𝖈𝖍𝖆𝖕𝖎𝖙𝖗𝖊 𝖘𝖊𝖕𝖙

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Un nouveau vertige me prend alors que je sers des clients à une table, et un verre manque de s'écraser au sol. Faisant mine de rien, je le pose sur la table, et empoche le pourboire que me donne négligemment l'homme. La femme a ses côtés le regarde avec des yeux scintillants et admiratifs. Un gloussement moqueur se bloque dans ma gorge, et je tourne les talons, enfonçant les billets dans la poche de mon pantalon.

La musique change, devenant plus lente et langoureuse, et les basses sourdes ont un effet dévastateur sur mon organisme. Si je n'avais pas la pleine possession de mes esprits, j'aurais pu penser que quelqu'un m'a drogué. J'ai littéralement l'impression de planer et d'être ailleurs. Par ailleurs, j'ai du mal à garder les yeux ouverts, et mon sang boue dans mes veines. Je vais pas pouvoir continuer de cette façon c'est impossible, mon corps va me lâcher bien avant la fin de mon service.

Les mains crispées sur mon plateau, je marche d'un pas titubant vers le comptoir. Alors que j'allais m'y affaler comme une baleine échouée sur la plage, je remarque du coin de l'œil que de nouvelles personnes viennent d'entrer dans le club. Elles sont au nombre de six : deux gardes du corps, et quatre jeunes hommes. 

Automatiquement, tous les regards convergent vers eux, alors qu'ils gardent le menton haut et le regard fixement posé devant eux. RM, G-Dragon, et Zico semblent entourer V. Portant son habituel masque, ce dernier est si sexy que j'en ai le souffle coupé. Sa chemise blanche est presque transparente, et les premiers, voire la moitié des boutons du haut, sont ouverts, laissant apparaître ses clavicules saillantes. Sa taille fine est marquée par son pantalon de costume, d'où pendent plusieurs chaînes de chaque côté de ses jambes. De nombreuses bagues habillent ses doigts longs et fins.

Quelle vision de rêve, j'en baverais presque.

Je détourne les yeux, les joues écarlates, et manque ainsi le regard profond qu'il me lance discrètement. Pourquoi est-ce que son masque me donne autant de frissons ? Ce ne sont pas des frissons de peur, bien au contraire. Je devrais me sentir repoussé par ce masque, mais l'effet est totalement inverse sur moi. Pourtant, tout le monde le qualifie d'effrayant. Après tout, il est entièrement blanc, et le sourire noir qui s'étire pratiquement jusqu'à ses oreilles est dérangeant. Après réflexion, on dirait un masque sortant tout droit d'un film d'horreur.

« Mara ? Est-ce que tu as toujours tes médicaments ? » demandé-je en croisant la jeune femme.

« Bien sûr, Kook' ! Ils sont dans mon sac à main, je t'autorise à fouiller. »

« Merci. »

Elle me sourit, compatissante, avant de s'éloigner, son plateau débordant sur les mains. Il doit pratiquement faire son poids, et je me demande comment est-ce qu'elle fait pour le porter avec autant facilité. Je m'enfuis donc dans les vestiaires, et même si je suis vraiment gêné, je fouille donc dans son sac à main, et y trouve une boîte d'antidouleurs. J'en prends deux d'un coup, les avalant avec l'eau du robinet. J'essuie mes lèvres avec le dos de ma main, et lance un regard au moi du reflet. Ma peau est vraiment pâle, et mes cernes en ressortent d'autant plus. L'éclat de mes yeux a disparu, et le sourire qui étire mes lèvres a du mal à rester en place.

Je rectifie un peu les coulures du mon maquillage avec mes doigts, et quitte la pièce. Je suppose qu'il faut un peu de temps pour que les médicaments agissent. Je reprends mon plateau, rempli par Chaerin, et me dirige vers, oh mais quelle surprise, la table dix. Heureusement que j'ai arrangé un peu mon maquillage, je n'ai pas forcément envie de ressembler à un panda auprès de V. Mais qu'est-ce que je raconte ? Ça doit être la fièvre, je délire probablement.

Il y a bizarrement cinq verres sur mon plateau.

Comme pratiquement tous les soirs, un gorille garde l'entrée des rideaux. Une certaine appréhension monte en moi. Je n'ai pas vraiment envie de voir des tâches de sang sur le sol. Le garde du corps m'ouvre l'un des pans du rideau, sans même un regard, et je m'engouffre dans la pièce improvisée. Mon regard tombe directement sur le masque blanc de V, qui est assis dans le canapé en cuir avec grâce. Il ressemblerait presque à un roi, de cette manière. Je rougis automatiquement, et m'incline, sans avoir le courage de jeter un nouveau regard dans sa direction.

Le cinquième verre appartient à une femme, la femme du président actuel du Japon. Le rideau de la table neuf est tiré, et plusieurs yakuzas y sont installés, ne perdant pas la jeune femme du regard. Cette dernière m'adresse un léger sourire, avant de reprendre sa conversation à voix basse avec G-Dragon, qui ne perd pas son sourire narquois. Ses yeux descendent sur mon corps, avant qu'ils ne reviennent se fixer sur la femme.

Je pose précautionneusement les verres sur la table basse, mais un vertige me prend, alors que ma fièvre semble augmenter d'un coup. Je ne tiens pas le coup, et me rattrape in extremis à la table, gémissant légèrement sous la douleur. Pourquoi est-ce que les antidouleurs ne font pas effet ? J'ai vraiment mal, partout dans mon corps, et j'ai très chaud. Même les yeux fermés, les vertiges ne cessent pas, et l'une de mes jambes lâche soudainement ; mon genou frappe contre le sol, alors que mes mains serrent le bord de la table. J'essaie de me relever, mais cela me semble impossible, acte trop dur pour mon corps qui est vraiment à sa limite. C'est simple, je n'entends plus rien autour de moi, je suis simplement dans le noir, comme si je flottais dans le néant.

Une main se pose sur mon épaule, mais elle n'arrive pas à me faire retourner à la réalité. J'ai l'impression d'être entre l'inconscience et la conscience, et c'est un sentiment assez étrange, je dois l'avouer. J'entends qu'on parle, autour de moi, puis qu'on me soulève doucement, mais je ne suis plus maître de mon corps, et je me laisse faire comme une poupée désarticulée. Toutefois, je suis encore assez conscient pour comprendre qu'on me sort rapidement du club, mais toujours avec délicatesse. Je ne sais pas qui me porte et vers où, et je m'en fiche entièrement. Je veux juste aller mieux.

C'est quand je sens le vent frais sur mon visage que je me rends compte qu'on m'a emmené dehors, et c'est à cet instant précis que je perds définitivement conscience pour la nuit.

le masque du tigre | vkookOù les histoires vivent. Découvrez maintenant