Chapitre 37

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20 décembre 1786

Quelqu'un frappa à la porte de ma chambre, on était un peu avant midi et je me doutais qu'on venait me chercher pour manger. Je ne m'étais levée que tard dans la matinée et, dans ces conditions, j'avais demandé mon petit déjeuner dans la chambre. Madeleine avait ensuite tenu à m'habiller et me coiffer.
- Entrez ! criai-je de derrière le paravent.
- Mademoiselle, vous n'êtes pas prête à recevoir, me gronda-t-elle en me laçant le corset.
- Je ne crains rien d'ici.
J'avançai au bord de la cloison amovible pour jeter un œil au nouvel arrivant :
- Bonjour, Julian.
- Bonjour. Je dérange ?
- Je finis d'habiller Mademoiselle, je dois ensuite la coiffer et je...
- Une simple tresse suffira, la coupai-je en enfilant une longue robe de velours. Ta chambre te convient ?
- Je n'aurais jamais pensé qu'une chambre pouvait être aussi grande, mais c'est confortable.
- Vous êtes intenable, Mademoiselle, me chuchota la femme de chambre alors que je me déplaçais.
Je sortis du couvert du paravent alors qu'elle tentait d'arranger les plis des manches bouffantes. Je pris rapidement un ruban sur la coiffeuse au plan de marbre rose et me dirigeai dans le couloir.
- Ton valet de chambre ? m'enquis-je auprès de mon garde du corps.
- Envahissant.
- Contente qu'il n'y est pas que ma femme de chambre. Elle m'a bien trop serré ! constatai-je pour moi-même en arrivant au bout du couloir, à bout de souffle.
J'essayai vainement de me tresser les cheveux dans le dos mais marcher et parler en même temps m'essoufflait. Le ruban enfin noué, nous reprîmes notre marche jusqu'à la salle à manger. Les chambres des deux hommes ne se trouvaient qu'à quelques pas de la mienne, mais une fois dans les autres couloirs, Julian était un peu perdu.
Une fois à table, nous commençâmes à manger sans le roi, qui avait apparemment une affaire urgente à régler. Mais, le repas terminé, je devais me rendre dans son bureau pour que nous y discutions.
Ce que je fis sans tarder, demandant mon chemin à un valet car je ne savais pas où trouver la pièce.
- Et bien, Anne-Lise, tu ne m'attends pas ? s'exclama Timothée.
- Je ne savais pas que tu étais convié à la discussion.
- C'est ici, précisa-t-il devant la porte.
Il frappa et le grand homme à la barbe blanchissante vint ouvrir en personne. Il nous fit entrer et nous nous installâmes dans la large banquette présente devant la cheminée, allumée pour chasser le froid hivernal pénétrant par la fenêtre. Le cabinet était trois fois plus grand que celui de mon père. Il y avait des étagères remplies de bibelots, livres et encyclopédies. Le bureau par lui-même était une œuvre de bois sculptée et où le roi s'asseyait dos à la lumière du jour. Des dossiers s'empilaient à l'arrière, sur de petites commodes peintes. Tout y était chaleureux, pour se sentir à son aise. Au dessus de la cheminée se dressait un tableau de la famille : le roi, se tenant derrière un fauteuil, où était assise la reine, qui, elle, berçait dans ses bras un garçonnet d'un an environ.
Je baissai les yeux de ma contemplation et écoutai le roi.
- J'ai réfléchis à l'affaire dont vous m'avez faite part. La solution serait pour vous d'envisager, peut-être, un mariage de convenance. Je connais de très bons partis qui seraient ravis de vous épauler, en toute honnêteté. Vous êtes largement en âge de vous marier et de fonder une famille, ce qui rassurerait sûrement votre pays et éviterait une catastrophe.
Je n'arrivais pas le croire ! Comment pouvait-il me dire une chose pareille alors que son propre fils n'arrivait déjà pas à se poser et trouver quelqu'un ? Je répondis calmement malgré tout ce que j'avais à lui dire :
- Excusez-moi mais, comme je vous l'avez précisé, les attaques ne m'étaient pas destinée entièrement. C'est la monarchie qu'ils visent.
- Alors quel est le plan qui a été instauré, dans ce cas ? intervint le prince.
- La police recherche activement à travers le pays et les territoires alentours, ce qui comprend vos terres bordant notre frontière, les anti-monarchistes. Quelques uns ont été identifiés, mais qu'une toute petite partie malheureusement. Notre frontière est actuellement surveillée, quiconque souhaiterait sortir sera contrôlé et répertorié, en cas de fuite. Chaque réseau, opération clandestine, sortie de groupe ou réunion secrète sera guettée. Mon père avisera par la suite comment régler tout ceci.
- Le mieux serait de montrer votre supériorité en guillotinant les premières têtes du groupe. Cela refroidit toujours tout le monde ensuite.
- Ce n'est pas une pratique que nous apprécions particulièrement... Mais il est vrai que Père l'a suggéré.
- Bien, bien. Sachez que j'accorderai à mes hommes la collaboration avec vos équipes. J'enverrai un courrier dès ce soir aux préfets du Sud.
- Je vous en remercie sincèrement.
Il me tardait de terminer cette conversation et de pouvoir rejoindre ma chambre pour retirer mon corset. J'avais presque rien mangé tellement il me comprimait la poitrine et le ventre. Timothée proposa de me raccompagner jusqu'à l'aile ouest.
- Je me disais que nous aurions pu aller faire un tour dans Paris, demain. Rien que tous les deux... Je peux très bien veiller sur toi et te secourir, tu sais.
- Je regrette mais Père ne veut pas que je sorte d'ici sans Julian. Enfin, mon garde du corps, me repris-je rapidement.
- Soit. Que penses-tu de 10 heures ?
- Je serais prête.
Je voulus prévenir de suite après mon protecteur, le cherchant dans sa chambre, demandant à une servante où le trouver. Personne ne pu me répondre.
De plus, je n'arrivais pas, seule, à retirer mon outil de torture. J'attendrais le soir pour le retirer, continuant à souffrir jusque là. Je remis donc ma robe, enfilai ma cape chaude, et sortis dans les jardins.
C'est au détour d'une fontaine gelée que je l'aperçus, discutant avec un valet. Ce dernier s'éclipsa en me voyant arriver, nous laissant seuls près d'un kiosque blanc-neige. Je lui reportais la proposition de Timothée. Au lieu de répondre, il me rappela à l'ordre :
- Si tu es ici, ce n'est pas pour aller vagabonder n'importe où. Même sous un masque, tu peux être repéré. Mais si le choix du prince est de t'en faire courir le risque, je ne l'en empêcherais pas. Et puis, ce ne serait pas la première fois que tu ne m'écouterais pas.
Je le sentais agacé. Je comprenais très bien où il voulait en venir, mais je ne savais trop quoi répondre à cela.
- Julian... hésitai-je. Ce sera la seule sortie que je ferais. Promis.
L'atmosphère qui régnait entre nous aurait presque pu me délier la langue. J'aurais pu lui dire combien il comptait pour moi. Mais je voulais d'abord savoir si c'était réciproque, peut-être dans un moment moins sous tension. Un meilleur moment où nous pourrions discuter exclusivement de cela, sans interruption soudaine.

Pour l'amour de ma GénovieOù les histoires vivent. Découvrez maintenant