le masque du tigre | vkook

𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖚𝖓

Le club est bondé. La musique est forte, peut-être un peu trop d'ailleurs, mais personne ne s'en soucie. Il est déjà plus d'une heure du matin et pourtant, les clients ne cessent d'arriver, parfois par groupes de cinq ou six. Les tables VIP sont toutes prises, et il est presque impossible de faire un seul pas sur la piste de danse à cause du nombre de personnes réunies.

Et parmi toutes ces personnes riches et influentes, il y a moi, Jeon Jungkook, simple serveur. Un plateau sur la main droite, je me déplace avec agilité entre les tables et le bar, ainsi que les pièces mises à disposition pour les clients les plus importants. Le bruit est assourdissant mais, avec le temps, on s'y fait. Je n'ai pas vraiment à me plaindre de ce boulot : la paie est bonne, et les pourboires sont assez généreux, étant donné que les personnes qui mettent les pieds ici sont toutes assez aisées.

J'ai chaud, mon sang semble bouillir dans mes veines. Cela fait plusieurs heures que je fais de rapides aller-retours pour amener les commandes aux clients, sans prendre une pause. Il y a tellement de monde que je ne peux pas vraiment me permettre de m'en prendre une, même de cinq minutes. Mes collègues sont tout aussi débordés que moi, et courent dans tous les sens, faisant bien attention de ne pas faire tomber leur plateau. Un accident est vite arrivé. Et puis, ici, les bouteilles valent pratiquement un salaire, et nous tenons tous à notre paie à la fin de mois.

Mes cheveux noirs et ondulés retombent comme une frange sur mon front et une partie de mes yeux. Je transpire sous ma chemise, dont les premiers boutons sont ouverts, et mes pieds me brûlent. Les conditions de travail sont presque insupportables mais encore une fois, je n'ai pas à me plaindre. Au moins, j'ai un boulot, et je peux payer mon appartement. J'ai de la chance, contrairement à beaucoup d'autres personnes de mon âge. Peut-être que je suis trop jeune pour travailler dans un lieu de débauche comme celui-ci, mais je n'ai pas vraiment le choix.

« Jungkook ! Commande pour la table dix ! »

Je n'ai même pas le temps de me reposer l'espace de quelques secondes au bar que Chaerin, la barman, me dépose un plateau avec plusieurs verres devant moi. Elle me lance un regard à la fois fatigué et compatissant. Nous sommes tous dans le même état. Le patron est trop radin pour embaucher quelques personnes de plus, alors nous sommes tout le temps débordés. Je vois la jeune femme tanguer légèrement, et se reprendre quelques instants plus tard. Elle est seule derrière le comptoir, alors c'est elle qui s'occupe de la caisse, des commandes des tables, des salles, et des clients sur la piste de danse.

La table dix est, comme pratiquement tous les soirs, occupée par les mêmes hommes. C'est également l'une des seules tables à être dans une salle privée, comme j'aime le dire, même si la salle n'est pas vraiment une salle. Le club est énorme, alors le patron a décidé de le séparer en plusieurs parties grâce à des rideaux opaques. Je ne devrais pas le dire, mais le club n'est pas fréquenté que par des bonnes personnes. Le plus souvent, pour ne pas dire toujours, ces tables séparées sont réservées à l'avance, ce qui est normalement impossible, par des gens haut-placés dans la société sud-coréenne. Politiques, influenceurs, membres de la mafia coréenne, yakuzas en déplacement...

Parmi les serveurs, personne ne veut les servir, et c'est compréhensible. Les gardes du corps vous oppressent, comme si d'une seconde à l'autre vous alliez sortir un flingue de je-ne-sais-où, et le pire sont les regards que les clients en question vous jettent. Déplacés, obscènes, ou juste curieux, cela dépend de leur statut social. Mais étant donné que leurs pourboires sont beaucoup plus généreux que les autres clients, je me suis porté volontaire pour les servir en priorité. Je n'aime pas vraiment ça, mais mes fins de mois découlent de ces pourboires. Je suis obligé. J'ai besoin d'argent.