Chapitre 49

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2 janvier 1787

Nous voilà partis, direction Avignon, où, de cet endroit, nous pourrions reprendre un autre convois, chacun vers sa destination.

Un caniche aux poils blancs, couleur d'origine du chien puisqu'en cet instant des touches de terre et de gris ensevelissaient sa toison, dormait tranquillement à mes pieds. Son maître, un homme fort, disposant d'une grosse barbe et d'un visage bourru, sifflait dans son sommeil, face à moi. Quant à sa femme, une dame aux traits tirés et aux lèvres fines, s'activait sur une broderie.

2femmes étaient entrées à notre suite, un garçonnet de 4 ans dans les bras. L'une plus âgée que l'autre, une mère et sa fille probablement.

Il restait encore assez de place pour 2 autres personnes, mais la calèche s'était ébranlée et lancée dans les rues de Paris bien avant de se poser la question sur la potentialité d'autres voyageurs. Peut-être était-ce prévu pour un autre arrêt ?

- Maman ?

- Oui, chéri, répondit la jeune femme d'une voix somnolente.

- Pourquoi la dame elle est caché ? chuchota-t-il un peu trop fort en me montrant du doigt.

J'avais en effet rabattu au plus possible ma cape, espérant ne pas être remarquée, faisant comme si je dormais. En réalité, j'étais incapable de me reposer. Julian n'avait pas daigné m'adresser d'autres paroles que les quelconques informations de notre trajet de nuit. Soit dit en passant, les seuls arrêts que nous ferions seraient ceux des repas puisque 2 cochers se relayaient pour la route.

- Tu vois bien qu'elle dort, mon ange. Et maintenant dors aussi au lieu de te poser trop de questions, sinon ta tête va partir en fumée.

- Mais non, se mit-il à rire. C'est pas vrai.

De ces éclats, l'homme barbu se réveilla dans un sursaut où sa femme le rassura et il se rendormi bien vite.


Au petit matin, nous fûmes éveillés par les aboiements stridents du chien et les éclats de rire de la petite tête blonde qui s'amusait à lui faire tenir une balle sur son museau.

La journée dans la calèche était longue, personne ne parlait et j'avais oublié de prendre mon livre dans mes affaires avant que tout soit harnaché sur le toit.

- Julian, nous ne devrions peut-être pas rentrer tout de suite à Génovia ? supposai-je d'une voix presque inaudible au moment du repas du midi.

Il reposa sa cuillère dans le bol de soupe de légumes et me regarda d'un air grave.

- Pourquoi cela ?

- Écoute, j'ai réfléchi à cette situation et je me suis dit que j'aurais pu en discuter avec le préfet de Gap. Lors de notre rencontre, le roi Nicolas nous avait ris au nez quant à notre solution apportée. Voir si quelque chose à été fait ou si des procédures sont mises en place et sinon pourquoi pas... l'aider.

Il me fixa froidement, cherchant certainement le fond de ma pensée, puis regarda le fond de la salle.

- Ton objectif est donc d'aller face au danger. Nous savons que les anti-royalistes sont probablement originaire de cette région et toi tu te rendrais tête baissée dedans. Qu'est-ce que tu ne comprends pas quand ton père te dit de rester discrète et de ne pas aller face aux problèmes et de t'éloigner le temps de calmer le terrain ?

- Je... commençais-je un peu fort et agacée. Je comprends tout à fait mais à un moment, Père étant malade et fatigué, il va falloir que je prenne les commandes. Et je compte bien lui prouver que je suis capable de m'en sortir. Ces gens ne pouvant obtenir ce qu'ils souhaitaient auprès de la France, sont venus faire pression chez nous. Petit à petit, cette révolte prend de l'ampleur dans tout le pays. Les journaux de Paris en parle, tu l'as vu toi-même ! Ça veut dire que le problème n'est toujours pas enrayé, il se développe. Alors si je pouvais convaincre le préfet de Gap d'entamer des négociations avec les habitants de sa province, en essayant de calquer sur notre système, celles-ci seraient peut-être adoptés et calmeraient les citoyens.

Je vis son regard changer, passant du questionnement au doute. Il finit sa soupe et me regarda de nouveau, plus calme.

- Ça peut certainement être une bonne idée, en revanche je ne la cautionne en aucune façon. Je te suivrais puisque, de toute manière, je dois t'obéir.

- Julian, ne le vois pas comme ça... Après... après ce qu'il s'est passé entre nous, tu ne peux pas dire une chose pareil.

- Pourtant tu paraissais tellement sûre que ce que nous avions fait n'aurait aucune incidence sur la suite de notre relation ! accusa-t-il.

- Julian... tu sais très bien que ce n'est pas ce que je voulais dire...


Suite à notre trajet de deux jours, nous prîmes la correspondance pour Gap, où nous retrouvâmes les deux femmes et le petit blondinet.

- Oh regarde, maman ! C'est la jolie dame qui était avec nous tout à l'heure ! s'exclama-t-il gaiement en entrant dans la calèche, bien plus petite que la précédente celle-ci.

- Oui, c'est vrai, Arthur.

- Grand-mère ! Grand-mère ! Je peux me mettre au fond ?

La femme entre deux âges hocha vigoureusement la tête avec un grand sourire, et d'un grand élan, l'enfant se jeta sur le siège face à moi.

- Madaaame ? Pourquoi vous gardez tout le temps votre capuche alors qu'il pleut pas ?

La sincérité enfantine. Tout ce qui sortait de la bouche des tous petits était généralement fondé sur leur totale ignorance du monde et, tout à la fois, une très grande vérité. Ainsi donc, je portais mes mains sur ma fourrure que je fis glisser dans mon dos, laissant apparaître mes cheveux et, plus nettement, mon visage.

- Ceci te convient-il mieux jeune homme ? souriais-je.

- Vous êtes jolie. C'est quoi votre nom ? Moi, c'est Arthur, comme le grand roi Arthur de Bretagne. Mamie a dit que si je m'entraînais bien, je pourrais devenir un grand chevalier moi aussi.

- Enchantée, preux chevalier. Moi, c'est Annie. Et lui, c'est mon compagnon de voyage Julian.

Il nous posa un tas de questions sur notre destination, pourquoi, et ce qu'on faisait (ce à quoi nous avons menti, bien évidemment). Il s'endormit comme une masse au milieu de la nuit suivit de près par sa grand-mère, puis plus personne.


L'arrivée à Gap se fit dans le milieu d'après-midi. Si nous étions rentrés comme prévu à Génovia, nous serions déjà chez nous depuis le matin-même. Mais bien déterminée à parlementer avec Monsieur Witlock, nous nous mîmes en marche pour la mairie.

Quelle fut pas ma surprise quand, à l'entrée du bâtiment, on nous dit que ce monsieur était déjà parti et qu'il ne reviendrait pas avant demain matin. Mon entrain disparu aussitôt.

- Il n'y a qu'un seul hôtel ici, nous y sommes déjà allés et nous sommes bien plus proches de la Génovie, ils vont forcément te reconnaître.

- Nous n'avons pas bien le choix, Julian.

- Nous ne pouvons pas demander l'hospitalité à ce préfet.

- Je ne connais pas son adresse.

- Toi, non. Mais ces gens de l'administration doivent bien la connaître.

Nous revînmes sur nos pas et posâmes la question à l'intendant qui s'apprêtait à fermer les portes de la mairie à clé pour la soirée.

- Madame, vous comprendrez que je ne peux décemment pas vous fournir l'adresse de cet homme. Il ne souhaite pas être dérangé lorsqu'il rentre chez lui.

- Je comprends tout à fait mais...

Je défis la capuche sur ma tête et me présenta :

- ...je suis la princesse Anne-Lise Renaldo de Génovie, et en ces conditions, je souhaite lui demander l'hospitalité pour la nuit à venir et peut-être pourrais-je discuter affaires avec lui. Des problèmes importants impactes notre pays autant que le vôtre, et cela, je le crains, se concentre essentiellement parmi les habitants de cette région.

Il me regarda avec de grands yeux, sa clé toujours à la main.

- En ces conditions, je vais vous y conduire, princesse.

Pour l'amour de ma GénovieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant