Sophie venait d'effacer par erreur la saisie qu'elle venait d'effectuer à la demande de Gabriel.
— Oh, je n'ai pas sauvegardé ! Ça se rattrape ? demanda-t-elle ingénument.
Gabriel leva les yeux au ciel et vint se pencher sur l'ordinateur. Lorsqu'il eut récupéré le fichier en cache, il envoya Sophie ranger des dossiers aux archives. Tout pour qu'elle soit loin du service.
Il se tourna vers Héléna.
— Tu sais que les garçons ont demandé à Fohl de la virer ?
Héléna interrompit son travail sur son écran.
—Quoi ? Ah non !
— Elle n'est quand même pas très douée. Ne me dis pas que tu la regretterais !
— Ce n'est pas la question, dit froidement Héléna. Ils l'ont choisie parce qu'elle était jolie et bien roulée, maintenant il faut qu'ils assument ! Elle a rendu son appartement aux Philippines, elle a déménagé ses affaires et pris une location ici, alors c'est trop tard. Elle travaille ici, que ça leur plaise ou non.
— Je comprends, dit Gabriel. Bon, alors c'est réglé, on la garde.
— Ça ne dépend pas de nous, mais de Fohl. Tu crois que je peux lui en parler ?
— Si tu lui demandes de garder Sophie, il la gardera.
— Tu me prêtes trop de pouvoir !
— Même pas ! répliqua Gabriel d'un ton enjoué.
Mais quand Héléna le regarda d'un air interrogateur, il replongea dans son dossier.
Héléna poursuivit sa saisie quand une notification la prévint qu'elle venait de recevoir un email par le réseau intranet. Elle l'ouvrit, contente d'avoir une distraction. Le mail provenait du secrétariat de l'ambassadeur.
« Mademoiselle Michel,
Monsieur l'ambassadeur vous prie d'assister à la réception qu'il donnera le jeudi 15, à partir de 20h, dans les salons du premier étage. La tenue de soirée est de rigueur.
RSVP.
Pour M. Blanchard, le secrétariat : Nawel Nari. »
Héléna releva la tête pour demander :
— Il y a une réception de l'ambassade, le 15 ?
— Oui, le grand tralala.
—Les coopérants y vont ?
— Tu rigoles ? Bien sûr que non. Nous ne sommes que du menu fretin.
— Et pourtant, je crois bien que je suis invitée.
Gabriel vint se pencher sur son épaule pour lire le mail.
— C'est parce que tu as rencontré Blanchard hier, dans son bureau ?
— Peut-être. Il m'a remercié d'avoir suivi l'affaire Mathis Monod.
— C'est gentil à lui. Mais c'est un cadeau empoisonné : il faudra acheter une tenue de soirée.
— Sache, cher ami, que faire du shopping pour une soirée n'est jamais un cadeau empoisonné pour une fille !
Héléna répondit au mail en confirmant sa présence et sortit du bureau sous les rires de Gabriel.
Le week-end suivant, elle se rendit dans une boutique dont les prix étaient abordables pour son salaire de coopérante et procéda à plusieurs essayages. Elle choisit une longue robe bleu nuit, de forme portefeuille, qui mettait en valeur sa taille fine et flottait souplement autour de ses jambes. Elle espérait que ce serait assez habillé, mais ne pouvait espérer mieux avec son budget. Elle se tint loin des robes locales traditionnelles, qui étaient très colorées et très chargées en décorations. Elle ne voulait pas particulièrement se faire remarquer.
La soirée la préoccupait un peu, car elle craignait de se sentir empruntée, mais elle n'en oublia pas Sophie. Elle alla frapper à la porte d'Hugo Fohl. Elle s'avança vers lui et se rendit compte qu'il ne l'intimidait plus. Elle savait qu'il l'appréciait, elle ne se sentait plus mal à l'aise en sa présence. Elle lui demanda de conserver Sophie à son poste. Elle pensait qu'elle allait devoir plaider la cause de la secrétaire maladroite, mais après sa première phrase, Hugo Fohl hocha la tête.
— Fort bien. Elle reste.
— Merci beaucoup, monsieur !
— Je vous en prie.
Se sentant en confiance, elle osa lui demander :
— Vous serez à la réception du 15, monsieur ?
— Oui, en effet.
— J'ai été invitée aussi.
Un instant, Hugo Fohl laissa paraître sa surprise mais recouvra très vite son visage impassible.
— Je suis ravi que monsieur Blanchard vous témoigne ainsi sa reconnaissance.
Héléna sortit, non sans avoir remarqué que son chef ne paraissait pas ravi de la nouvelle.
Il aurait pu au moins dire « alors nous nous y rencontrerons », ou quelque chose de ce genre. Elle se sentait déçue sans savoir pourquoi.
La date de la réception arriva enfin. Héléna pensait que l'ambassade serait en ébullition, mais cela n'avait pas été le cas. C'était la routine pour ceux qui seraient présents, et cela n'offrait aucun intérêt pour ceux qui n'y seraient pas.
Elle était arrivée à l'heure et se dit sur-le-champ que c'était une erreur. Il n'y avait pas grand monde et elle ne savait pas quoi faire. Le temps s'écoula interminablement jusqu'à ce qu'elle repère Christine, la chargée de l'accueil, et lui saute presque dessus.
— Coucou, ma belle ! salua Christine. Tu es très jolie !
— Merci, toi aussi !
— Tu dois être la première coopérante invitée par un ambassadeur.
— Ah bon ? Est-ce que je dois m'inquiéter pour ma vertu ? dit Héléna, plaisantant à moitié seulement.
Christine se pencha en avant d'un air conspirateur.
— Ne le répète pas, mais... Notre ambassadeur a une maîtresse attitrée depuis des années, et ne regarde pas les autres femmes. Pas même si elles sont jeunes et jolies.
— Tant mieux ! dit spontanément Héléna. Mais comment fais-tu pour tout savoir sur tout le monde ?
— C'est mon talent caché...
Héléna vit Hugo Fohl à l'autre bout de la pièce. Il avait l'air de s'ennuyer ferme. Il était certain qu'avec son caractère austère, ce genre de soirée n'était pas sa tasse de thé. Héléna le regarda à la dérobée, repensant à ce que Christine avait dit : qu'il était un genre d'espion. Elle se demandait si c'était vrai, mais devait se convaincre qu'elle ne le saurait jamais. Elle avait envie d'aller lui parler. Alors qu'elle hésitait, Hugo la repéra et marcha vers elle.
VOUS LISEZ
Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)
AdventureHéléna, vingt-trois ans, nouvelle coopérante d'une ambassade en Asie, ne se doute pas qu'elle va être mêlée à une affaire d'espionnage pleine de dangers. Son supérieur, Hugo Fohl, cherche-t-il à la protéger ou à l'utiliser ? Au programme: sauver un...