21- Hugo: des retrouvailles électriques

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     Après avoir été attaqué, Hugo demeura dans la montagne, à l'abri, durant des heures. Il économisa ses vivres et ses forces, et se concentrait surtout sur l'objectif de ne pas se faire repérer.

     Cela lui rappelait ses classes comme apprenti, trois ans auparavant. Il avait appris beaucoup ; et surtout beaucoup de choses qu'on n'apprenait pas en Master 2, sa formation officielle. Toutefois, il restait obnubilé par la certitude d'avoir été trahi.

     C'était peut-être un grand mot. Il ne pensait pas avoir été « vendu » contre rémunération ; mais il pensait qu'une révélation imprudente l'avait désigné à Sidek comme un danger potentiel, voire même avait révélé sa localisation dans les parages.

     Il avait eu de la chance d'avoir pu échapper à ses ravisseurs. Il ne serait certainement plus de ce monde à l'heure qu'il était. Les cartels ne laissaient pas de témoin gênant, ni en Amérique Latine ni en Asie du Sud-est. Leur commerce international en direction de l'hémisphère Nord était à ce prix.

     Il ne voyait que Héléna Michel qui aurait pu faire cela. Elle avait compris l'essentiel de sa mission et elle n'avait pas l'expérience suffisante pour savoir tenir sa langue. Quelques questions adroites lui avaient arraché les informations qu'elle détenait.

     Hugo s'en voulait : il aurait dû être beaucoup plus discret encore. Mentionner Sidek devant elle avait été une erreur. Lui faire confiance avait été une erreur. Pourtant il le savait : ne jamais faire confiance à quelqu'un en-dehors de ses contacts.

     Après avoir laissé s'écouler vingt-quatre heures, Hugo se rapprocha prudemment du bunker des trafiquants.

     Les hommes étaient encore là. Il y avait de l'agitation autour. Hugo était sûr qu'ils préparaient la prochaine expédition. Il pensa à toute cette substance toxique qui allait se répandre en France, provoquer des morts par overdose, des morts abattus par des revendeurs rivaux, des familles désespérées par l'addiction des leurs. Il aurait voulu balancer une grenade dans l'abri de tôle et faire tout sauter.

     Mais il ne pouvait pas. Il n'était par un combattant des forces spéciales. Il était là pour rapporter ce qu'il avait vu et laisser d'autres agir ensuite.

     Il attendit toute la journée près du bunker, mais Sidek ne se montra pas.

     Frustré, Hugo se décida à bouger et à se rapprocher du village où il avait été hébergé. Peut-être trouverait-il des indices de la présence du Ministre, ou n'importe quoi susceptible de faire progresser sa mission.

     Le soleil n'allait pas tarder à disparaître, toujours brutalement dans cette région du monde. Hugo resta tapi derrière une des maisons, observant les alentours. Il s'apprêtait à bouger, quand il se figea sur place.

     Il ne rêvait pas : Héléna Michel remontait la route d'un pas rapide en regardant autour d'elle.

     Il ressentit d'abord de la stupéfaction. Mais que faisait-elle là ?

     Puis sa stupéfaction se changea en colère.

     La présence de la coopérante ne pouvait signifier qu'une seule chose : elle était du côté de Sidek et de son cartel. Elle ne l'avait pas trahi par imprudence, mais en toute connaissance de cause, parce que Hugo avait été assez stupide pour tomber dans son piège.

     Hugo la suivit des yeux. Elle semblait chercher quelqu'un. Soit un de ses contacts, soit lui-même, sans doute.

     Il ne fallait pas la décevoir.

     Quand elle passa devant lui, il se leva soudain, la rejoignit d'un bond et lui saisit le bras. Avant qu'elle ait eu le temps de proférer le moindre son, Hugo avait plaqué sa main sur sa bouche et l'avait poussée violemment derrière l'habitation, à l'abri des regards.

     Elle ouvrit de grands yeux.

     — Alors, gronda-t-il, vous venez achever le travail ?

     Il ne lâcha pas sa bouche, l'empêchant de répondre, et la poussa en arrière. Il l'entraîna derrière la végétation avec des gestes brusques, avant qu'un des amis d'Héléna ne la repère et vienne la secourir.

     Lorsqu'ils furent à l'écart, Hugo la lâcha mais lui chuchota à l'oreille :

     — Un cri, un seul bruit, et je vous tue ! Je le jure !

     Héléna restait devant lui en conservant tout son sang-froid. Elle ne se laissait pas facilement impressionner. Une vraie espionne, songea-t-il. Dire qu'il l'avait prise pour une volontaire civile ordinaire. Quel idiot il avait été !

     — Mais qu'est-ce qui vous prend ? chuchota-t-elle avec indignation.

     Ah, elle le prenait comme ça ?

     — Arrêtez votre comédie ! J'ai tout compris ! siffla-t-il rageusement.

     — Moi, je ne comprends rien !

     — Vous m'avez dénoncé à Sidek !

     Elle eut l'air sincèrement effarée.

     — Jamais de la vie !

     — J'ai été attaqué ! Qui savait que j'étais là, à part vous ?

     — Blanchard, répondit-elle du tac au tac. Il a dit à Sidek, en plaisantant, que vous étiez en déplacement et qu'il pensait que vous étiez un agent de renseignement. A mon avis, c'est bien suffisant.

     — Quoi ? Blanchard ? répéta Hugo, incrédule.

     — Oui. C'était hier. J'étais là. J'ai interrompu leur conversation avant qu'il n'en dise plus, mais il en avait déjà dit bien assez !

     Hugo fit un pas en arrière et toisa Héléna de la tête au pied. Il nota qu'elle portait un pantalon de toile et un T-shirt sombre, ainsi que des chaussures de marche. Elle s'était équipée pour une randonnée en montagne, bien loin de ses élégants tailleurs pour l'ambassade.

     — Que faites-vous ici ? demanda-t-il très froidement.

    — Je suis venue vous prévenir. Et vous aider, si je peux.

     Hugo en resta pétrifié.

     — Me prévenir ?

     — Que Sidek est sur vos traces, personnellement.

     — Vous êtes dingue ! Si vous n'êtes pour rien dans cette histoire, votre place est en sécurité à l'ambassade !

     — Trop tard, dit-elle froidement. Je suis là.

     — Je ne vois pas en quoi vous pourriez m'aider ! Je n'ai trouvé aucune trace de la présence de Sidek.

     — Il a dit qu'il se rendait à Padang, annonça calmement Héléna. J'ai cherché, et sa famille a une résidence là-bas. D'après ma carte, c'est à moins de cinq kilomètres d'ici.

     Hugo ouvrit puis referma la bouche.

     — Je pense que s'il est là, il doit rencontrer des trafiquants, poursuivit Héléna. Vous pourriez peut-être le surprendre avec des types compromettants.

     Hugo pencha un peu la tête en la dévisageant.

     — Vous êtes sûre que vous n'êtes qu'une coopérante ?

Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant