Dragons et Solitaires

Partie II - Trodenji

Le soleil perçait les rideaux sombres, une fine ligne de lumière marquait la peau blanche d'une joue et d'une paupière.
Celle-ci se plissa, et son œil s'ouvrit. Les longs cils noirs suivirent le mouvement.
La brusque luminosité sur sa pupille la fit s'étrécir en une étroite fente.
Avec d'infinies précautions, le possesseur de cet iris brunâtre tenta d'extraire son regard à ce cruel rayon, bien trop éblouissant à son goût.
Les précautions, il les prenait pour éviter de réveiller la femme couchée sur son torse.
Sa compagne eut un petit sourire, étirant les cicatrices qui défiguraient ses joues et dévoilant ses dents blanches aussi acérées que celles d'un requin.
- Je ne dors plus Denji. Je profite juste encore un peu plus... murmura-t-elle en passant ses mains sur les clavicules dénudées de l'homme en un câlin précaire.

Elle garda quand même les yeux fermés.
Trodenji balada ses doigts dans ses longs cheveux châtains.
Au même moment, il avala de travers en voyant le troisième cycle à son majeur.
La femme avait ressenti son inquiétude, elle soupira d'aise.
- Qu'y a-t-il ? souffla-t-elle.
- Je... commença le Martyr en regardant sa main, il était pourtant sûr qu'hier soir il n'avait que deux cycles.
Avec douceur, il posa sa paume sur l'avant-bras de la femme, un nouveau stade marquait lui aussi sa peau pâle et scarifiée.
- Pandora ? l'appela le dragonnier. 
Sa compagne daigna enfin ouvrir ses yeux de braise.
Elle lorgna longtemps la main de Trodenji, avant de se relever sur les coudes, en appui sur la poitrine de ce dernier pour inspecter sa peau.
Un sourire malsain se dessina sur son visage couturé de cicatrices.

- C'est ce dont parlait Moreen... alors ça veut dire... 
Son regard de lave incandescente se plongea dans celui du Martyr. 
Pandora avança son corps en avant et reçut les lèvres de Trodenji sur les siennes.
Ils s'embrassèrent longuement, leurs souffles mélangés en un seul, jusqu'à ce qu'un cri déchire le cocon de douceur dans lequel ils s'étaient plongés.
- Shiiiiiiiiishrenk ! Il veut pas maaaaanger ! 
Pandora soupira à nouveau, mais cette fois-ci d'éxaspération.
- Si tu veux, je m'en charge... murmura le dragonnier à son oreille. 
Shishrenk lui donna une bise sur la joue.
- T'es un ange Denji.
Elle posa un doigt sur son ventre dénudé, accusatrice.
- Mais habille toi d'abord. ricana la femme.
Le Martyr rougit.

Pandora se retira de son corps, et enfila sa tenue qu'elle avait laissée traîner par terre .
Trodenji la regarda remettre ses sous-vêtements et ensuite son pantalon puis son pull.
Sans les marques de ses anciennes blessures, elle aurait été sublime.
Mais aux yeux de son compagnon, elle l'était déjà.
À son tour, il s'affubla d'un caleçon, d'un jean et d'un marcel gris clair, ses pieds nus s'enfonçant dans le tapis abstrait au sol.
Il jeta un dernier regard à la chambre sobre aux murs tapissés de motifs fleuris, uniquement meublée d'un lit double, avant de passer la porte et de se retrouver dans un couloir couvert de moquette beige.

Le dragonnier sortit ses gants de sa poche et les mis.
Tandis qu'il avançait vers la cuisine, les lumières placées par intermittence le long des murs faisaient danser les ombres sur son visage aux traits arrondis et ses cheveux qui avaient virés au gris.
Il déboucha enfin sur la pièce qu'il désirait et se retrouva à la vue de plusieurs de ses camarades. 
Tous attablés à la table circulaire faisant office d'îlot central, ils mangeaient, sauf Silak.

Lui, il s'énervait sur leur prisonnier. 
- Mais tu vas manger ! Sale humain de mes deux ! C'est pas compliqué ! Tu fous tout ça dans ta bouche ! s'égosillait-il.
Lorsque le Martyr vit le contenu de l'assiette et sentit l'odeur, il comprit directement le refus d'obtempérer de l'humain.
Mais le dragonnier Adjeti aux cheveux marron, toute personne indésirable qu'il était, tentait de faire rentrer avec une cuillère le plat abject qu'il avait cuisiné. 
- Silak ? tenta Trodenji. 
L'interpellé se retourna, on aurait presque pu deviner la bave se former au coin de ses lèvres tellement la rage qu'on lisait dans ses yeux était intense.
- Quoiiiii ? grinça l'Adjeti.
- C'est quoi ça ? demanda le Martyr en désignant l'assiette.
- Une omelette. gronda Silak.
- Une... mais... tes œufs ils étaient pas pourris là ?