Raphaël
J'avais raccompagné Socrate chez lui.
Il m'avait dit dans quel quartier il habitait, je l'avais donc ramené auprès de ses parents.
Sa mère avait directement pris peur, mais je ne m'en étais pas offensé, elle avait plus peur pour son enfant que de moi.
C'était rare.
Mais je préférais cela.
Je n'avais pas échangé le moindre mot avec sa figure maternelle, elle m'avait claqué la porte au nez après m'avoir dit en vitesse un court "merci".
J'avais donc descendu, sans m'offusquer davantage, les quarante-trois échelles qui menaient à sa résidence. Je m'étais laissé glisser le long de cordes épaisses, évitant les brûlures aux mains grâce à mes gants.Une fois pied à terre, je m'étais mis en marche vers mon petit café, où je prenais souvent une boisson et un casse croûte avant ma réunion au Croiseur avec les autres.
Pour les raisons que la nourriture de notre lieu de rencontre était médiocre et que là-bas je n'avais plus beaucoup d'appétit. Il y avait moins de foule, et les voix dans ma tête se contentaient de chuchoter, comme si je surprenai une conversation derrière une porte.
Kohold et Cléa savaient que je n'appréciais guère le Croiseur, et ils ne m'en tenaient pas rigueur car j'arrivais tout de même toujours à l'heure aux rendez-vous.
Il me restait vingt grosses minutes, largement de quoi profiter.
Vingt-deux heure trente était l'heure où le gérant du Croiseur nous laissait plus ou moins en paix. J'haïssais ce jeune imbu de sa personne, mais je ne pouvais rien lui faire au risque de m'attirer les foudres des dirigeants. Mais c'était sans aucun doute que j'aurais pu lui refaire le portrait. Souvent, les plus confiants étaient ceux qui avaient le moins de chance de survivre à une guerre. Bien sûr, cette règle avait des exceptions, comme Cléa.
Les gens étaient peu nombreux à cette heure avancée au Croiseur, car les divertissements qui y étaient représentés de vingt-deux heure à huit heure étaient sans importance selon les critères de sa clientèle.Je soufflai un bon coup, j'arrivais enfin en vue de mon endroit fétiche.
J'eus une petite pensée pour Valérian, il aurait peut-être été plus à l'aise avec moi dans ce café qu'avec Kohold et Cléa dans cette bâtisse immonde à mes yeux. Ce bâtiment avait tout de même une certaine réputation, et je ne doutais pas que les représentations du soir l'ébranleraient un peu, aussi inintéressantes soit-elles selon certains.
De plus l'adolescent aux cheveux blancs n'était pas très connu pour sa patience de pédagogue.Je soupirai, j'espérais intérieurement que mes deux comparses ne mettraient pas le bordel avant mon arrivée.
Le monde était violent, mais eux c'était à un autre niveau.
Je commençais à regretter de ne pas avoir pris Valérian avec moi. J'étais parti sur un coup de tête, guidé par ma colère déraisonnée. Je l'avais laissé en compagnie d'un jeune homme impatient et d'une tête brûlée.[[ Le patron m'a sûrement joué un mauvais tour. Je ne vois personne moi. Il me prend pour un débile ou quoi ? ]]
Des bribes de pensées se répercutèrent dans ma tête, mais elles étaient moins cruelles que tout à l'heure, quand j'étais sorti en trombe du Refuge.
Sur un plus petit périmètre aussi.
Je devrais lâcher la bride à mon pouvoir plus souvent, pour éviter de tuer quelqu'un la prochaine fois. Même si j'ignorais ce qui avait déclenché cette vision affreuse, j'étais devenu pendant ce laps de temps, une marionnette pour cette entité en moi qui recherchait le nectar des consciences.
Plus je contenais ce don, plus il avait envie de sortir, d'envelopper les esprits, de les toucher.
Fût un temps, je ne le gardais jamais cloîtré dans un coin de mon âme.
J'étais à ce moment là au zénith de ma puissance, c'était à cette période que m'étais venu mon surnom.
Maintenant, mon envie de meurtre s'était calmée, tout comme ma recherche de gloire, mais le passé ne s'effacait pas, les gens me voyaient toujours comme ce jeune homme que j'étais auparavant. Et le monstre en moi était en désaccord constant avec ma nouvelle idéologie, moins violente. Mais apparemment encore trop pour être supportée par le Martyr aux cheveux bruns. Il faudra qu'il s'y fasse, je pouvais être gentil, je n'en doutais pas, mais j'avais mes limites. J'étais conditionné comme cela, point. Difficile de me débarasser de mon éducation.
VOUS LISEZ
Dragons et Solitaires
ParanormalPeu de choses séparent l'ami du monstre. Valérian, ou plutôt Axel si l'on veut se rappeler de lui ainsi, est un Martyr. Un dragonnier qui marchait auparavant parmi les humains, avant de s'être brutalement intégré au monde chaotique des Grandes Fami...