25 - Hugo: fin de mission

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     Hugo enfila une paire de gants pour ne pas laisser d'empreintes. Il se demandait ce qu'Héléna envisageait de faire, mais il pensait qu'elle réussirait. Il eut bientôt la réponse à ses interrogations.

     Héléna saisit une pierre et la jeta dans le pare-brise de la première voiture. Une alarme retentit, stridente, faisant sursauter Hugo lui-même. La jeune fille ne fila pas tout de suite, elle jeta une autre pierre sur la seconde voiture, puis sur la troisième. Le concert des alarmes était assourdissant. Alors qu'Hugo allait lui hurler de disparaître, et sacrifier sa propre cachette, Héléna courut enfin se mettre à couvert.

     Au même instant, plusieurs hommes se précipitèrent hors du bunker, avec des exclamations de surprise. Ils regardèrent tout autour d'eux avant de se rapprocher de leurs véhicules. Sidek était l'un d'eux. Il fut celui qui manifesta le plus de rage devant son précieux 4x4 vandalisé.

     Hugo se releva et regarda par la fenêtre. Il ne vit personne. C'était le moment où jamais.

     Il sauta à l'intérieur, s'empara d'un sachet de substance blanche et reprit appui sur le rebord pour repartir par où il était entré. Il n'attendit pas et s'éloigna du bunker, en prenant garde de ne pas faire rouler de pierre sous ses pas.

     Derrière lui, il entendait encore les voix des trafiquants. Ils avaient fait taire leurs alarmes respectives mais échangeaient des remarques furieuses sur les dégâts. Hugo comprenait assez leur conversation pour identifier les menaces de mort qui fusaient. Ils pensaient qu'il y avait plusieurs responsables et se demandaient qui avait osé s'en prendre à leurs coûteuses possessions.

     Qui accuseraient-ils ? Ce serait quitte ou double. Ou bien ils penseraient, surtout Sidek, que Fohl en était responsable ; ou bien ils accuseraient des gens du coin. Tout était possible.

     Est-ce qu'ils s'apercevraient qu'il manquait un petit sachet d'héroïne ? Hugo espérait que non.

     Il se tint silencieux dans la jungle, attendant Héléna. Dès que le calme serait revenu dans le secteur, il irait la retrouver, où qu'elle soit.

     Ce fut elle qui le retrouva, trente minutes plus tard. Elle se déplaçait silencieusement et efficacement. Elle avait fait de gros progrès depuis la veille.

     Elle s'assit près de lui, les yeux brillants.

     — Vous avez réussi ? souffla-t-elle.

     Hugo ouvrit sa main gantée.

     — Qu'est-ce que c'est ? demanda-t-elle.

     — De l'héroïne. C'est exactement ce type de sachet qui a été trouvé dans les affaires de Monod. Et j'ai une photo de Sidek dans l'atelier. Cette fois, ça ressemble bien à un succès !

     Il sourit. Héléna semblait ravie, elle aussi, de la tournure des événements.

     — Super ! Je suis bien contente, monsieur Fohl !

     Il se leva et lui tendit la main pour la redresser.

     — Vous pourriez peut-être m'appeler Hugo ?

     Elle lui envoya un sourire tellement radieux qu'il se sentit étourdi.

     Ils marchèrent encore pour s'éloigner du bunker, en direction d'un autre village. Hugo était porté par l'adrénaline. Il se demandait en revanche comment Héléna tenait le choc. Il lui jeta un coup d'œil. Elle avait l'air à bout mais avançait toujours. Pas une seule jérémiade n'avait d'ailleurs franchi ses lèvres depuis la veille.

     Hugo décida de regagner la capitale avec elle. Il n'avait plus rien à faire dans les parages. Le colonel Ravel serait content de lui. Et lui-même était fier d'avoir réussi. Il jeta un coup d'œil à la surprenante jeune fille qui se tenait à ses côtés, une alliée inattendue mais tellement précieuse !

     Ils atteignirent le village juste à la tombée de la nuit. Ils purent acheter de la nourriture et de l'eau, mais Hugo déclara qu'ils ne pouvaient pas s'arrêter, malgré leur fatigue. Ils se feraient trop facilement repérer. Il était décidé à poursuivre le trajet et à conduire de nuit, quoiqu'il lui en coûte. Il en était capable.

     Il retrouva sa voiture de location. Il craignait à demi qu'elle n'ait disparu, mais elle était bien là. Il l'avait bien dissimulée sous des branches.

     Une fois en voiture, Héléna s'endormit rapidement. L'adrénaline l'avait abandonnée, la laissant juste épuisée et passive. Hugo n'était que trop content de s'occuper de tout. Elle se réveilla alors qu'ils entraient en milieu urbain.

     — Qu'est-ce que vous allez faire, maintenant ? dit-elle en s'étirant, alors qu'ils se rapprochaient du centre.

     — D'abord dormir... Non, je plaisante. Je dois voir avec mon contact. Mais j'espère pouvoir présenter ces preuves à la cour royale et obtenir un non-lieu pour Mathis Monod.

     — Ce serait merveilleux !

     — Je n'aurais pas réussi sans vous. Merci, Héléna.

     Il la déposa devant chez elle.

     — Qui êtes-vous, en fait ? demanda-t-elle avant de descendre. Un agent secret comme dans les films ?

     Hugo fit une grimace.

     — Dans ce métier, il faut être discret. Si vous pensez à James Bond, alors que lui gagne trois millions au casino avant de crasher son Aston Martin dans l'Arc de Triomphe, ce n'est pas tout à fait ce que les employeurs attendent !

     Héléna éclata de rire.

     — Allez dormir, conseilla Hugo, et reposez-vous demain. Je vous revois après-demain à l'ambassade, d'accord ?

     Elle acquiesça. Hugo vérifia qu'elle pénétrait dans l'immeuble en toute sécurité. Avant de disparaître, elle le regarda une dernière fois, puis entra.

     Hugo prit un luxe de précautions avant de regagner son appartement. Il fit plusieurs fois le tour de l'immeuble pour vérifier qu'il n'y avait personne, puis ouvrit prudemment la porte avec un couteau en main, au cas où quelqu'un l'attendrait. Il désactiva l'alarme puis fit le tour de ses pièges personnels dans l'appartement : fils tendus, papiers fins coincés dans des tiroirs. Rien n'avait bougé. Personne n'était entré en son absence.

     Il détruisit toutes les preuves de ses récents déplacements : contrat de location automobile, tickets de caisse, emballages de sandwichs. Il en avait pris l'habitude, dès qu'on le lui avait enseigné, et le faisait tout le temps, y compris en vacances.

     Ces derniers jours, en outre, l'avaient rendu carrément paranoïaque. Il savait qu'il avait failli mourir dans le « triangle d'or » du trafic mondial, et il n'y avait que le nom qui était plaisant.

     Il se demandait ce que Sidek allait faire. Certainement quelque chose, même si le ministre ignorait que Hugo avait collecté des preuves. D'ailleurs, il fallait s'en occuper sans tarder. Si Hugo disparaissait, ou plutôt si Sidek parvenait à le faire disparaître, il devait mettre les preuves à l'abri.

     Alors qu'il rangeait ses affaires, ses pensées s'attardèrent sur Héléna. Ce qu'elle avait fait pour lui, personne d'autre ne l'avait jamais fait.

     Quelle drôle de fille ! Il l'avait prise dans son service, totalement par hasard, parce que son CV mentionnait qu'elle n'était pas trop nulle en informatique. Elle s'était révélée sérieuse, rigoureuse, fiable. Pour quelqu'un comme Hugo, c'étaient les qualités les plus belles du monde !

     Non, il devait être honnête avec lui-même. Il hésitait devant son CV et ce qui l'avait décidé, c'était sa photo. Elle était très mignonne dessus. Et elle s'était révélée encore plus séduisante en réalité...

Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant