XV - Pacifiste combattant

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Valérian 

- Vous savez, il y a encore quelques mois, c'était Lokrast mon compagnon de voyage. annonçait tristement Solweig. 
Il m'avait assis sur un banc, après m'avoir fait traverser le pont branlant menant aux rues aériennes qui craquaient sous ses pieds.
Mon support était en bois léger, pour éviter d'ajouter du poids aux infrastructures. 
Je ne me sentais déjà pas dans mon assiette et le tangage dû au vent et aux foulées des passants ne m'aidait guère à récupérer de mon petit malaise. 
- Pourquoi... pourquoi ça bouge comme ça ? bégayai-je. 
Je haïssais déjà les foutus architectes qui avaient conçu cette allée de bois mouvante.
Solweig, qui restait stable car le mouvement de son corps suivait celui du sol, me regardait assez peiné. 
- C'est pour éviter qu'ils se brisent, s'ils sont trop raides il y a plus de risques que ça cède. Bien sûr il faut de l'adaptation pour voyager sur pareilles choses, c'est là qu'on voit que vous n'êtes pas du pays.
- Vous non plus je vous signale. remarquai-je en essuyant mon front en sueur contre mon gant.
Peine perdue, il était en cuir, et je ne voulais pas salir de ma transpiration la manche de la veste appartenant à Solweig.
- Peut-être, mais moi je ne contraste pas. 

Effectivement, je démarquais fort, entre les bambins qui couraient de planches en planches et les adultes qui avançaient comme si le sol était toujours celui bien stable d'en bas.
Rien que lorgner mes pieds me filait la nausée, l'espace entre les composantes de la rue était beaucoup trop large à mon goût.
Le Méta releva mon menton, m'arrachant à ma contemplation.

- Un conseil, ne regardez pas en bas. Laissez vos yeux au dessus de cette ligne. m'expliqua-t-il.
Il traça ladite ligne du doigt, juste devant mon nez.
- D'accord... 

Je suivis son conseil et admirai maintenant les cahutes, beaucoup plus étroites et serrées que les maisons terrestres.
La façade surtout constituée de tous types de bois, se perdait dans la roche du pilier voisin.
D'épais câbles d'acier traversaient le sol et allaient disparaître dans la strate supérieure, disposés régulièrement ils devaient à coup sûr servir de maintien supplémentaire. 
Je pouvais deviner la présence de gens et dragons à l'étage au dessus, aux craquements secs et aux ombres au travers des fentes.

Comme l'avait expliqué le Méta, la structure pliait mais ne se cassait pas, et reprenait ensuite sa forme originale quand le poids se rapportait sur une autre planche.
- C'est comme ça dans votre pays aussi ? l'interrogeai-je. 

Solweig était resté debout et semblait fort concentré sur la rue.
Mon intervention le surprit un peu, mais il ne laissa rien paraître.
- Non, pas vraiment. Chez nous, une grande partie est métallique. Mais on suit les mêmes principes. 
Il s'abaissa et frôla du doigt une des composantes.
Au rictus tendu qu'affichait maintenant son visage j'estimais que cette nouvelle n'était pas vraiment pour le réjouir.
- Il y a un problème ? m'inquiétai-je, déjà fort peu incommodé par la hauteur qui nous séparait du plancher des vaches.
- Pour moi, non. Pour vous, oui.
Mon inquiétude monta d'un cran.
- Comment ça ? 
- Je ne pense pas que ça tiendra si je me bats. annonça-t-il.
- Mais... vous disiez que...
- Vous n'avez jamais vu un Méta en action. me coupa Solweig. 

Il tourna trois fois sur lui-même, penseur.
Je fronçai les sourcils, on allait être bien avancé s'il commençait à perdre les pédales. 
- Il faut que je trouve quelque chose à manger, et à boire. lâcha le Méta.
- On a déjeuné il y a à peine une heure ! m'étonnai-je. 
Il prit une mèche de ses longs cheveux noirs qui s'était échappée de son nœud et l'entortilla autour de son index.
- Si je combats, je serais obligé d'au moins me transformer quelques fois, et si je n'ai pas une bonne réserve énergétique c'est bon pour me détruire.
- Ah bon ?
Il eut un petit rire, un peu gêné.
- Une fois, je me suis mis à cracher du sang, puis je suis tombé dans les pommes. Je ne me suis réveillé que trois heures plus tard...

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