Le jour se lève, nimbant de sa clarté mordorée, la sylve bealtanienne. Les oiseaux ainsi que les autres animaux s'éveillent lentement, sortant de leurs terriers ou de leurs nids afin de profiter de l'air frais, après une nuit de calme absolu. Tandis que les rayons du soleil se faufilent entre les branches des arbres, les petits moineaux ainsi que les rouge-gorges notamment, se remettent à virevolter et à gazouiller, faisant entendre leurs chants agréables à des lieux à la ronde. Les biches sveltes et les cerfs majestueux, de leur côtés, sont, de nouveau, en train de gambader entre les hautes cimes des arbres. Cependant, tandis que la vie reprends son cours normal, lentement mais sûrement, la maison de la forêt, elle, demeure calme et semble, en apparence, sans vie. Aucun bruit ne provient de l'habitation, ce qui ajoute beaucoup à son aura de mystère et d'étrangeté. Toutefois, celle-ci n'est pas dépourvu de vie, bien au contraire car à l'intérieur, dans la pièce servant de cuisine, plus précisément, se trouve un homme qui paraît méditer depuis de longues minutes. Les yeux dans le vague et l'air perdu, il donne l'impression d'être plongé dans ses pensées. Nul ne sait, d'ailleurs, ce qui lui traverse l'esprit mais cela semble l'affecter grandement...
Ce matin-là, Aïdoneüs s'était réveillé en sursaut, après avoir encore été, hanté par d'horribles cauchemars. Cela faisait des années maintenant, que ces terribles songes ne cessaient de le tourmenter et quoi qu'il fasse, quoi qu'il essaye, il ne parvenait jamais à oublier ou à chasser les terrifiantes images qu'il voyait lorsqu'il se mettait à rêver. Dans ses cauchemars, il se retrouvait seul, dans une forêt inconnue, et il ressentait souvent un curieux sentiment d'effroi. Sans explications, il avait, par moment, l'impression d'être observé et d'être traqué sans relâche. Il regardait, pourtant, dans toutes les directions et se tenait debout, prêt à utiliser sa puissante magie et à se battre contre le danger qui le menaçait. Néanmoins, il ne réussissait jamais à entrapercevoir la créature ou l'individu qui voulait nuire à sa personne. Il apercevait, quelques fois, une ombre qui se déplaçait furtivement entre les arbres mais hormis cela, la «chose» n'apparaissait jamais devant lui et ne subsistait, dès lors, dans l'esprit du magicien, qu'un intense sentiment de peur et d'anxiété. Dans ses songes, il se sentait observé, épié mais malgré tous ses efforts pour convoquer ses très puissants pouvoirs magiques, il ne réussissait jamais ni à lancer le moindre sort ni à voir davantage la créature qui lui tournait autour et qui, elle, était prête à fondre sur lui, à la moindre occasion.
Prit de peur, Aïdoneüs tentait désespérément de fermer les yeux afin d'essayer vainement d'oublier là où il se trouvait. Pourtant, à l'instant précis où il s'efforçait d'ignorer le sentiment de panique qu'il éprouvait, une voix féminine, lancinante et sanglotante l'appelait à l'aide à l'autre bout de la forêt. Elle le suppliait et le conjurait de venir à son secours. Seulement, quand le magicien se mettait en route afin de venir la sauver, il ne réussissait presque jamais à retrouver la femme qui réclamait, à cor et à cris, sa précieuse aide. Il avait beau marcher, encore et encore, jamais il ne parvenait à localiser la femme et ce, malgré ses efforts acharnés. Pourtant, il essayait, mais malheureusement, il était condamné à entendre les gémissements et les cris qu'elle poussait sans discontinuer. Il ne pourrait, d'ailleurs, jamais oublier ses hurlements rauques et stridents. Ils étaient si effrayants, si épouvantables que le magicien ne cessait jamais de les entendre, même lorsqu'il se réveillait et qu'il prenait conscience que tout cela n'était que le résultat de son imagination trop fertile.
Cette nuit-là, comme à l'accoutumée, Aïdoneüs fit le même cauchemar et comme d'habitude, ce matin-là, il se réveilla en sursaut, transpirant et haletant, le corps agité de soubresauts incontrôlables. L'esprit encore habité par cet horrible songe, il rejeta faiblement la couverture en arrière avant de se lever prestement et de jeter un coup d'oeil aux alentours, comme pour s'assurer qu'il se trouvait bien dans sa chambre et non, dans une sinistre forêt. Une fois rassuré et après quelques minutes d'intense réflexion, le magicien se traîna péniblement jusqu'à la pièce faisant office de cuisine. Là, sur le seuil de la porte, il hésita, l'espace de quelques instants, avant de se diriger vers le buffet en chêne dont la surface abîmée était recouverte d'ingrédients et de multiples ustensiles de cuisine.
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Les Fables des Cinq Mondes - Tome I : La princesse vagabonde.
FantasyArtémise, la jeune princesse de Bealtainne-Danann, est fatiguée de vivre dans un monde où la corruption règne en maître. Un beau jour, elle décide de quitter la Citadelle des Mille Rois pour enfin, être libre sans risquer sa vie... Jolyne, la demi-s...