La police locale était arrivée à proximité de l'ambassade, plus d'une heure après l'explosion. Elle avait essuyé des tirs depuis les toits et s'était repliée. La menace restait présente, bien qu'invisible.
L'ambassadeur Blanchard, après de longs moments au téléphone, était enfin sorti de son bureau. Il fit le tour des étages pour tranquilliser les employés, bien qu'il ne fût pas très rassuré lui-même
Hugo avait activé ses contacts pour savoir ce qui se passait à l'extérieur. Le colonel Ravel, que Hugo avait contacté tout de suite, lui avait dit : « Je vous rappelle dès que j'ai du nouveau ». Il n'avait pas encore rappelé. L'électricité avait été coupée, ainsi que les relais internet. Il ne restait que la 4G locale, qui était assez aléatoire. Du travail de professionnel. Lebrun, un des agents locaux, avait confirmé au téléphone les soupçons de Hugo : la rumeur disait qu'il s'agissait d'une action des cartels. Sidek était sûrement en rage de voir la vérité dans la presse et il savait pertinemment d'où venaient les révélations. Il avait ordonné cette action aussi folle que spectaculaire. Cela démontrait l'autorité qu'il avait sur tout le cartel.
Les heures passaient. Blanchard ordonna qu'on regroupe toutes les bouteilles d'eau et toute la nourriture, et qu'il y ait une distribution pour les employés. L'armée thaïlandaise était en route. Leur confinement ne durerait pas trop longtemps, assurait l'ambassadeur.
— Quels sont les ordres de Paris ? s'enquit Hugo lorsqu'il vit Blanchard.
— D'attendre, soupira Blanchard avec fatalisme. Orsay se coordonne avec la DGSE avant de nous dire quoi faire.
— Il y a des victimes ?
— Monsieur Tellier, le garde à l'entrée. Il a été pris par surprise. Paix à son âme. Il y a quelques blessés parmi des employés qui se trouvaient sur les marches de devant, mais rien de fatal.
— Il faut les évacuer vers un hôpital, dit Hugo en fronçant les sourcils. Les blessures par balles sont sérieuses.
— Je le sais, Fohl ! Mais on doit attendre !
La voix de l'ambassadeur montait dans les aigus. Son calme n'était qu'une façade.
Hugo n'insista pas et repartit. Il repassa voir ses deux coopérants et eut un coup au cœur en constatant qu'ils n'étaient plus dans le service. Il les retrouva avec d'autres employés. Héléna réconfortait les employées plus âgées qui semblaient terrorisées.
Elle avait vraiment du cran. Et c'était lui, Hugo, qui l'avait mise dans cette situation en raison de sa mission. Si elle était blessée avant la fin, il ne se le pardonnerait jamais.
Le colonel Ravel finit par le contacter.
— On va évacuer les personnels sensibles par hélicoptère depuis le toit de l'ambassade, annonça-t-il.
— Ce n'est pas risqué ?
— C'est moins risqué que d'attendre, rétorqua la voix de Ravel. Nos renseignements disent qu'il devrait y avoir une deuxième vague d'assaut dans les heures qui viennent. Je ne suis pas convaincu que les Thaïlandais seront là avant. La police doit nettoyer les toits autour de vous pour éviter les tirs de snipers.
— Elle le fera ? dit Hugo d'un air de doute.
— Elle sera épaulée par nos propres agents, donc elle n'aura pas le choix. Quand ce sera fait, deux hélicos vont venir à tour de rôle. Par chance, le toit est plat. On va évacuer d'abord l'ambassadeur et ses deux secrétaires particuliers. Deuxième et dernier hélico : on évacue les chefs des départements. Vous aussi. Vous prenez avec vous les dossiers confidentiels. C'est clair ?
— Et les autres employés ? Les femmes ? protesta Hugo.
— Ce n'est pas prioritaire. Le personnel sera évacué quand l'armée sera là.
— Mais s'il y a une autre attaque avant ?
— Je répète, on évacue le personnel sensible d'abord. Vous n'êtes pas là pour discuter les ordres, mais pour obéir. Qu'est-ce qui vous prend, ces jours-ci ?
Si Hugo trouvait à redire aux ordres, ce ne fut pas le cas de l'ambassadeur qui se réjouit et prépara son évacuation. Hugo s'abstint de lui rappeler que lors du coup d'Etat au Soudan, l'ambassadeur avait choisi d'être évacué en dernier, après tout le personnel. Tout le monde n'avait pas l'héroïsme du capitaine du Titanic.
Hugo regagna son bureau. Il regroupa ses dossiers et s'arrêta, en pleine réflexion. Que devait-il faire ? Puis, sa décision prise, il tria drastiquement les plus urgents, les cala sous son bras et sortit.
Le bruit d'un hélicoptère se fit entendre. Blanchard et les chefs de département se réunirent dans le couloir du dernier étage.
— Premier hélico, ici à droite, dit le chef de la sécurité qui prenait l'organisation en main. Pour le deuxième hélico, vous restez à gauche du couloir. Fohl, où allez-vous ?
— Je reviens, dit Hugo.
Il descendit d'un étage et alla rejoindre Héléna.
— Venez, je dois vous parler, ordonna-t-il.
La jeune fille lui emboîta le pas, alors qu'il marchait rapidement le long du couloir. Il lui tendit un dossier.
— Voici le bilan des actions de l'année en cours. Prenez-le.
Héléna obéit, mais son visage reflétait la perplexité.
— Celui-là, poursuivit Hugo avec un débit précipité, c'est tout ce que j'ai pu rassembler sur Sidek. Il doit être remis à l'homme qui dira venir de la part du colonel Ravel.
— Mais...
— Vous m'écoutez ? C'est important !
— Oui, répondit Héléna, en pleine confusion.
Si seulement Hugo avait davantage de temps. Or ce n'était pas le cas. Il monta l'escalier, Héléna forçant le pas pour rester à sa hauteur. Hugo entendit qu'un premier hélicoptère décollait.
— Ce dossier, le bleu, détaille les contacts pris dans toute l'Asie du sud-est. C'est absolument essentiel. Si ces noms se perdent, les hommes concernés risquent leur vie.
— Fohl, on attend plus que vous ! L'ambassadeur est parti !
Le chef de la sécurité lui indiquait le second hélicoptère avec de grands signes. Le pilote lui fit signe de monter à l'avant et mit son casque.
Les pales du rotor provoquaient une vraie bourrasque. Le bruit était assourdissant sur le toit.
— Vous avez bien compris ce que j'ai dit ? cria Hugo.
— Oui ! cria Héléna en retour. Mais je ne comprends...
Il ne lui laissa pas le temps de finir sa phrase. Il la saisit par la taille et l'installa à l'avant de l'hélicoptère. Elle se retrouva assise, les dossiers serrés contre elle. Hugo tendit la main et serra la ceinture autour d'elle.
— Bonne chance, dit-il.
Il croisa son regard.
Incapable de se retenir, il posa sa bouche sur la sienne, fermement. Il sentit Héléna tressaillir, puis lui rendre son baiser. A contrecœur, il recula et ferma la porte coulissante. Il donna un coup de poing sur la tôle.
— Décollez ! cria-t-il au pilote.
Il se recula vivement, en se courbant pour échapper aux pales.
Le dernier hélicoptère s'éleva dans le ciel, prit un virage et disparut. Nul n'avait tiré sur lui.
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Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)
AdventureHéléna, vingt-trois ans, nouvelle coopérante d'une ambassade en Asie, ne se doute pas qu'elle va être mêlée à une affaire d'espionnage pleine de dangers. Son supérieur, Hugo Fohl, cherche-t-il à la protéger ou à l'utiliser ? Au programme: sauver un...