17- Hugo : sur le terrain

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            Le micro avait bien été placé dans le bureau. Rajat, malgré ses atermoiements, s'était révélé fiable. Hugo se félicitait de l'avoir choisi.

     Sidek avait annoncé un déplacement près de la Malaisie alors qu'il parlait à un interlocuteur que Hugo n'avait pas pu identifier, mais qui n'était ni son secrétaire ni un membre du gouvernement. Sidek avait mentionné une affaire importante. Si Hugo avait traduit correctement l'adjectif employé, il s'agissait moins d'une question d'importance que d'une question de masse. Une affaire avec un volume important.

     Il s'agissait de la commande majeure dont parlait son contact à Paris, espérait Hugo. Une occasion se faisait jour, pour obtenir des preuves.

     Il partit discrètement, après avoir loué une voiture sous un faux nom. Il avait des papiers avec plusieurs identités, dont il se servait avec parcimonie. Il ne pouvait évidemment pas se faire passer pour un local, en raison de ses traits caucasiens, mais il pouvait apparaître comme un touriste. Il avait troqué son costume sombre pour un attirail plus commun de baroudeur. Les touristes dans ce coin de jungle étaient tous habillés pareil.

     Il avait posé le véhicule près d'un village perdu, où il s'était fait héberger chez un habitant, content de recevoir de l'argent pour cela. Celui-ci s'était extasié sur sa maîtrise de la langue malaise.

     — Je m'entraîne, avait dit modestement Hugo.

     Il avait pensé ensuite que c'était peut-être une erreur. Les touristes dans le coin ne parlaient pas le malais. Il aurait dû s'en tenir à l'anglais pour passer inaperçu. Tant pis, c'était trop tard. Il savait bien qu'à vingt-six ans, il commettait encore des erreurs et en commettraient encore beaucoup avant d'acquérir de l'expérience.

     Il devait juste espérer que ses erreurs ne lui seraient pas fatales.

     Il circulait dans le coin à pied le plus souvent, pour être plus discret et surveiller les allées et venues tout en ayant l'air de profiter de la nature luxuriante. C'était une zone relativement montagneuse et il y avait quelques beaux points de vue en hauteur. Hugo y passait des heures avec ses jumelles. Il avait bien noté des déplacements fréquents d'un certain nombre de camions. Cela pouvait paraître logique, si près de la frontière. En revanche, le poste frontière officiel se situait à des dizaines de kilomètres. Dans cette zone, il n'y avait que des trafics clandestins. Ce que Hugo ne connaissait pas, c'était la nature du trafic. Si c'était de l'électroménager ou des DVD, cela n'aurait aucun intérêt pour lui.

     Un matin, il repéra un puissant 4x4, qui dénotait un propriétaire riche. Or il n'y avait personne correspondant à cette description dans les parages. Sidek, espéra-t-il.

     Il quitta son repaire en hauteur pour se rapprocher. Le 4x4 s'était garé sur une route peu carrossable, au milieu de nulle part. C'était bizarre, qu'il s'agisse du ministre ou non.

     Hugo s'approcha lentement, courbé, essayant de ne pas faire bouger la moindre feuille ni craquer la moindre branche. Franchement, il n'était pas sûr d'y réussir. Il restait un urbain, pas un guérilléro de la jungle. Il fut bientôt assez prêt pour repérer une construction en tôle, dont le toit était recouvert de lianes et de feuilles d'hévéas. Un atelier clandestin ! pensa-t-il avec excitation.

     Il prit des photos avec son portable, du véhicule et du bâtiment. Cela ne constituait pas encore des preuves, mais c'était un début.

     Il se rapprocha, jusqu'à entendre des conversations en malais. Il se tint à côté du mur de tôle ondulée et jeta un coup d'œil par l'ouverture. Des hommes travaillaient à l'intérieur, et ce n'était ni de l'électroménager ni des DVD qu'ils emballaient dans des sachets.

     Des stupéfiants, se dit Hugo. En plein dans le mille !

     Il prit d’autres photos. Un des hommes qui travaillaient à l'intérieur releva la tête. Hugo eut la sensation que son cœur s'arrêtait de battre. Evidemment, la prise de photos produisait toujours un petit bruit. L'autre l'avait sûrement entendu.

     Hugo battit en retraite le plus silencieusement possible. Il se mit à l'abri à distance sous la couverture végétale. Il vit des hommes sortir et faire le tour de leur hangar. Dès qu'on reculait de plusieurs mètres, la construction devenait indiscernable.

     Hugo n'osait plus se rapprocher. Il resta en place jusqu'à ce que le conducteur du 4x4 reprenne le volant, mais il fut incapable de l'identifier. C'était un homme, un Asiatique, de taille moyenne aux cheveux courts. La moitié de la population répondait à cette description. Il était impossible d'affirmer qu'il s'agissait de Sidek.

     C'était une occasion manquée.

     Hugo regagna son logement. Il était épuisé. Il envoya les photos au colonel Ravel dès qu'il eut du wifi.

     Le paysan qui le logeait sembla s'étonner de ses habits salis et froissés.

     — Je suis tombé dans la montagne, mentit Hugo.

     L'homme hocha la tête. Hugo eut cependant l'impression qu'il était regardé avec suspicion. « Je me fais des idées, pensa-t-il. Cette affaire me rend paranoïaque ». Il dormit très mal cependant.

     Ce fut sa chance. Lorsque l'attaque survint, il était bien réveillé.

Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant