Nouvelle numéro 12 : Saloperie de Putain

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Fine comme une aiguille, elle cache ses petits yeux marrons derrière des lunettes de soleil énormes, comme si elles pouvaient dissimuler plus que son regard. Ses cheveux fins touchent à peine ses frêles épaules, et ses formes sont quasiment inexistantes. C'est dingue que cette fille, soi-disant mannequin dans cette ville pleine de verdure, attire autant de regards. Moi, je ne vois qu'une saloperie de putain.

Dans cette ville où les apparences sont reines, elle avance comme une reine du bitume, sous les regards scrutateurs des passants. Ses pas légers résonnent sur les pavés, chaque mouvement semble calculé pour attirer l'attention. Certains la trouvent mystérieuse, d'autres la jugent sans la connaître. Elle passe son temps dans un bar à la mode, toujours avec ce gros éléphant rose, symbole de ses délires alcoolisés.

Qu'elle soit en robe jaune, en pull informe ou en tailleur élégant, elle reste pour moi la même : une personne désagréable, une illusion de perfection. Cette description peut paraître sévère, mais elle exprime le fond de ma pensée. Comme toutes les histoires, celle-ci a un début.

On a passé toute notre scolarité ensemble. Je l'ai vue changer de mecs comme de chemises, et ses goûts musicaux suivaient les modes comme une girouette. Elle n'a jamais eu d'intérêt réel, juste une saloperie de putain moderne, vivant à travers le prisme des réseaux sociaux. Là-bas, elle s'invente une vie, des histoires d'amour fictives et des aventures imaginaires. Elle n'a jamais connu le vrai amour, trop occupée à jouer les victimes de ses propres scénarios. Elle est malade.

En primaire, elle m'a volé et cassé mon jouet préféré, une figurine de mon héroïne de saga préférée. Pour elle, c'était juste une série nulle. Ironiquement, aujourd'hui, elle en est fan numéro un. Elle n'a pas de personnalité, juste une coquille vide suivant les tendances. Elle brille sous la tonne de maquillage qu'elle porte, sans jamais chercher à voir plus loin que le bout de son nez.

Elle ne se cultive pas, elle est ignorante. Ce mot lui va à ravir.

Au début de sa quarantaine, elle a vécu une fausse couche. Un événement malheureux, mais qui a évité l'arrivée d'un fils de pute de plus dans cette ville. Ça a probablement aussi sauvé ce gamin d'une vie où il aurait vu sa mère ramener un "nouveau papa" chaque matin. Au moins, il ne finira pas dans la mer comme tant d'autres cadavres.

Ça fait des mois que je ne suis plus moi. Je n'ai pas parlé à cette fille depuis des années. Je parle à sa photographie. Je collectionne les pages de couverture où elle joue la séduction l'espace d'un instant. Je jalouse les photographes qui capturent cette lumière éphémère. Je revois ces pages avec un peu trop d'alcool.

Au Fil de mon EncreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant