𝖖𝖚𝖆𝖗𝖆𝖓𝖙𝖊-𝖓𝖊𝖚𝖋

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« Tu démissionnes ? C'est une plaisanterie ? » dit mon supérieur, l'air médusé.

« Absolument pas. » réponds-je en le regardant droit dans les yeux. 

« Tu es conscient que si tu pars, je ne pourrais pas te reprendre ? »

« Je ne reviendrais pas. » répliqué-je. « Vous me verserez mes indemnités demain par virement. Bonne soirée. »

Je tourne les talons et sors de son bureau. Étrangement, un poids semble s'envoler de mes épaules. C'est incroyable de me dire que je ne travaillerais plus ici. Je ne me tuerais plus à la tâche. Tout ça, c'est terminé.

Je ne suis plus prisonnier de cet endroit.

Avant de rejoindre mon frère, je passe rapidement par les coulisses pour saluer Jenny et la remercier pour tout ce qu'elle a fait pour moi.

Comme prévu, Jimin m'attend patiemment au bar, un verre posé devant lui. Il discute avec Chaerin, qui est enfin sortie de son rush. En me voyant arriver, cette dernière m'interpelle avec un grand sourire : 

« Alors Jungkook, tu quittes enfin ce trou à rat ? »

« Quoi ? Tu t'en vas ? » s'exclame Chanyeol en arrivant, les yeux grands ouverts. 

« Ça y est, je prends mon envol. » plaisanté-je.

« Merde, je suis tellement heureux pour toi ! »

Chanyeol me serre puissamment dans ses bras. La seule chose qui va me manquer ici, ce sont bien mes collègues, qui sont devenus de véritables amis.

Jimin nous regarde, son sourire effaçant ses yeux. Il sirote doucement sa boisson avec sa paille, ses petites jambes se balançant dans le vide.

« T'as intérêt à venir nous voir ! » me menace-t-il faussement.

« Évidemment. Au fait, où est Mara ? »

« Tu l'as loupée de peu. Elle aussi, a démissionné. Elle est venue hier, ou avant-hier, je ne sais plus. »

J'échange un regard avec mon frère. Est-ce une coïncidence avec ce qui se passe avec les Quatre As ? Yoongi nous a pourtant dit qu'elle n'était au courant de rien... À moins qu'elle n'ait découvert que sa belle-mère ne se contentait pas de cuisiner des gâteaux pour son fils.

Nous nous prenons une dernière fois dans les bras, nous promettons de nous revoir, puis Jimin et moi quittons le Sangeo. Il est plus de vingt-et-une heure, et nous prenons la direction du métro. 

« Je stresse un peu. » m'avoue mon frère en jouant avec ses doigts. « Tu penses qu'on aurait dû ramener un boîte de chocolats ? »

Je passe un bras autour de ses épaules et l'attire contre moi. 

« Tu paraissais bien plus confiant, tout à l'heure. » le taquiné-je. « Et ça serait plutôt à eux de nous offrir des chocolats, étant donné qu'ils m'ont kidnappé et qu'ils sont plein aux as. »

Jimin laisse échapper un rire, et ses épaules se décrispent.

Le reste du trajet se déroule dans le silence. Mon frère s'appuie contre moi, la tête posée sur mon épaule, les yeux dans le vague. Ce soir, c'est un énorme pas que nous faisons envers notre famille. Je ne sais pas comment cette soirée va se dérouler, et j'ai peur que Jimin perde pieds.

À quoi peut ressembler notre tante ? A-t-elle hérité des mêmes traits que notre mère ? Au fond de moi, je suis mitigé : une part de moi voudrait qu'elle lui ressemble pour avoir le bonheur d'entrapercevoir ma mère en elle. Une autre part de moi, celle-ci en colère, espère que non.

Nous arrivons finalement devant une petite maison mitoyenne aux volets bleus. Les fenêtres sont illuminées par les lustres à l'intérieur. Il n'y a aucun doute, ils sont là.

« On fait quoi ? » murmure Jimin.

« On sonne... je suppose ? » dis-je en lui jetant un regard hésitant.

Nous n'avons pas le temps de nous avancer vers la porte que cette dernière s'ouvre, laissant apparaître Yoongi sur le seuil. Habillé en jogging, il hausse un sourcil et nous détaille de haut en bas : 

« Il est tard. » constate-t-il. « Qu'est-ce que vous foutez là ? »

« Alors comme ça on est cousins. » lâche Jimin, attirant l'attention du pianiste. « Salut, le couz' ! » lâche-t-il maladroitement avec un petit signe de la main.

Mon dieu, arrêtez-le. Je n'ai jamais été aussi gêné de ma vie.

Yoongi pince l'arête de son nez, étouffant un rire moqueur.

« Hé ! J'ai jamais eu de famille à part Kook', d'accord ? Donc désolé de ne pas avoir les codes. » grogne-t-il, croisant les bras sur son torse.

« C'est vrai, excuse-moi. » répond Yoongi. « Salut, hum... le couz'. Mais ça serait encore mieux si tu m'appelais Yoongi. Ou juste Yoon'. Comme tu veux. Bref. »

« Yoonie ? À qui tu parles ? » dit une voix féminine.

Une nouvelle silhouette apparaît au seuil de la porte. Pieds nus, également en jogging, elle se place aux côtés du jeune homme, les sourcils froncés. Il ne s'agit pas de Mara.

Leurs visages sont un copié collé. J'ai l'impression que mes jambes se vident de leur sang. J'ai peur de tomber à genoux ; jusqu'à ce que mon frère lie nos doigts. 

« Je peux l'appeler tata ou ça non plus c'est pas dans les codes ? » marmonne Jimin en roulant des yeux.

Je lui fourre mon coude dans les côtes pour qu'il se taise. J'espère qu'elle n'a rien entendu. Parce qu'elle est, de toute évidence, notre tante, et la sœur de notre mère. 

En nous voyant, elle se fige, les lèvres entrouvertes. Elle passe la main dans ses cheveux, l'air hébété, le visage pâle, comme si elle se trouvait en face de deux fantômes. Mais n'est-ce pas ce que nous sommes ? Des fantômes de son passé. Les enfants de sa sœur, qui a lâchement pris la fuite il y a une quinzaine d'années.

« Oh... » est tout ce qu'elle arrive à dire.

En voyant sa mère dans cet état, Yoongi soupire, avant de la faire rentrer de force dans la maison. Il tourne les talons, et alors que je pensais qu'il allait nous fermer la porte au nez, il nous lance par-dessus son épaule :

« Entrez. »

le masque du tigre | vkookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant