0 | 𝘚𝘪𝘳𝘶𝘴

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ʚ🦢ɞ








URSS, Moscou, 20 h 47.





Faux sourire, robe parfaitement ajustée, coiffure impeccable.

Ces quelques mots sonnent comme un dicton répété simplement aux femmes.

Je m'avance au côté de ma mère, tout en ajustant mon décolleté.

Foutu robe.

Je dois sûrement en aveugler plus d'un avec tous ses cristaux blancs.

Le pire sont ses talons que ma mère m'a forcé à enfiler. Je n'ai pas l'habitude de porter des chaussures aussi hautes. Cependant, je dois m'y plier. Depuis notre retour d'Allemagne de l'Est, j'attends à ce que nous soyons inondés d'événement de la sorte.

Un masque camouflant mon identité, mes yeux balayent la salle de réception des Chernov, décorée spécialement pour l'occasion. Leur amour pour l'or ne laisse pas à désirer. Le lustre en témoigne, mais aussi les murs emplis de détails dorés, élégamment accordés à la mosaïque du plafond. Cette dernière est l'incarnation d'un conte merveilleux Russe, les beaux-frères animaux, mettant en scène la princesse dans les bras du corbeau.

Le Corbeau, le blason des Chernov.

Mes yeux s'attardent sur l'orchestre au fond de la salle, d'où une douce musique s'émane, se distinguant du tapage engouffrant qui entoure la pièce. Le piano est parfaitement maîtrisé, et chaque note m'emporte vers un doux souvenir d'enfance. Toutefois, la voix de ma mère me rappela à l'ordre, dissipant les rires mélodieux berçant ma nostalgie.

– Vous venez jeune fille ? blâma-t-elle.

À contrecœur, je la suis, et nos pas nous engouffrèrent au cœur de la salle, là où même la voix dans notre tête sera étouffée. Les regards curieux s'accrochent à nous, et malgré nos masques, ils reconnaissent l'animal fétiche de notre famille.

Je ne me sens pas à ma place...

Je ne me suis jamais senti à ma place.

Leurs yeux n'ont jamais cessé de me poursuivre, me chasser.

Tous ces regards s'accrochent à ma peau telles des épines dont le venin a pour effet d'accélérer les battements de mon cœur.

Nous rejoignons un groupe de femmes que ma mère semble reconnaître.

Leurs regards paraissent juger ma capacité à respirer.

Ainsi, j'ai de plus en plus de mal à effectuer ce geste inné.

Elles se retournent avant même que nous arrivions à leur niveau, et à leur tour, elles nous scrutent.

Leurs yeux paraissent d'autant plus perçants avec leurs masques farfelus.

Je perçois leurs lèvres articuler des messes basses, laissant le fruit de mon imagination imaginer leurs calomnies.

'Que font-ils ici?'

'Ne doivent-ils pas être en Allemagne?'

'Les a t'ont aussi chassé de là-bas?'

Le visage de ces femmes s'orne d'un sourire hypocrite. Ma mère les salue et je balbutie quelque chose à mon tour, avant d'être assourdie par un bourdonnement irritant. Pendant un court instant, ma vue se trouble et leurs paroles me paraissent lointaines. Jusqu'à ce que la main froide d'une des femmes me soulève la tête, rapportant mon esprit dans la réalité. Prise de panique, je recule, avant que la main de ma mère dans mon dos me rappelle à l'ordre.

Feathers of RivalryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant