Héléna avait le cœur qui battait tellement fort qu'elle était sûre qu'on devait l'entendre jusqu'en Indonésie, de l'autre côté de la mer. Elle avait suivi la progression de Hugo. Comme dans la forêt, il se déplaçait souplement. Héléna l'enviait. Il avait de l'expérience, c'était certain. Il avait déjà rempli des missions risquées.
A présent, elle ne le voyait plus car il s'était recroquevillé près de la maison du ministre. Son angoisse monta encore d'un cran. Elle n'était pas faite pour encaisser un stress pareil !
Elle n'y tint plus et descendit vers la maison à son tour. Elle ne pouvait pas attendre de loin, elle voulait voir. Elle rampa, s'abrita derrière les rochers branlants et la végétation. Arrivée à mi-chemin, elle vit un autre homme sortir de la maison par le côté et se diriger vers la terrasse. Cela signifiait qu'il allait tomber sur Hugo qui se tenait accroupi dans l'angle. La panique la saisit.
Elle avisa un gros rocher devant elle, en équilibre sur la pente. Elle le poussa vigoureusement. Il se détacha et roula en direction de la maison, en entraînant une pluie de cailloux sur sa trajectoire, provoquant un bruit immanquable. Héléna se jeta à terre immédiatement.
Le bruit fit se retourner tous ceux qui se trouvaient à l'extérieur de la maison, y compris Hugo et l'homme qui s'apprêtait à le surprendre. Ce dernier s'arrêta et leva les yeux pour identifier ce qui arrivait. Hugo le vit et plongea derrière la haie. Les hommes sur la terrasse levèrent les yeux aussi, puis reprirent leur conversation.
Héléna, aplatie au sol, essaya de retrouver son calme. Elle se dit qu'elle n'avait pas signé pour ça lorsqu'elle s'était présentée comme volontaire internationale...
Hugo attendit que la voie soit libre pour réapparaître de sa cachette. Il attendait. Héléna devinait à peine sa silhouette.
Elle entendit le bruit des voitures qui démarraient et s'éloignaient sur le chemin caillouteux. Plus âme qui vive en vue, mais cela ne signifiait pas que la résidence du ministre était vide. Héléna redressa la tête et vit que Hugo s'éloignait prudemment, en restant courbé et en passant au large des ouvertures. Il put remonter la pente et se remettre à distance sous la végétation, où il retrouva Héléna.
— Bien joué, lui dit-il. Vous êtes surprenante, pour une fille sans expérience.
Héléna avait encore le souffle court. Elle avait besoin d'un peu de temps pour se remettre.
— J'ai eu la peur de ma vie, avoua-t-elle.
C'était bien pire que dans le bureau de Sidek avant-hier ! Mais elle était assez satisfaite d'elle-même, au fond, et c'était très flatteur d'entendre le demi-compliment que Hugo lui avait adressé. Il aurait pu être plus chaleureux, mais il était sans doute au maximum de son enthousiasme.
— Moi aussi j'ai eu un moment de panique, là-bas, et je m'en serais bien passé, dit-il tranquillement.
Il rangea son appareil dans son sac. Paniqué, lui? Il n'en avait vraiment pas l'air!
— Vous avez pris des photos ? interrogea Héléna.
— Oui, mais je ne suis pas sûr que cela soit suffisant comme preuve de l'implication de Sidek dans un trafic.
Héléna fut déçue.
— Y aurait-il autre chose à faire ?
— Possible, dit Hugo. Vous vous sentez capable de supporter encore la montagne ?
Héléna fit une grimace fugace mais hocha la tête. Hugo ne perdit pas de temps et commença à serpenter dans la végétation. Héléna le suivit, en ayant bien conscience qu'elle avait la grâce d'un hippopotame. Maudite jungle.
Elle ne demanda pas où ils se rendaient. Elle était décidée à serrer les dents et à avancer sans retarder son acolyte. Elle avait sa fierté.
Ils marchèrent pendant une éternité, aux yeux d'Héléna. Par la montagne, les distances raccourcissaient, mais pas les efforts. Ils firent une pause pour utiliser leurs provisions.
— J'en trouverai d'autres ce soir, dit Hugo. Nous sommes presque à court.
— Je peux tenir, dit crânement Héléna.
— Je vais rester dans le coin plusieurs jours encore, alors il me faut des réserves. Vous, en revanche, vous allez repartir.
— Pourquoi ?
— Parce que c'est dangereux. Si vous voulez tout savoir, nous allons droit vers un atelier clandestin infesté de trafiquants. J'espère y voir Sidek, mais il vaut mieux que lui ne nous voit pas !
— Je peux encore vous aider.
— Vous êtes épuisée !
— Vous aussi !
Ils se lancèrent mutuellement un regard torve. Héléna sentait monter l'agacement que Hugo provoquait en elle. Il avait le chic pour ça ! Il avait de la chance d'être beau et courageux, parce qu'il était insupportable, parfois !
Puis Hugo soupira :
— Ne nous disputons pas. En avant.
Héléna l'avait fait plier. Cela lui redonna du courage et elle se remit en marche avec plus d'allant. Ils atteignirent le bunker en début d'après-midi.
Après s'être avancés lentement et prudemment près du repaire des trafiquants, Hugo manifesta sa joie par un poing serré. Les voitures qu'il avait vues devant la maison de Sidek étaient garées en contrebas. C'étaient les mêmes hommes qui étaient là.
— Restez là, dit-il à Héléna.
Elle secoua la tête.
— Je viens.
Elle se sentait rebelle. Hugo lui lança un regard sévère.
— Pas d'excès de confiance. C'est dangereux.
Elle prit un air de défi.
— Merci, vous l'avez déjà dit.
Hugo se mit à ramper sur le sol pour s'approcher d'une des fenêtres. Héléna fit de même. Ils entendaient des conversations à l'intérieur. Hugo lui fit signe de rester couchée, tandis que lui se redressait rapidement et prenait une photo par la fenêtre, avant de redescendre.
— Pas mal, dit-il. Mais ce serait encore mieux si je pouvais prendre une preuve à l'intérieur.
— Vous n'allez pas rentrer dedans comme ça ? s'exclama-t-elle à mi-voix.
Il réfléchissait en silence. Héléna le surprit visiblement en proposant :
— Je pourrais faire diversion.
— Faire rouler une pierre ne suffira pas, rétorqua-t-il.
— Et si je m'en prends à leurs voitures ? Qu'en pensez-vous ?
— Oui, ça pourrait marcher, dit Hugo pensivement. Mais c'est vraiment risqué.
— Je me tiendrai prête à partir me cacher. C'est risqué pour vous, surtout ! Faites attention, d'accord ?
Sans attendre de réponse, elle descendit silencieusement la pente jusqu'aux véhicules. C'étaient des voitures ultra modernes. Héléna était prête à parier qu'elles avaient toutes les options, y compris les antivols. C'était à elle de jouer.
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Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)
AdventureHéléna, vingt-trois ans, nouvelle coopérante d'une ambassade en Asie, ne se doute pas qu'elle va être mêlée à une affaire d'espionnage pleine de dangers. Son supérieur, Hugo Fohl, cherche-t-il à la protéger ou à l'utiliser ? Au programme: sauver un...