Héléna replia le journal qu'elle avait acheté ce matin, le Daily Singapore, la publication en anglais que lisaient les expatriés. Un article révélait que la procédure contre le Français Mathis Monod se solderait sûrement par un non-lieu. La France s'agitait auprès du palais pour que son compatriote soit relâché bientôt. Le royaume devait bien ça à la France, après l'agression en règle subie par son ambassade trois semaines auparavant.
Quant à cette attaque qualifiée de terroriste, l'enquête suivait son cours.
Héléna leva les yeux de son bureau, qu'elle partageait avec d'autres membres de l'ambassade. On les avait exfiltrés jusqu'à Singapour et on les avait entassés dans le consulat local. Ils partageaient les lieux avec les titulaires.
Christine entra, une tasse de thé à la main.
— Tu as eu des nouvelles de tes copains volontaires civils ?
— Gabriel a été envoyé à Kuala Lumpur, répondit Héléna. Léo est bien arrivé à Taïwan. Et Thibaut est rentré en France, puisqu'il était arrivé au bout de son service, de toute façon.
— Voilà une fin de service en fanfare ! Les pauvres garçons, ça doit leur faire drôle.
— Au moins, on est tous sains et saufs...
Christine approuva. L'ambassade attaquée n'avait pas encore rouvert. Les menaces n'étaient pas encore terminées, jugeait le quai d'Orsay. Le royaume était secoué par le scandale Sidek et par l'attaque armée, en plein jour, ce qui constituait une première dans cette capitale d'habitude si tranquille. Sidek avait tenté de fuir avec de faux papiers mais il avait été reconnu et arrêté à la frontière.
A cette nouvelle, Héléna avait esquissé un pas de danse.
Mais aujourd'hui elle ne ressentait plus de joie, ni même de motivation. La jeune fille prit sans enthousiasme une liasse de photocopies toute fraîche.
— Je la descends à l'accueil.
Christine hocha la tête.
— Tu vas bien ? demanda-t-elle en regardant Héléna par-dessus son mug fumant.
— Hm hm...
Héléna s'éloigna du regard perspicace de la secrétaire. Elle croisa Sophie, échangea un sourire avec elle mais ne s'arrêta pas pour bavarder. Elle n'avait pas le cœur à cela. Elle faisait son travail mécaniquement. Elle avait perdu l'étincelle qui l'avait tenue les semaines précédentes. Elle se rongeait les sangs d'être sans nouvelles de Hugo.
Elle avait été contactée par un homme qui venait de la part du « colonel Ravel » et elle lui avait remis les dossiers avec les explications qui venaient de Hugo. L'homme n'avait pas donné son nom, mais il avait une allure désinvolte qui avait déplu à Héléna tout de suite. Il l'avait scrutée avec curiosité avant de prendre le précieux chargement.
— Vous n'êtes au courant de rien, avait-il dit d'un ton égal. Vous n'avez jamais vu ces dossiers et vous n'avez pas la moindre idée de qui est Hugo Fohl. C'est entendu ?
— Bien sûr. Mais il va bien ? Il est en sécurité ?
— Oubliez ce nom, mademoiselle.
Et l'homme avait tourné les talons.
Triple abruti.
Héléna sursauta quand son téléphone sonna dans sa poche et elle le saisit rapidement. «Maman », afficha l'écran. C'était reparti pour une séance de « tu vas bien ? tu rentres quand ? je ne serai soulagée que quand tu seras en France », etc.
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Les ambassades sont remplies d'espions (terminé)
AdventureHéléna, vingt-trois ans, nouvelle coopérante d'une ambassade en Asie, ne se doute pas qu'elle va être mêlée à une affaire d'espionnage pleine de dangers. Son supérieur, Hugo Fohl, cherche-t-il à la protéger ou à l'utiliser ? Au programme: sauver un...