PARTIE I
Septembre
Je cogne sur l'œil du mec. Il gémit de douleur et en retour, me donne un coup dans la pommette. Sonné, je fais quelques pas sur moi-même avant de tomber par terre sur les fesses. Aïe. Le mec en profite pour me maintenir au sol et me refaire le portrait à coup de gants de boxe.
Lorsque l'entraîneur nous sépare, on est haletants tous les deux et, surmontant mon tournis, je me lève pour féliciter mon pote. C'est bien la première fois qu'il me bat. Après tout, il s'est entraîné dur et la moindre des choses c'est que je le félicite.
Cela fait quelques années maintenant que je pratique la boxe. Au début, c'était uniquement pour me donner une excuse à tous ces bleus et yeux au beurre-noir que je ramenais à la maison. Je n'avais pas besoin de décevoir mes parents adoptifs encore une fois. Mais maintenant, j'ai pris un réel goût à la boxe. Quand je boxe quelqu'un qui me frappe en retour sans aucune animosité contre moi, ça me permet de me libérer et de penser à autre chose. De me sentir fort.
Je n'ai jamais été trimballé de famille d'accueil en famille d'accueil. Je n'ai jamais cherché à les faire tourner en bourrique. Tout ce que je veux, c'est qu'ils m'aiment et que Clara aussi. Clara est leur deuxième fille adoptive. Elle n'a que douze ans – six ans de moins que moi – alors obligatoirement, je me sens obligé de la protéger.
Ramassant mon dentier qui est tombé lors du combat, je me relève et me dirige vers les vestiaires. Je ne prends pas ma douche ici, je préfère le faire chez moi au calme. Saluant mes potes et mon entraîneur, je remets vite fait mon sweat par-dessus ma peau transpirante et file chez moi. Comme je m'y attendais, quand j'arrive, ma mère pousse un cri d'effroi en voyant mon visage tuméfié.
- Mon Dieu. Dis-moi pourquoi j'ai accepté que tu fasses de la boxe...
- Ne t'en fais pas Karine. C'est juste Max qui m'a enfin battu.
Je n'arrive pas encore à appeler Karine autrement que par son prénom. Je sais, ça fait dix ans que je vis avec elle et Roger mais je n'ai pas encore pu passer le cap alors que je les considère plus de ma famille que mon propre père – sûrement parce que je ne l'ai jamais connu.
- Oui ben... Je préfère quand tu gagnes tes combats, plaisante-t-elle à moitié.
Avec un sourire poli, je m'écarte et me dirige vers ma chambre pour prendre un pyjama – un simple pantalon de jogging noir avec un tee-shirt blanc. Quand je sors, Clara remarque que mes habits sont dans mes bras et se moque de moi :
- Tu es au courant que ça existe, les choses faites exprès pour dormir ? On appelle ça des py-ja-mas.
Elle articule exagérément les syllabes.
- Ouais, mais moi je fais exprès pour t'embêter, je la charrie.
En passant, je frictionne ses cheveux et elle rit en se soustrayant à ma poigne.
Ensuite, je m'enferme dans la salle de bains pour m'enlever cette odeur de chacal du corps. C'est une des choses que j'aime le moins dans le sport : le fait de transpirer. Une fois ma douche prise, je me sèche les cheveux et redescend car Karine vient de m'appeler pour le dîner.
Pendant le repas, nous avons une tradition : chacun, tour à tour, raconte ce qu'il s'est passé pendant sa journée. C'est toujours Clara qui commence car c'est elle qui a initié cette tradition, ensuite c'est moi, puis Karine, puis Roger.
- Alors aujourd'hui... commence Clara qui a fait sa rentrée en 5e il y a une semaine. J'ai eu un premier contrôle, en histoire-géo et je pense qu'il s'est bien passé. Je me suis aussi fait une copine qui n'était pas dans ma classe l'année dernière.
C'est à mon tour.
- Comme j'ai fini tôt, je suis allé plus tôt à l'entraînement. Max a enfin gagné contre moi, j'étais sûr qu'il allait finir par le faire.
Et la soirée continue comme ça. Vers 10 heures, je me lève du canapé où nous nous étions tous installés pour regarder L'Incroyable famille Kardashian – je plaisante, rien à foutre de ces conneries, on regardait les séries qui passaient.****
Le lendemain matin, lorsque mon réveil sonne, je grogne. Après deux mois de vacances et bien que ça fasse déjà une semaine que les cours ont repris, j'ai perdu l'habitude des réveils aussi tôt.
Quand j'arrive au lycée – je ne prends pas de petit-déjeuner, il faudrait se lever trop tôt sinon –, c'est la cohue. Je contourne donc les gens en rasant les murs pour arriver devant la salle de philo. Bien sûr, quand la cloche sonne, je laisse les autres entrer d'abord pour ne pas avoir l'air trop pressé d'aller en cours, mais quand je rentre, je regrette ma décision. Il ne reste que des places au premier rang, ou bien une au dernier mais à côté d'une brune que je ne connais pas.
Bon... Je n'ai pas trop le choix. En rehaussant mon sac sur mon épaule gauche, je me dirige vers la place du fond. En y regardant de plus près, ma voisine n'est pas si moche que ça... Si j'étais gentil, je dirais même qu'elle est carrément belle.
Un examen approfondi me révèle qu'elle a des cheveux brun foncé ondulés, des yeux marrons profonds ainsi que de fines lèvres. Cependant, elle s'habille dans des fringues un peu grandes pour elle, ce qui ne me permet pas de regarder son physique. Elle doit avoir une plastique de rêve, obligé avec un visage pareil. En y réfléchissant bien, je trouve qu'elle a un petit air de Gal Gadot.
Mais je ne suis pas gentil.
Je ne dois pas être gentil.
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Romance"La vérité, c'est que je suis tombée amoureuse de toi, et j'appréhende ça, mais j'ai aussi envie d'essayer. D'essayer de t'aimer." L'amour ne frappe pas toujours là où s'y attend, Tristan et Emma s'en sont rendu bien compte. Mais l'amour peut aussi...