Le Jeu du Loup Rouge - LOCKZIE

XI

TW : Sang

Dans les dernières heures sombres de la nuit, Baptiste avait gardé ses yeux rivés sur la forêt, incapable de trouver l'envie de dormir. Le poids de l'horreur à venir lui déchirait les entrailles.

Lucas avait fini par s'assoupir contre lui, Baptiste tentant vainement de le convaincre d'aller dans son lit et Lucas refusant, à moitié somnolant. Baptiste était donc aller chercher son oreiller et Lucas s'était endormi à côté de lui, sur le parquet.

Baptiste avait passé le reste de la nuit complètement mortifié par sa connerie. Il se sentait tellement con. A quel moment embrasser Lucas pouvait être une bonne idée ? Au delà du contexte loin d'être favorable à ce genre de révélation, Baptiste s'était aussi fait la promesse de ne rien tenter avec Lucas.

Il préférait garder l'incertitude sur la réciprocité de ses sentiments. Il préférait vivre avec le confort de l'espoir plutôt qu'avec l'amertume du rejet. En bref, il préférait rêver. C'était moins risqué pour son cœur.

Comment avait-il pu penser qu'un baiser ferait ressortir quoi que ce soit de positif ? Quand avait-il pu se laisser penser que c'était réciproque ? Bien sûr, Lucas était particulièrement tactile et attentionné avec lui depuis un moment, mais il l'était toujours avec tout le monde. Et s'ils s'étaient rapprochés pendant le Jeu, c'était uniquement car ils étaient les amoureux.

Les amoureux. Quelle ironie.

Lucas ne l'aimait pas comme ça. Maintenant Baptiste pouvait enterrer ses espoirs et passer à autre chose. Le problème était que son amour était coriace et qu'il se pensait bien incapable de s'en débarrasser. Il était condamné à vivre avec cet amour à sens unique, intimement persuadé que leur amitié était gâchée et que Lucas n'avait rien dit pour se préserver. Ils étaient dans la même équipe, il ne pouvait pas mettre en danger ses chances de survie en se mettant à dos son seul allié.

Baptiste pouvait faire semblant jusqu'à la fin du Jeu. De toute manière, il n'était pas sûr de survivre et de vivre dans un monde où Lucas ne lui parlerait plus. Au final, il ne verrait peut-être même pas les conséquences de sa connerie.

Le pourpre du matin s'étalait sur l'herbe perlante de la rosée. Baptiste s'agitait.

« Hey, Bapt'... »

Lucas s'était réveillé et le regardait d'un air peiné.

« Je voulais juste te dire, par rapport à- »

Un hurlement l'interrompit. Leur sang se glaça. Alex.

Sans réfléchir une seconde, Baptiste se leva et sortit de la cabane. Il se mit directement à courir vers Alex en priant pour arriver à temps.

Il manqua de tomber plusieurs fois mais il se rattrapa de justesse. Ses poumons brûlèrent.

Quand il sortit enfin de la forêt, il s'arrêta net devant la cabane d'Alex. Du coin de l'œil, il distinguait des silhouettes immobiles. Il allait leur dire de se bouger, de faire quelque chose, mais c'était à ce moment-là qu'il le vit.

La lumière rose orangée de l'aube le faisait scintiller. En dessous de la porte fermée, une flaque de sang noir coulait jusqu'à l'herbe verte.

C'était trop tard.

Alex était morte.

Il avait envie de vomir.

A droite, il reconnut Barbara, recroquevillée sur elle-même. Elle ne pleurait pas, mais elle était clairement en état de choc. Baptiste fit quelques pas vers elle avant de se résigner. Il n'avait pas sa place auprès d'elle pour la réconforter. C'était de sa faute.