13 -Hugo: La réception de l'ambassade

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Hugo s'approcha d'Héléna tout en la regardant avec attention. Sa robe lui allait très bien et lui donnait une élégance particulière, qui suffisait à la faire remarquer depuis l'autre côté de la salle.

- Bonsoir, mademoiselle Michel.

- Bonsoir, monsieur Fohl.

Elle avait un petit air amusé. Il se sentit maladroit. Il aurait dû lui sourire, si seulement il se rappelait comment faire. Il prit une coupe sur un plateau qui passait, porté par un serveur, et la lui tendit.

- Merci, dit-elle avec un joli sourire.

Il se demanda quoi faire ensuite, et surtout quoi dire. Il aurait peut-être dû la complimenter sur sa robe. Il essayait de tourner une phrase dans sa tête, quand il vit du coin de l'œil approcher Blanchard. Il se figea presque au garde à vous.

- Monsieur l'ambassadeur.

Celui-ci, impeccablement courtois, s'inclina un peu devant Héléna avant de saluer Hugo.

- Vous êtes très en beauté, mademoiselle, dit-il en se tournant vers elle.

- Merci beaucoup, monsieur l'ambassadeur. Merci surtout pour votre invitation.

- Tout le plaisir est pour moi. Suivez-moi, je vais vous présenter.

Hugo vit sa propre surprise se refléter sur le visage de la jeune fille. Elle lui fit un sourire d'excuse et s'éloigna, suivant Blanchard qui allait d'invité en invité. Hugo sentit à nouveau flamber ses soupçons. Blanchard allait prendre la jeune coopérante dans son propre service. Ou, pire encore, il s'apprêtait à lui faire des avances. Que ferait-elle alors ? Elle serait peut-être flattée d'être ainsi distinguée et elle accepterait une aventure avec lui, d'autant plus aisément qu'ils n'étaient mariés ni l'un ni l'autre. Ou peut-être serait-elle rebutée par la grande différence d'âge.

Il continuait de suivre des yeux la jeune fille alors qu'elle était présentée à toutes les personnalités, chefs de service de l'ambassade, et personnages étrangers. En se tenant ainsi à côté de l'ambassadeur, elle jouait quasiment le rôle de son épouse. « C'est pour ça », se dit soudain Hugo. « Il n'est pas marié, il utilise Héléna pour être accompagné. » Il fut surpris lorsque Christine vint se planter à côté de lui.

- Bonsoir, monsieur Fohl. Cela se voit que vous êtes contrarié d'être là !

Hugo retint difficilement une grimace.

- Je ne suis pas du tout contrarié, madame Dupin.

- Alors vous faites très bien semblant...

Mais elle osait le taquiner ! Alors qu'il s'apprêtait à prendre congé poliment mais fermement, elle ajouta :

- Ne vous en faites pas, la petite Héléna n'est pas du tout son genre. Elle ne risque rien.

- Mais de quoi parlez-vous ?

Christine rit sans répondre. Hugo, mortifié, saisit une coupe de champagne et la but à moitié. Christine avait déjà disparu. C'était un complot pour lui faire passer une mauvaise soirée. Il décida de s'approcher subrepticement de Blanchard, pour tenter de savoir ce qu'il disait à Héléna. Après tout, ses supérieurs disaient qu'il était un homme discret et passe-partout. C'était le moment de s'en servir. Il marcha vers eux en restant bien dans leur dos. Il n'était qu'à quelques mètres, quand la rumeur courut : « Voilà le roi ! »

Hugo n'avait même pas eu vent que le roi serait présent. Il n'était décidément pas à la hauteur de sa mission. Héléna sembla sur le point de faire demi-tour, mais Blanchard l'attrapa par le bras.

- Vous savez faire une révérence ?

Héléna murmura :

- Oui.

- Très bien, vous restez à côté de moi.

Toutes les conversations cessèrent, alors qu'un petit groupe pénétrait dans le salon de réception. Hugo, resté en retrait, identifia le roi et son épouse, richement vêtus dans un costume traditionnel. Ils étaient impressionnants, notamment parce qu'ils étaient de haute stature et se tenaient très droit. Derrière eux, venait le Ministre de l'Intérieur, Sidek, qui arborait un grand sourire.

Le cœur de Hugo fit un bond dans sa poitrine. Ahmad Sidek était au centre de ses pensées depuis qu'il avait parlé avec Mathis Monod dans sa prison. C'était une vraie surprise de le voir là, mais c'était aussi stimulant. Cela lui rappelait vers quel objectif il devait se concentrer. Ses pensées personnelles, ses propres sentiments, n'avaient pas de place dans l'immédiat. Il avait une mission à remplir.

Il vit l'ambassadeur s'incliner légèrement. A côté de lui, Héléna fit une révérence gracieuse, comme une jolie ballerine sur scène. Le roi et la reine les saluèrent en souriant. Blanchard s'adressa à eux en anglais, leur souhaitant la bienvenue et présentant Héléna. La reine demanda à celle-ci si elle aimait le pays. Héléna répondit par l'affirmative, avec suffisamment d'enthousiasme pour charmer le couple royal. Elle avait l'étoffe d'une diplomate. A ses côtés, Blanchard semblait ravi. C'était bien cela, il utilisait Héléna pour faire les honneurs et donner une bonne image de la représentation française. C'était bien joué, reconnut Hugo. Il n'y avait pas beaucoup de personnel féminin ici qui aurait pu jouer ce rôle.

Le roi salua une dernière fois avant de s'éloigner pour parler à Blanchard. La reine bavarda un instant avec Héléna avant de prendre congé. Hugo entendit Héléna la saluer en malais, et la reine eut une exclamation de plaisir.

Lorsqu'elle se fut éloignée, le ministre de l'intérieur commença à parler avec Héléna. C'était un homme de petite stature mais qui dégageait une autorité indéniable. Il était vêtu à l'occidentale. Sa barbe taillée en pointe et ses yeux perçants lui donnaient une physionomie très remarquable. Sidek interrogeait Héléna sur ses études, sur sa vie ici, le tout en français. Sidek était en effet un ancien étudiant de La Sorbonne à Paris et était quasiment bilingue. Hélas il parlait à mi-voix. Hugo ne captait qu'un mot sur dix. Il ne pouvait s'approcher davantage, de peur d'être repéré. Il faudrait absolument qu'il interroge Héléna dès demain sur ce que son suspect lui avait dit. On ne savait jamais par quel canal les renseignements pouvaient surgir. Et il avait absolument besoin de renseignements supplémentaires pour confirmer ce qu'il soupçonnait. Il avait activé tous ses réseaux, tous ses contacts, et il pensait être sur une piste sérieuse.

Or, des supputations ne suffisaient pas. Il fallait beaucoup plus.

Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant