11 - La gifle et le plâtre

357 69 29
                                    




J'avais pris le coup, et à part une unique fois où je m'étais égratigné le genou, j'arrivais maintenant à escalader la gouttière des Jeon avec une facilité déconcertante.

Nous passions plusieurs jours par semaine chez lui, à trainer devant un film, manger tout ce qu'on pouvait trouver dans les placards et sauter sur son lit en riant. Jungkook m'avait peu à peu initié aux jeux vidéo dont je ne disposais pas chez moi, une console se révélait encore bien trop cher pour mes parents, et surtout, inutile.

Parfois, il sortait et nous trainions en ville ou à la plage, puis il rentrait avant que le SUV de son père ne se gare dans l'allée. Ainsi, il trompa ses parents pendant plusieurs semaines, et de mon côté, j'étais satisfait. Finalement, cette punition s'avérait être une meilleure idée encore que le camp, car chez lui, dans l'intimité de sa chambre, je n'avais à partager Jungkook avec personne.

— T'es sûr que ta mère ne va pas aller voir si tu es bien endormi ?

— J'ai plus 4 ans, hyung, ne t'en fais pas, s'amusa-t-il.

Nous étions étendus sur le sable, une serviette évitant que les grains rentrent dans nos vêtements, et les bras calés derrière la tête. Il faisait si chaud que l'intérieur de la maison en devenait étouffant. Alors mon meilleur ami avait proposé qu'on passe la nuit sur la plage en tête à tête avec les étoiles.

— Est-ce que tu connais le nom des constellations ?

Il fronça le nez et réfléchit.

— Hmmm... je sais que celle-ci, c'est la grande ours, affirma-t-il en me pointant du doigt un amas d'étoiles. Celle-là, c'est Orion, et là, là... je ne sais plus, mais ça ressemble à un cerf-volant, tu ne trouves pas ?

— C'est vrai, admis-je en souriant.

Je tournai la tête pour contempler son profil et je me mordis la lèvre, le cœur battant.

— Est-ce que tu as des nouvelles d'Heather ?

Vous auriez pu penser que j'étais dingue de remettre sur le tapis, un sujet révolu. En réalité, j'assurais mes arrières et je voulais savoir où en était Jungkook. Est-ce qu'il lui écrivait ? Peut-être qu'ils s'échangeaient des courriers enflammés et que mon meilleur ami était toujours amoureux transi de la belle australienne.

Son visage se ferma et il se tourna dos à moi pour se recroqueviller sur lui-même.

— Non.

— Oh... est-ce qu-

— C'est moi qui n'ai pas répondu à sa dernière lettre.

— Pourquoi ?

— Parce que j'ai réalisé que ça me faisait plus de mal qu'autre chose. Rester là, espérer qu'elle revienne et que tout redevienne comme avant... c'est pas une vie.

Il espérait donc qu'elle revienne. Cette information me blessa plus que je ne l'aurais cru, mais je ne pouvais pas lui en tenir rigueur, c'était moi qui avais posé la question, j'aurais dû m'attendre à ce genre de réponse.

Jungkook ne bougea pas pendant un moment tandis que je fixai son dos musclé et ses épaules dessinées. Je posai ma main sur l'une d'elle et me rapprochai afin que mon torse ne soit en contact avec son dos.

— Je suis désolé. Excuse-moi, je n'aurais pas dû te parler de ça, c'est encore frais, et j-

— Non. On ne peut pas éviter le sujet... ça fait déjà 8 mois qu'elle est partie.

J'arquai les sourcils vers le bas. Mon meilleur ami souffrait toujours, et peut-être bien que cette blessure resterait ouverte à jamais. Je le serrai contre moi, incapable de lui souffler les paroles réconfortantes. J'avais toujours été bien plus doué dans les gestes qu'avec les mots. Alors je me contentai de le rassurer en me lovant contre lui, mon menton calé contre son épaule.

Du fard sur les yeuxOù les histoires vivent. Découvrez maintenant