6 - Emma

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Octobre

   Je crois qu'en à peu près un mois, nous sommes passés de "connaissances" à "potes" à "amis", avec Tristan. Quand il n'est pas avec ses autres potes, c'est-à-dire la moitié du temps scolaire, il est avec moi – l'autre moitié du temps. Nous ne nous sommes jamais vus en-dehors du lycée et pas beaucoup sans la présence d'Ayla, mais ça me convient ; je n'ai pas envie que les choses deviennent bizarres. Quand il est avec Ayla et moi, c'est vraiment une toute autre personne qu'avec Max, Marius (aka Veger, il trouve sûrement ça stylé de se faire appeler par son nom de famille alors que je trouve ça juste pitoyable), Justine et la bande.
   Justine est vraiment une pimbêche. Je crois qu'elle a des vues sur Max et sur Tristan, c'est trop bizarre. Comment on peut être sur deux mecs en même temps ? Deux réponses : 1) on ne peut pas, 2) on ne peut pas. Sans rire, ce n'est pas de l'amour dans ce cas, c'est de l'amitié. Ou elle a juste envie de se faire sauter, je sais pas.
   Bref.

****

   J'arrive au lycée un petit peu en retard, j'ai dû m'occuper de ma mère car mon père est en déplacement. Je souris quand je vois que Tristan a posé son sac sur ma chaise, sac que je balance par terre sans ménagement pour m'asseoir, parce que c'est ma place, quand même. Je sens son regard glisser sur moi. Aujourd'hui, j'ai mis un joli jean flare marron taille basse et un chemisier blanc qui fait ressortir ma poitrine. Pareil pour le jean, on voit bien mes cuisses.
   Je ne suis pas complexée, au contraire j'aime mon corps et ses petites imperfections, mais là je me sens un peu gênée par son regard que je sens s'attarder un peu trop longtemps à mon goût sur mes courbes.
   Il se penche vers moi pour me murmurer à l'oreille :
- Tu es jolie, aujourd'hui. Enfin... pas que tu ne le sois pas les autres jours. Mais ça te va bien de ne pas te cacher derrière des vêtements informes pour ne pas trop attirer l'attention.
   Il a remarqué ? C'est bien le seul.
- Merci, je réponds.
   Tristan enchaîne sur un autre sujet :
- Mon amie Justine va fêter ses 17 ans cette semaine et elle fait une soirée pour ça. On a le droit d'inviter une personne, histoire qu'il y ait le plus de monde possible et pour faire de nouvelles connaissances. Tu voudrais bien venir ?
   Ça me flatte qu'il ait pensé à moi, mais je lui ai déjà dit que je ne supportais pas Justine. C'est pour ça que je lui réponds :
- Je ne sais pas trop... Tu sais que je ne suis pas très fan de Justine.
- Tu ne l'as jamais rencontrée vraiment, argumente-t-il. Ce sera l'occasion de voir si ton regard a changé ou pas.
   Voyant que je suis toujours sceptique, il ajoute :
- Allez... S'il te plaît. De toute façon, tu n'es pas obligée de rester jusqu'à pas d'heure ou d'aller sociabiliser avec d'autres gens que tu ne veux pas voir. C'est une soirée entre potes, et tu pourras t'amuser avec moi. Et je te promets que je n'essaierai pas de te forcer à rester si jamais tu veux partir.
   J'abdique. Quand il me fait son sourire, là, il est beaucoup trop mignon et bien différent du Tristan sarcastique, violent et boudeur de certains jours.
- OK.
- Yes ! Merci Emma !
   Il finit en me donnant le jour, l'adresse, et l'heure où tout le monde devrait arriver.

****

   C'est comme ça que trois jours plus tard, je me retrouve à faire du shopping. Je déteste ça. Perte de temps – et d'argent – inutile. Mais comme je n'ai aucune robe de soirée - OK, aucune robe tout court -, je suis bien obligée de m'y plier. Je rentre dans un magasin au hasard et attrape une longue robe fendue rose pâle que j'essaie.
   Ça me va bien... Mais je manque de m'étrangler en regardant le prix. C'est carrément abusé pour un carré de tissu cousu ! Je finis par l'acheter, uniquement parce que je n'ai pas le choix. La soirée étant ce soir, je n'ai pas le temps de me la coudre moi-même. En partant du principe que je sache coudre.

****

   Avant de partir, je me suis assurée que ma mère n'avait besoin de rien et lui ait fait promettre de garder son téléphone collé dans sa main pour m'appeler au cas-où elle ait besoin.
   La maison de Justine Ingalls n'est pas très loin de chez moi, je n'aurai pas à trop marcher, même si ne n'ai pas mis de talons - ne poussons pas le bouchon trop loin non plus, je veux bien faire des efforts mais il y a une limite.
   Une fois arrivée, je remarque que la musique est déjà en route et qu'on entend du bruit, mais qu'il n'y a pas l'air d'avoir trop de monde. C'est déjà ça.
   Je sonne à la porte et c'est une Justine souriante qui vient m'ouvrir. Elle a lissé son carré roux et mis une minirobe jaune moulante qui fait ressortir la courbure de son visage ainsi que ses cheveux flamboyants. Ses yeux sont rehaussés d'un trait d'eye-liner bien plus stylé que tout ce que je ne pourrais jamais faire et de fard à paupières doré. Ça lui va bien.
- Emma ! Tristan m'a prévenue que tu devais venir, entre, on t'attendait ! Ta robe est ravissante !
   Il y a trop de points d'exclamation dans ses phrases. C'est louche. Néanmoins, je me rappelle ma promesse faite à Tristan et lui sourit pour la remercier. Je la suis pour rentrer et détaille sa maison : elle n'est pas trop imposante mais a du cachet, on sent que ses parents ont de l'argent sans que cela ne se voie trop non plus. Les meubles sont en bois massif et l'escalier au fond du salon en marbre.
   D'un coup, je vois Tristan marcher vers moi, son téléphone à la main.
- Salut. J'allais t'appeler, me dit-il. J'ai cru que t'allais pas venir, finalement.
- Non, non... Quand je dis quelque chose, généralement je m'y tiens.
- Allez, viens, renchérit Justine. On allait faire quelques petits jeux ensemble.

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