Dragons et Solitaires

XVI - Une fille enflammée

Valérian 

J'attendais patiemment, mes yeux se perdant dans les flammes qui ravageaient la place.
Des courageux tentaient de les éteindre, à l'aide de sable, terre, d'autres morceaux de bois, en bref de tout ce qu'ils trouvaient.
J'aurais bien aimé aller leur prêter main forte mais je surveillai le Méta et l'Adjeti postés devant moi.
L'un était couché à même le sol tandis que l'autre utilisait une planche qui s'était décrochée et des lambeaux de tissus pour faire une attelle de fortune.
Car contrairement à moi qui m'était focalisé sur la plaie qu'Aeknavor avait à la tête, le Méta avait remarqué qu'il avait la jambe cassée.
Malgré mes protestations du fait que l'on pouvait très bien le porter et qu'il n'était pas obligatoire de perdre un temps précieux, l'autre avait fait la sourde oreille.
- Tu as bientôt fini ? lui demandai-je, un peu agacé.
- Ouais. C'est bon. me répondit-il en serrant une dernière fois les nœuds qu'il avait fait.

Il se releva, et me domina de sa hauteur.
- Tu sais par où aller à vol d'oiseau ? me questionna Solweig. 
- Euh... hésitai-je, me ressassant mon chemin de le veille.
Mon dragon s'interposa dans la discussion et désigna un point au loin avec son aile.
[[ On prendra une demi-heure à pied si on va tout droit. Et beaucoup moins que ça si je pense à ce qu'il pense. ]] me dit Sorenko, qui apparemment avait lui aussi mémorisé le chemin d'errance que l'on avait emprunté hier.
- Tu es déjà monté à dos de dragon ? 
- Entre ses griffes ça compte ? ricanai-je.
Solweig me lança un regard interloqué mais ne commenta pas ma réflexion.
- Je te propose un truc. À toi de voir si tu acceptes. 
[[ J'ai peur maintenant. ]] raillai-je.
[[ Arrête de t'inquiéter pour un rien ! ]]
- Je t'écoute.

Le Méta montra du doigt Raphaël, replié sur lui-même.
- Il nous sera difficile de descendre les quatre étages avec lui. Alors je pense que la solution réfléchie serait d'y aller par les airs...
Je jetai un œil sombre à Sorenko. 
Comment diable cette bestiole de la taille d'un poney pourrait supporter trois hommes ?
De ses propres aveux en ce moment il n'était même pas capable de me transporter moi.
Surprenant mon regard, mon dragon commença à pouffer.
- Je ne parlais pas de lui. Je parlais de moi. rigola Solweig, un peu gêné par mon manque de perspicacité.
- Je ne pense pas que... 
J'étais surtout effrayé par la perspective de faire ce voyage sur la créature immense apparue plus tôt.

Mais le Méta s'éloigna de nous, à distance suffisante pour ne pas nous blesser, sans avoir eu ma réponse.
- Et le sac ? lui criai-je, repensant soudain à nos affaires restées pendues à cette poutre.
[[ Je m'en occupe ! ]] annonça Sorenko.
Dans un battement d'ailes il décolla du sol et s'en alla.
Des vingts mètres de distance qui nous séparaient, Solweig me fit un signe.
Un instant plus tard, une lumière blanche l'enveloppa, m'aveugla.
C'était cette boule d'énergie qui avait dû provoquer l'onde de choc durant son combat.
Mais cette transformation fut beaucoup plus contrôlée, plus lente aussi.
Ses ailes membraneuses se déplièrent avec douceur tandis que sa queue raclait le bois.
Le monstre s'ébroua dans un cliquetis d'écailles, et les yeux bleu glacier de la créature s'ouvrirent.
Ceux-ci étaient aussi grands que des assiettes et me filaient la chair de poule.
Pourtant c'était le même regard que Solweig.

Dans des craquements, le dragon brun foncé avança vers nous.
Les cinq doigts à ses pattes épousaient presque à la perfection la rue aérienne, seule la déformation sous son poids rompait cette impression.
Les ailes rangées contre ses flancs comme deux parapluie fermés, la bête s'abaissa à ma hauteur.
Son museau frôlait presque les planches.
Sans hésitations, malgré ma peur, je fis de mon mieux pour saisir le dragonnier gisant à terre.
Je réussis à me relever de ma position accroupie en tenant le blessé comme une mariée.
Cette image aurait pu être cocasse si ledit blessé ne gémissait pas de douleur entre mes bras.
Il pesait son poids, et ce contact si rapproché avec cette force de la nature me rendait nerveux.