Chapitre 1 : Une princesse perdue.

127 24 33
                                    

    Au centre d'une clairière envahie de ronces et de mauvaises herbes se tient un rocher. Couvert de mousses et de lichen, il semble être le vestige d'une civilisation disparue. En effet, il ressemble davantage à ce qui resterait d'un palais issu des anciens temps qu'à un fragment naturel. Sur l'immense bloc rocheux est recroquevillée une silhouette vêtue simplement d'une chemise en coton, d'un pantalon de toile et d'une cape rapiécée. Il s'agit d'une fille sortie à peine de l'enfance et qui doit avoir une quinzaine d'années. L'adolescente gît inconsciente, allongée de tout son long sur cette grande masse de pierre dure. Est-elle en train de dormir ? Est-elle morte ? Nul ne le sait. L'aurore se lève enfin, nimbant le ciel d'une lumière mordorée. A la lueur du jour qui se lève, on peut apercevoir les cheveux roses de l'enfant, reflétant ainsi tout l'éclat de cette chevelure au demeurant hors-du-commun...

    Lorsque l'aube pointa, Artémise se réveilla à la lisière d'une forêt. Elle se frotta les yeux vigoureusement, secoua la tête afin de se débarrasser des quelques herbes nichées dans sa chevelure avant d'ouvrir les yeux. C'était la première fois de sa vie qu'elle dormait à la belle étoile et l'expérience avait été quelque peu pénible pour l'enfant, habituée à dormir dans des draps de satin, sur un lit douillet dont le matelas était fait de plumes d'oies.

   En vérité, la jeune fille s'était endormie la tête posée sur un affleurement rocheux et dans une position extrêmement inconfortable qui plus est, ce qui lui causait des douleurs particulièrement incommodantes au niveau du crâne, de la nuque et du bassin. Elle se releva alors avec une grande difficulté, souffrant à cause de ses articulations qui lui infligeait une douleur atroce, regrettant de ne pas avoir trouvé un coin plus confortable la veille, lorsqu'elle fuyait la capitale au nord-est et qu'elle était arrivé, au terme d'un long périple, devant ce bois paraissant immense à première vue et qui semblait absorber les rayons du soleil.

   Artémise marcha vers la lisière de la forêt et emprunta le petit sentier qui serpentait à travers les bois. Les arbres s'élevaient haut dans le ciel,  leurs branches s'agitaient, soumises aux mille  caprices du vent et la lumière rasante projetée par l'astre du jour se déversait peu à peu sur l'ensemble du paysage. Cette même lueur aveugla Artémise pendant un  instant et durant l'espace de quelques seconde, elle se remémora les raisons l'ayant poussé à quitter la Citadelle des Mille et un Rois.

  Son père, le roi était entouré d'une kyrielle d'épouses et de concubines, créant une espèce de fourmilière où se côtoyaient les intrigantes vénales, obséquieuses et avides de pouvoir, prêtes à toutes les manigances pour se faire bien voir. Il existait depuis plusieurs années maintenant, une concurrence singulièrement rude entre elles, dissimulée aux yeux de tout un chacun. 

  Certaines empoisonnaient les enfants de leurs rivales afin de placer leurs propre progéniture sur le trône. Bien que motivées par le bien-être de leurs enfants, de prime abord, elles projetaient avant tout de garder leurs trains de vie de luxe et vivre une existence de débauche et d'excès. Nombre de bambins avaient été assassinés dans des circonstances atroces et Artémise n'avait pas été en reste. La jeune princesse avait été la victime malencontreuse d'une multitude de tentatives d'empoisonnement visant à l'éliminer de la liste des héritiers potentiels. Evidemment, bien que certaines épouses donnèrent naissance à des enfançons au fil des années, ceux-ci ne pouvaient prétendre accéder au trône si la jeune princesse héritière demeurait en vie. Il n'y avait eu qu'une seule reine couronnée durant le règne d'Ulbricht, une souveraine qui a contrario des autres épouses, avait été promue « Dame du royaume » au cours d'une longue cérémonie de couronnement : il s'agissait de la mère biologique d'Artémise. Cependant, elle était morte dans des circonstances bien mystérieuses.

  D'aucuns pensaient qu'elle s'était suicidée, d'autres émettaient l'hypothèse qu'elle avait été tuée et certains affirmaient que la reine était morte en couche, donnant au seigneur du pays une seule descendante royale... Ulbricht seul connaissait la vérité et il n'avait pas tardé à la révéler à sa fille.

Les Fables des Cinq Mondes - Tome I : La princesse vagabonde.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant