Nouvelle numéro 13 : Échos du silence

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Ewen, perdu dans l'écrin de solitude de sa chambre, contemplait l'écran lumineux de son ordinateur, la seule étoile de ce cosmos désert. Devant lui, la page Word, blanche comme l'innocence perdue, l'invitait à remplir son vide avec des mots, mais chaque phrase restait prisonnière dans l'ombre de son esprit, comme un écho d'histoires non vécues. Le murmure intermittent de son téléphone, vibrante vitrine de "Personne 16", ne faisait qu'enfoncer davantage le clou de son isolement. Leur dernière conversation s'était éteinte dans une lueur énigmatique :

Je trouve que c'était trop long de m'aimer pour la vie. Et quand je fais preuve de gentillesse, on me trahit. J'ai besoin d'être seul, je me sens si étrange.

Ewen s'était enroulé dans le silence de son désespoir, ses mains effleurant ses cheveux, comme pour y dénicher un semblant de quiétude. Mais l'obsession de son téléphone, telle une mouche au fond de son esprit, l'en empêchait. Déterminé à créer une bulle d'apaisement, il murmura :

Mode avion, s'il te plaît...

Juste avant de s'enfermer dans son cocon de calme, il plongea dans l'observation furtive des reflets de son passé, fouillant les réseaux sociaux pour retrouver les visages familiers de ses anciennes compagnes, de "Personne 1" à "Personne 15". Bien qu'il connaisse déjà les récits de leurs vies, la douleur de voir leurs sourires épanouis le heurtait comme une vague, entre celles qui avaient embrassé la maternité et celles qui planifiaient des noces. Sa propre existence, si pâle en comparaison, lui semblait dérisoire. Pourtant, le spectacle des autres, parfois échouant dans leurs rêves, lui offrait un semblant de réconfort. Une pensée fugace le traversa : Elles auraient pu vivre autrement, à mes côtés.

La lassitude croissait à chaque scroll, chaque image ravivant des souvenirs plus doux-amers.

Allez, mode avion, c'est bien...

À peine ces mots échappés, un message surgit de "Personne 16" :

Nous étions si proches, pourquoi tu ne me laisses pas ?

Le cœur battant d'une colère sourde, Ewen se laissa emporter par une déferlante de métaphores. Sa relation avec "Personne 16" devenait un verre, si fragile qu'une fois brisé, même recollé, il perdait sa splendeur d'antan. Comment pouvait-il comprendre pourquoi il était oublié, malgré ses atouts ? Adolescent séduisant, sculptant son corps à l'abri des regards dans la forêt, il était ni fumeur, ni buveur, et se voyait comme l'un des plus courtois de son groupe. Un musicien à succès, acclamé par des milliers d'individus, mais les selfies et les autographes étaient des illusions, des masques qui ne cachaient pas le vide.

Son message à "Personne 16" resta suspendu, figé sur l'écran. Ignorant l'appel des notifications, il activa le mode avion et plongea dans son univers sonore. Ouvrant un fichier intitulé "album 1", puis "Instru non utilisée", il dénicha un projet envoûtant. Après des dizaines d'écoutes, Ewen, le regard flamboyant d'une détermination nouvelle, se leva, saisissant son micro comme un chevalier brandissant son épée.

Il posa trois fois vingt-deux mesures, créant une mélodie de six minutes et quarante-trois secondes, tissant des fils sonores comme autant d'émotions enchevêtrées.

Une fois la musique achevée, il se laissa emporter par les notes qui résonnaient encore dans l'air chargé de son désespoir. Le pouvoir cathartique de sa composition était une libération, une porte vers l'extérieur de sa prison intérieure. Chaque vibration touchait l'âme, chaque accord le rapprochait d'une forme de sérénité.

Lorsque la dernière note s'estompa, Ewen, le cœur lourd mais libéré, s'approcha de la fenêtre. La nuit s'étendait, telle une mer de silence, préservant la tranquillité qu'il avait tant recherchée. Pourtant, au fond de lui, une question persistait, telle une étoile filante dans l'obscurité : Pourquoi ne pouvais-je pas laisser partir "Personne 16" ? Cette interrogation, flottant dans la chambre, se perdait sans réponse.

Au Fil de mon EncreOù les histoires vivent. Découvrez maintenant