XVII - Sans les mains

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Valérian 

J'étais resté longtemps assis là, Sorenko s'était même assoupi.
J'avais mal aux fesses à cause du sol dur, et je commençai à sentir mes muscles.
C'était silencieux depuis de longues minutes, et j'avais la désagréable impression d'être devenu sourd.
Le souffle de mon dragon me paraissait si faible, aspiré par la pénombre du couloir. 
Un grincement perça l'obscurité, suivit de bruits de pas.
Ils ne venaient pas de la pièce ou Cléa se trouvait, et l'individu ne m'était pas encore visible malgré la luminosité des pierres précieuses dans les alcôves des murs.
- Valérian ? m'interpella le nouvel arrivant. 
Je reconnus sa voix, c'était sans un doute le garçon aux cheveux blancs. 
- Oui ? lui lançai-je de loin.

L'intéressé me fit un signe de main pour me dire d'approcher.
Je suivis sa directive même si j'eus du mal à me relever.
Je secouai un peu mes pieds, avec la sensation de picotements dans les orteils.
J'étais visiblement resté un peu trop longtemps prostré dans cette position. 
Je vis que Sorenko aussi s'était remis sur ses pattes, les yeux encore dans le vague.
Lorsque je fus à la portée de Kohold, j'observai sa main se porter à hauteur de mon visage, sans comprendre. 
Sa claque tonna fort dans le couloir vide, et j'eus plus de surprise que de mal.
- Qu'est-ce... commençai-je, un peu sonné. 
Kohold affichait un rictus de colère, déformant ses jolis traits.
- Pourquoi tu t'es fait la malle ? Je devais te surveiller je te signale ! Si Raphaël l'apprend il va me buter ! éructa l'adolescent.

Son regard glacial était plus dur voire fatigué, et ses mèches dégradées ébouriffées. 
Comme l'avait dit Cléa, il avait dû me chercher un certain temps pour se mettre dans cet état.
- Je devrais t'en remettre une pour la forme, non ? 
Il désignait sa main.
- Non...j'ai compris. Je le ferais plus. m'excusai-je en portant ma paume contre l'endroit où il m'avait giflé.
Ma joue me brûlait, et le cuir froid m'aidait à l'apaiser quelque peu, je laissai donc mon gant contre ma peau.
L'Adjeti -car j'étais sûr que c'en était un maintenant- soupira et me tira avec lui vers la porte qui menait au salon circulaire. 

- Attends !
Je tentai de l'empêcher de me traîner de la sorte, mais le dragonnier avait beaucoup plus de force que moi.
Non pas que ce fut une grande découverte au vu de mon physique de rat âgé de six semaines.
Mais c'était tout de même vexant.
Je n'étais pas certain qu'il se rendait compte que j'exercai une contrainte, ce qui m'abattait encore plus.
Alors pour tenter de contenir cette humiliation, je passai devant lui.
Alors maintenant allez savoir qui tirait qui !
[[ T'es vraiment un gamin... ]] commenta Sorenko, qui trainait les pattes derrière nous.

Nous entrâmes donc à nouveau dans la pièce de vie, où le Méta profitait encore du confort du canapé, les yeux mi-clos.

- Il m'a tout expliqué. annonça Kohold.
Le dragonnier s'affala à l'opposé de Solweig. 
- Et ? demandai-je. 
- Je l'ai remercié pour ce qu'il a fait, je lui ai alors dit que nous lui offrons l'hospitalité aussi longtemps qu'il le voudra et que.. 
- Moi aussi j'ai aidé ! précisai-je, un brin courroucé.
Kohold haussa un sourcil, mais ne mit pas mes propos en débat.
Il est vrai que mon aide était minime, mais bon...
- Raphaël ne va vraisemblablement pas se rétablir tout de suite, mais il t'avait fait une promesse et...
- Il m'avait fait une promesse ? répétai-je, ne me souvenant absolument pas de quoi il voulait parler.
L'Adjeti pinça l'arête de son nez entre son pouce et son index, les yeux fermés en réprimant un long soupir.

- Peux-tu arrêter de me couper s'il te plaît ? Donc je disais qu'il t'avait fait une promesse, celle de t'apprendre à te battre. 

Je hochai la tête à l'affirmative, oui, il m'avait fait part de cette requête hier, mais j'ignorais qu'il en avait fait une promesse. 
L'adolescent passa ses doigts dans ses cheveux immaculés, et les ramena en arrière avant de les laisser retomber devant son front.
Pendant ce bref découvrement, j'aperçus la pointe de ce qui devait être une cicatrice. 
Cléa ne devait pas exagérer en disant que l'infirmerie servait bien.
- J'ai décidé, avec Cléa hier soir, que ce serait nous deux qui nous occuperions de ton entraînement. 
Il pointa son doigt vers le plafond, ce qui montrait comme lors de ma première visite les sous-bois vus d'en bas.

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