Les Fables des Cinq Mondes - Tome I : La princesse vagabonde.

Chapitre 15 : Brendan.

Le soleil s'est levé depuis longtemps sur Sefaranian-Uch-Aed. A présent baigné dans la douce lueur de l'après-midi, la capitale bealtanienne semble plus vivante et plus animée que jamais. Les ruelles ainsi que les grands boulevards et les immenses avenues pavées fourmillent de passants qui flânent entre les étals et de commerçants qui ne cessent de vanter, en hurlant, les bienfaits de leurs produits respectifs. Les auberges, les échoppes, les tavernes ainsi que les grands restaurants et les jardins publics sont bondés de gens qui ne souhaitent qu'une seule chose : profiter du beau temps pour sortir, s'amuser, batifoler tout en s'efforçant d'oublier leur sentiment de nervosité lié à leurs soucis quotidiens. Les habitants, tout comme les touristes qui visitent la capitale, aiment se distraire et ainsi, ne plus penser à rien. Cet état d'esprit est d'autant plus compréhensible quand on se rends compte que pour certains, leurs quotidiens ne se limite qu'à leur dur labeur...

Dans cette gigantesque métropole où les individus peuvent se sentir très vite à l'étroit, tous veulent jouir d'un certain bonheur, durant ces quelques mois de l'année et c'est bien normal. Tous, riches comme pauvres, ont le droit d'accéder à un certain sentiment de félicité et à se payer ainsi un peu de bon temps.

Tandis que la capitale devient de plus en plus animée, au fil des heures qui passent, la Citadelle des Mille et un Rois, elle, contrairement à Sefaranian-Uch-Aed baigne dans un silence pesant. Il est vraiment singulier qu'un tel calme règne au palais royal. En effet, celui-ci a toujours été un lieu bruyant où le silence ne pouvait trouver sa place tellement les murs du château ne réussissaient pas à contenir tous les bruits ambiants... Cependant, ce qui est d'autant plus bizarre, c'est que toutes les salles et tous les couloirs du château, sont déserts et qu'il n'y demeure plus personne, à cette heure de la journée... Néanmoins, le silence ambiant est rapidement troublé par les bruits de pas émis par une jeune fille qui marche silencieusement dans les longs corridors, tout en repensant à l'étrange rencontre qu'elle vient de faire.

Comme à l'accoutumé, Anja n'avait pas dormi cette nuit-là, tellement elle était rongé par la culpabilité et la honte. Elle ne parvenait plus à s'endormir, depuis quelques nuits car toute la haine qu'elle avait accumulé et qu'elle éprouvait envers elle-même ne cessait de grandir et ce sentiment, elle se rendait compte maintenant qu'elle ne pouvait s'en débarrasser aussi aisément. Cette émotion pouvait facilement être comparé à une tâche sombre qui ne cessait de s'épanouir sur sa peau et que la jeune fille ne pourrait jamais ni nettoyer ni laver. Anja, en émettant cette curieuse comparaison, se surprit aussi à penser qu'elle ressemblait aux criminels qui se faisaient tatouer en place publique. En effet, de son point de vue, rien ne la différenciait de ses horribles personnes sur lesquels on apposait un horrible symbole permettant à tous de les reconnaître en tant que hors-la-loi.

Néanmoins, même si cette cruelle émotion lui gâchait constamment la vie, elle savait bien qu'elle méritait ce qui lui arrivait et que, de ce fait, elle n'avait aucun droit de s'apitoyer sur son propre sort. Elle avait aidé sa mère, à aboutir à ses sinistres projets et même si elle doutait du bien-fondé de ses sombres desseins, c'était elle en premier lieu qui avait versé le contenu de la fiole dans les trois tasses de thé qu'avaient ingurgités Anna, Lucy et Jolyne. Elle méritait, maintenant, amplement sa punition et même si elle le souhaitait de tout son coeur, elle ne parviendrait sûrement jamais à se racheter une bonne conduite.

Pourtant, cet après-midi, Anja décida d'aller faire une longue promenade dans les jardins du palais, afin de, peut-être, oublier tous les actes monstrueux qu'elle avait commis en toute connaissance de cause. Ainsi, tout en respirant le doux parfum dégagé par les camélias, les roses et les tulipes, elle s'était mise à réfléchir longuement à la portée de ses actions et à leurs conséquences quand tout à coup, quelque chose ou plutôt quelqu'un avait attiré son regard.