30 - Héléna: la vengeance de Sidek

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            Héléna était au travail à 8h30, quand la porte s'ouvrit pour laisser le passage à Gabriel.

     — Oh ! fit Héléna avec surprise.

     Elle mima une crise cardiaque, la main sur son cœur.  Gabriel la regarda avec une grimace.

     — Bon, ça va, je sais que je ne suis jamais en avance.

     — Qu'est-ce qui t'est arrivé ce matin ?

     — Je ne sais pas. Je suis réveillé depuis plusieurs heures, alors je suis venu. C'est bizarre, ça ne m'arrive jamais...

     Gabriel s'assit à son bureau et conclut:

     — Donc je crois que ça va être une journée exceptionnelle.

     Ils se mirent chacun à leur travail de saisie, tout en bavardant sur leurs prochaines vacances. Allaient-ils retourner en France ou voyager en Asie ? Héléna aurait bien voulu voyager, mais elle savait qu'elle ne pouvait pas aller partout seule.

     — Si tu choisis Singapour ou Hong Kong, tu n'auras aucun problème, disait Gabriel.

     Ce fut à cet instant que les premières détonations retentirent.

     "Des coups de feu", se dit Héléna instantanément. Puis une pensée étrange : « ça fait le même bruit que dans les films ».

     Gabriel et elle se levèrent et coururent à la fenêtre. Ils s'attendaient à voir un tireur dans la rue, peut-être un règlement de compte qui se tenait par hasard devant l'ambassade, ce qui était déjà extraordinaire tant le pays était calme d'ordinaire...

     Ce qu'ils virent les pétrifia : plusieurs tireurs, en noir, encagoulés, se tenaient les uns à côté des autres et tiraient en direction de l'ambassade. La rue était déserte, le garde à l'entrée avait disparu. Héléna espérait qu'il avait pu se mettre à l'abri et qu'il n'avait pas été touché.

     Une alarme retentit dans toute l'ambassade.

     Héléna et Gabriel se levèrent et sortirent dans le couloir. Les autres employés se ruaient vers les escaliers pour descendre.

     — Je ne suis pas sûr..., commença Gabriel.

    Hugo jaillit de son bureau.

     — Stop ! cria-t-il.

     Les employés s'arrêtèrent.

     — Pas au rez-de-chaussée ! dit-il d'une voix forte. L'ambassade essuie des tirs. Tout le monde reste dans les étages et s'éloigne des fenêtres.

     Il y eut un flottement. Les employés hésitaient, mais la plupart obéit, ce qui entraîna les autres. Hugo vit Héléna et marcha jusqu'à elle.

     — Restez à l'étage, mais allez dans une pièce qui donne de l'autre côté. Je reviendrai vous voir.

     — Est-ce que je peux faire quelque chose ? interrogea-t-elle.

     — Pas là, dit-il laconiquement, mais avec un sourire.

     Héléna et Gabriel rentrèrent dans le bureau d'en face, vide, et s'assirent.

     — Mon Dieu, mais qu'est-ce qui se passe ? murmura Héléna.

     — J'aimerais le savoir. J'espère que Léo et Thibaut sont à l'abri.

     C'était l'heure à laquelle ils arrivaient d'ordinaire. Ils auraient pu se trouver dans la rue ou même à l'entrée du bâtiment. Héléna, horrifiée, envoya un texto à Léo, lui disant de se tenir loin de l'ambassade aujourd'hui. Gabriel fit de même pour Thibaut et Sophie.

     L'alarme ne sonnait plus. Les coups de feu avaient cessé également. Gabriel dit à Héléna de rester et il alla voir à la fenêtre donnant sur la rue.

     — Il n'y a plus personne ! lança-t-il.

     Héléna se leva et s'apprêtait à le rejoindre quand elle l'entendit crier :

     — Non, en voilà d'autres !

     Gabriel revint vers elle au moment où de nouvelles salves éclataient.

     — Mais c'est dingue ! Qu'est-ce qu'ils veulent ? dit-il, avec des intonations de panique cette fois.

     — Pourquoi il n'y a pas de police sur place ?

     — La police ici n'est pas formée à l'antiterrorisme, soupira Gabriel. Cela ne leur est jamais arrivé. Les policiers doivent se planquer, comme les habitants.

     — C'est un groupe terroriste, tu crois ? Al Qaida ?

     — Peut-être. Ou alors les cartels de drogue. Ils ont les moyens et les armes pour une action pareille. 

     Héléna se rappela en effet des actions de ce genre en Colombie et au Mexique. Mais pas en Asie. Elle qui avait dit à ses parents que l'extrême-orient était plus paisible que ces affectations précédentes...

     — Mais je ne comprends pas pourquoi ils cibleraient l'ambassade de France, poursuivit Gabriel avec perplexité.

     Héléna se dit qu'elle avait une petite idée sur la question mais garda le silence.

     Les salves durèrent plusieurs minutes avant de disparaître enfin. Au moment où Héléna et Gabriel allaient se lever, une déflagration colossale se produisit, très proche d'eux. Tout le bâtiment trembla et les vitres explosèrent. Héléna cria et se protégea le visage.

     Ils entendirent d'autres cris et un vent de panique souffla sur l'ambassade. Il y eut des bruits de course dans les couloirs, des exclamations croisées. Héléna et Gabriel sortirent dans le couloir. Fallait-il quitter le bâtiment ? Allait-il s'effondrer ? Alors qu'Héléna hésitait, elle vit avec soulagement Hugo revenir vers elle. Il était très pâle mais parfaitement calme.

     — Ils ont lancé des explosifs sur l'ambassade. Mais ils sont partis. Restez à l'intérieur, tous les deux.

     — Pas de police ? demanda Héléna d'une petite voix.

     — Elle est en route, l'armée aussi.

     — Quelle armée ? persifla Gabriel.

     Hugo eut un demi-sourire.

     — Ils ont demandé des renforts à la Thaïlande. Cela va prendre un peu de temps. En attendant, personne ne sort.

     — Le bâtiment ne risque pas de s'écrouler ? demanda Héléna, en espérant avoir l'air moins terrifié qu'elle ne l'était.

     — On fait le tour pour vérifier, assura Hugo en contractant le visage. Mais il faut rester à l'abri. Ils sont sûrement à l'affût quelque part pour tirer.

     — Qui a fait ça ? interrogea Gabriel, les sourcils froncés.

     — Pas de revendication pour le moment.

     Il regarda brièvement Héléna. Il soupçonnait bien les cartels, et donc Sidek, d'être derrière cette attaque.

     — Et vos camarades, Bertrand et Déon ? demanda Hugo.

     — Ils sont à l'abri hors de l'ambassade, répondit Héléna.

     — Parfait. Restez là, ne bougez pas. Je reviendrai vous voir. Courage.

     — Merci, monsieur Fohl, lança Gabriel à Hugo qui s'éloignait.

     Héléna alla s'asseoir. De son portable, elle envoya un texto à ses parents : « attaque en cours à la capitale. je vais bien. ne m'appelez pas. je vous contacte plus tard. »

     — Bonne idée, dit Gabriel. La télé va sûrement en parler. Je vais faire comme toi.

     La journée allait être longue.

Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant