Chapitre 12 : Le départ pour Clarsdield.

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La nuit est tombée, depuis longtemps, sur Séfaranian-Uch-Aed et à l'exception de quelques torches qui illuminent les boulevards, les carrefours et les avenues, toutes les rues de la capitale sont plongées dans les ténèbres. Nulle lumière n'émerge d'une quelconque habitation et pas la moindre lueur ne vient troubler l'obscurité qui recouvre de son noir manteau l'entièreté de la ville. Il est vraiment singulier que le silence règne en maître dans la gigantesque métropole bealtanienne car à l'accoutumée, celle-ci est bruyante et pleine de vie. Pourtant, à cet instant de la soirée, les principales rues commerçantes sont désertes et les grandes artères qui d'habitude, fourmillent de vie, sont tellement silencieuses et tellement calmes que cela en devient pesant au possible.

Surplombant de toute sa hauteur Séfaranian-Uch-Aed, la Citadelle des Mille et un roi n'est pas épargné par la tranquillité de la nuitée. Ainsi, tout comme le reste de la ville, aucune lumière provenant des immenses fenêtres du palais, ne vient transpercer l'obscurité stagnante. Pourtant, le château, bien que calme et paraissant sans vie, semble être le théâtre d'une curieuse animation. Une animation, au demeurant complètement anodine mais une animation tout de même ! En effet, au centre de la cour, à l'entrée de la Citadelle, se trouve un beau carrosse aux portières recouvertes de dorures finement sculptées et devant celui-ci, se trouve aussi cinq silhouettes dont le spectateur avisé, de loin, ne peut discerner l'identité. Mais si il se rapproche suffisamment, il constatera dès lors que lesdites silhouettes appartiennent à trois femmes et à deux hommes. Cependant, il ne pourra apercevoir la sixième silhouette qui elle, demeure dans l'ombre, cachée derrière une colonne et espionnant les cinq individus sans que ceux-ci ne soupçonnent sa présence.

Anna attendait depuis quelques minutes déjà devant les grandes portes extérieures du palais. La concubine ne parvenait plus à dissimuler son impatience ainsi que son agacement et tandis que le cocher rangeait péniblement leurs bagages sur le toit, la femme rousse se rongeait les ongles sans arrêt. Elle ne supportait plus une aussi longue attente surtout qu'à cet instant précis, il faisait nuit, et cela l'inquiétait d'autant plus que le cocher allait peut-être avoir du mal à se diriger ou à manoeuvrer dans la pénombre. Il n'était pas impossible que le carrosse chute dans un fossé ou dans un ravin, si l'homme ne pouvait voir aux alentours ! Et puis, il y avait aussi un risque qu'il se trouve, sur la route reliant Séfaranian-Uch-Aed et Clarsield, de dangereux brigands ou d'horribles assassins qui n'hésiteraient pas une seule seconde, à les détrousser ou pire, à les tuer ! Pourtant, malgré toutes ces horribles possibilités qui émergeaient soudainement dans son esprit, Anna restait persuadé qu'elle ne pouvait agir autrement.

« Ce n'est pas comme si on avait le choix... Jolyne ne pouvait vraiment pas voyager, aujourd'hui, et visiblement, son état s'est amélioré dans la soirée... Autant en profiter, alors ! » songea-t-elle en continuant à se ronger les ongles.

Même si partir la nuit était semble-t-il risqué, il valait mieux retourner à Clarsdield dans les plus brefs délais plutôt que de s'attarder dans le nid à vipères qu'était la Citadelle. D'ailleurs, il était plus avisé de quitter les lieux en toute discrétion plutôt que de chercher à attirer l'attention... Anna savait mieux que quiconque que son départ serait mal perçu par les nobles. Peut-être même qu'ils y verraient un signe de lâcheté évident et penseraient, de ce fait, qu'elles n'étaient pas capables, sa fille et elle, d'affronter les dangers du palais et les quolibets qui fusaient à leur encontre. Cependant, la concubine se fichait éperdument de ce qui se dirait à la Citadelle, dans les jours qui suivront leur départ.

Les Fables des Cinq Mondes - Tome I : La princesse vagabonde.Où les histoires vivent. Découvrez maintenant