Chapitre 16

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- Alors, qu'est-ce qui t'a mis dans cet état ? Interrogé-je ma sœur, une fois qu'elle a raccroché.

Un nouveau soupir passe la barrière des lèvres d'Ariane alors qu'elle range son téléphone dans sa poche.

- Laisse, on verra ça en temps et en heure. Pour l'instant, raconte-moi un peu Montréal. Et la personne que tu as appelé. Je me doute bien que ce n'est pas n'importe qui... lâche-t-elle, un sourire plein de sous-entendus se dessinant sur ses lèvres.

Je ne suis pas certain d'avoir envie de découvrir ce que cachent ses premières paroles, mais je n'insiste pas. Je me lance alors dans un récit de ma vie quotidienne à Montréal, loin de tous les soucis qui me rattrapent dès que je pose un pied en France. Cependant, je prends soin d'éviter la dernière partie de sa question. Je n'ai pas vraiment de problème à partager ma vie de manière générale, mais sans réellement savoir pourquoi, j'ai envie de garder cette partie-là de ma vie pour moi un peu plus longtemps.

Je suis parfaitement conscient que je viendrai naturellement à parler de Louis dans le futur. Je ne sais pas où l'avenir nous mènera, mais j'ose espérer qu'il fera partie de ma vie pour un long moment. Je ne doute pas qu'il pense la même chose de son côté. Je ne suis pas sûr qu'il aurait entamé des changements aussi important s'il n'avait pas un minimum d'attentes de notre histoire.

Il semble qu'Ariane ait compris que je préfère ne pas parler de Louis pour le moment puisqu'elle ne remet pas le sujet sur le tapis alors même que je ne l'ai pas évoqué une seule fois. Nous terminons nos boissons et je demande si nous pouvons avoir l'addition. Je sors mon portefeuille et pose l'acompte sur la table, accompagné de quelques euros de pourboire. En France, le pourboire dépend du bon vouloir du client. Au Québec, c'est normal d'en laisser.

Nous quittons l'enseigne et retournons jusqu'à la voiture.

- Tu peux dormir, si tu veux. Je vais conduire jusqu'à la maison, je te réveillerai quand nous y serons.

Je remercie ma sœur et laisse mes yeux se fermer, bien que je ne sois pas certain de trouver les bras de Morphée. Alors je laisse mon esprit vaguer entre différents lieux, écoutant d'une oreille distraite la musique diffusée par le téléphone de ma sœur branché à la voiture.

Je pense à la raison de ma venue soudaine en France. À mon grand-père que je ne verrai plus jamais. À qui je n'ai pas pu dire au revoir une dernière fois. Mon grand-père dont je ne sais même pas s'il avait conscience de mon absence et de la raison de celle-ci.

Je pense à ma grand-mère qui a perdu son mari. Qui a perdu l'homme qu'elle a aimé, qu'elle aime encore. L'homme avec lequel elle vivait depuis de trop d'années pour les compter. Le père de ses enfants.

Je pense à mon père et sa fratrie qui ont perdu leur père. Comment je réagirais si je venais à perdre mon père demain ? Moi qui ai coupé tout contact avec lui et ma mère depuis que j'ai quitté la France cet été.

Je pense alors au fait que je suis rentrée en France. Mais comment aurais-je vécu cela si j'étais restée à Montréal et que je n'avais pas pu assister à l'enterrement ? Comment aurais-je tenu le coup loin de mes proches, m'isolant et m'enfermant inconsciemment dans la solitude et la tristesse ? Il existe différentes étapes du deuil, si l'on en croit certains psychologues. Et on m'a dit, d'appeler ou de parler, de ne pas tout garder pour moi. Mais appeler pour dire quoi ? Parler pour sortir des mots vides de sens ? Qu'est-ce que l'on attend que je dise ?

Alors je pense à Aelys qui m'a soutenue et était prête à me payer une partie de mon billet d'avion pour que je puisse rentrer. Alors je pense à mes amis qui ne sont probablement pas au courant de la raison de mon départ précipité. Je ne sais même pas si Zayn est au courant que je ne suis pas à l'appartement.

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