Du fard sur les yeux

36 - Une tentative déplorable

En voiture, je n'osai pas parler et je regardai fixement mes mains retenant un petit bouquet de lys blanc et rose. Curtis était élégant dans son smoking gris clair qui faisait ressortir le bleu de ses yeux. Il glissa une main sur ma cuisse et je posai ma main sur la sienne.

— Est-ce que ça va aller ?

— Oui.

— Si tu veux, on peut rentrer et oublier tout ça. J'irai t'acheter de la glace et on regardera toutes les saisons de Brooklyn 99. Tu pourras rester en pyjama licorne et j'te promets de ne pas me moquer.

— Arrête-toi.

— Qu-Quoi ?

— Arrête-toi, s'il te plaît.

Curtis se gara le long de la route bordant l'océan. Je descendis, le vent emportant mes cheveux, et déposai le petit bouquet sur mon siège. Il s'approcha de moi, l'air méfiant. Mon Dieu, qu'est-ce que je lui avais fait subir toutes ces années ?

— Tae... ?

— Curt... j'ai quelque chose à te dire.

Je plissai les yeux, aveuglé par le soleil de cette magnifique journée d'été. Sa pomme d'Adam fit un aller-retour laborieux et il rangea les mains dans les poches de son pantalon. Je le connaissais assez pour affirmer qu'il était tendu.

— Je voudrais que tu saches que tu es une personne merveilleuse et que je suis désolé de t'avoir fait subir tout ça durant des années...

— Tae, di-

— Non ! Ne m'interromps pas s'il te plaît... j'aurais tant voulu que tu puisses trouver le bonheur... pouvoir t'aimer comme tu le mérites. Je suis terrorisé à l'idée de ne pas faire le bon choix, de me planter complètement et de te regretter une fois que je t'aurais complètement perdu... je ne sais pas comment il est possible que tu acceptes cette situation et je me déteste de te l'infliger.

Curtis esquissa un sourire et posa ses mains sur ma taille.

— Tu te trompes complètement, Taehyung.

— Ah oui ?

— Tu ne me perdras jamais, je serai toujours là.

Je fronçai les sourcils, dans l'incompréhension la plus totale.

— Bon Dieu, Curtis Crane, peux-tu avoir un seul putain de défaut, s'il te plaît ?! Comment veux-tu que je récupère Jungkook et que j'te quitte si tu es si parfait ?!

Il ricana faiblement et frotta son nez contre le mien en resserrant sa prise sur ma taille.

— J'ai un énorme défaut... tu ne l'as jamais remarqué, c'est tout.

— Ah oui, et lequel ?

Il se recula et se pinça les lèvres. Puis tout à coup, ses traits se chiffonnèrent et il détourna les yeux.

— Je suis incapable de te refuser quoi que ce soit, de te quitter ou même de ne plus t'aimer. J'ai un gros problème d'attachement, je le sais, mais c'est comme ça... et je sais aussi que ça me rendra malheureux un jour, mais je n'y peux rien. Je suis tombé amoureux de toi dès le premier soir, à Halloween. Mais j'ai aussi compris ce soir-là que je serai incapable de t'oublier ou de cesser de t'aimer.

Je le regardai m'expliquer la torture qu'il vivait depuis des années, alors que je le bassinais avec Jungkook. Pour ça, je ne lui avais jamais menti. J'avais toujours été honnête en affirmant que mon meilleur ami était aussi l'amour de ma vie. Et Curtis m'avait toujours promis de me soutenir et de s'effacer le moment venu. C'était accablant, mais nous vivions ainsi, dans la peur et l'excitation d'une vie nouvelle, d'un changement.