ses assaillants étaient deux et ils le tenaient fermement. Hugo se sentit entraîné à distance de la maison. Il entrevit les phares d'un camion.

     Il se débattit plus fort encore et réussit à envoyer un coup de pied dans la tête d'un des hommes. Celui-ci cria et le lâcha. Hugo put échapper à celui qui le tenait encore. Libéré, il se retrouva à terre. Il se redressa et envoya un coup de poing au hasard en direction de la silhouette qui avançait vers lui. Là encore, il atteignit son objectif avec force. Il entendit le bruit d'un nez qui se brisait. L'homme cria en reculant.

     Libre de ses mouvements, Hugo prit la fuite. Il avait toujours son sac sur le dos avec son téléphone. Il partit à l'aveuglette dans la nuit. Il devait mettre un maximum de distance entre lui et ses assaillants.

     Il entendit des cris et des ordres lancés. Il ne s'arrêta pas et ne regarda même pas en arrière. Il se concentrait sur son parcours car il devait éviter les pièges du chemin : ne pas trébucher sur les racines, ne pas s'assommer sur un obstacle. Il courut vers la montagne où il avait circulé tant de fois ces derniers jours. Entre le relief et la jungle, il était certain d'y être camouflé. Il entendit alors des tirs d'arme à feu. Les autres étaient vraiment prêts à tout pour l'avoir, mort ou vif. Il se força à contrôler sa respiration et continua sa route. Il avait atteint la forêt. Il avait presque réussi à leur échapper, se dit-il, sauf qu'à présent il ne pouvait plus courir. Il devait naviguer plus prudemment entre les obstacles.

     Les autres étaient encore derrière lui. Il percevait leurs voix et des faisceaux de lumière venus de lampes torches. Il devait tout faire pour ne pas se retrouver éclairé ou il serait une trop belle cible. Il avança en zigzags, comme on lui avait appris. Il continuait à monter. Les feuilles piquantes lui lacéraient le visage et les mains. Mais il avançait toujours.

     Bientôt il n'entendit plus le bruit que faisaient ses poursuivants. Son cœur commença à battre moins vite. Il s'autorisa à ralentir l'allure, sans s'arrêter toutefois. Il se fixa comme objectif de continuer à avancer pendant une heure encore. Avec le relief, cela ne l'éloignait pas énormément du village.

     Il consulta sa montre et se contraignit à avancer, malgré la fatigue. La discipline était tout, dans sa situation.

     Au bout d'une heure, il s'arrêta, à l'affût des bruits de la forêt.

     Absolument rien. Alors il s'assit sous un taillis, reprit le contrôle de sa respiration et de son rythme cardiaque pour les forcer à se mettre au repos. Il avait échappé à un enlèvement en bonne et due forme.

     Il devait réfléchir aux erreurs qu'il avait commises. Il y en avait eu, forcément. Il avait été repéré près de l'atelier clandestin en tôle, c'était sûr. Mais personne n'avait pu le suivre depuis cet endroit : il y avait veillé. Il avait fait des tours et des détours et s'était assuré que personne ne le suivait.

     L'homme qui l'hébergeait avait signalé sa présence, cela pouvait être considéré comme acquis. Mais pour que cela provoque une tentative d'enlèvement, les assaillants savaient qu'il représentait une menace. Comment le savaient-ils ? Connaissaient-ils son nom, ou est-ce que sa description avait suffi ?

     Les questions se bousculaient dans la tête de Hugo. Il fallait pourtant qu'il ne cède pas à la panique et qu'il prenne du repos. Il aurait besoin de toute sa lucidité quand il ferait jour.

     Lorsque la lumière fut enfin suffisante, il prit son téléphone sécurisé et contacta le colonel Ravel. Il ne savait pas quelle heure il était en France et s'en moquait.

     — Oui ? Qu'y a-t-il ?

     Ravel avait compris qu'il y avait un problème avant même d'entendre sa voix.

     — J'ai été attaqué cette nuit. J'ai failli être enlevé, ou pire.

     — Où êtes-vous ?

     — Dans les montagnes, près de la frontière, là où j'étais ces jours-ci.

     — Rentrez. Rentrez au bureau, reprenez vos habitudes. Ce sera moins risqué.

     — Si j'ai été repéré, je serais en danger là-bas aussi.

     — Vous serez en terrain familier. Ce sera plus simple pour vous si vous devez vous défendre. Et je pourrai vous envoyer un appui : un agent local.

     — Ce n'est pas nécessaire. Pas encore, affirma Hugo.

     A la lumière du jour, il se sentait moins vulnérable et ne voulait pas renoncer ainsi à sa meilleure piste.

     — Je veux rester encore un peu. Je n'ai pas pu confirmer la présence de la cible dans le secteur.

     Ravel garda le silence quelques instants.

     — Très bien, finit-il par acquiescer. Ne prenez que des risques calculés, cependant. Votre couverture est précieuse.

     — Oui monsieur.

     Hugo raccrocha. Il n'avait pas dit à Ravel qu'il pensait que sa couverture avait déjà volé en éclats. S'il devait quitter précipitamment le pays, il partirait avec la preuve de la culpabilité de Sidek. Pas avant. Il n'aurait pas fait tout ça pour rien. Il avait appris que Sidek était impliqué dans le trafic grâce à Mathis Monod qui l'avait surpris avec des gens peu fréquentables. Le jeune Français, invité par la propre fille du ministre à venir à son domicile, avait vu ce qu'il n'aurait pas du voir. En conséquence, Sidek avait résolu de l'envoyer en prison en camouflant de l'héroïne dans son sac. Hugo devait prouver la culpabilité de Sidek. Sinon il serait le pire agent secret de toute la boîte !

     Il n'était déjà pas le meilleur, sinon il ne serait pas en fuite, en pleine jungle... Quelle honte. Son instructeur en serait malade s'il l'apprenait un jour. Hugo se demanda encore et encore comment il avait pu être démasqué. Qui savait qu'il venait là dans le cadre d'une mission ?

     Ravel, bien sûr, mais c'était impossible.

     Blanchard, idem.

     Buisson n'en savait pas assez.

     Et puis il avait parlé à Héléna Michel.

     Oh mon Dieu.

Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant