Chapitre 6.5 : Dénigrement.
Charles marchait rapidement dans les couloirs du château, pressé d'atteindre ses quartiers après une nouvelle dispute avec son père lors du petit déjeuner, cette fois-ci à propos des finances... Si seulement son père pouvait changer de sujet. Pourquoi ne pouvait il pas simplement lui demander comment il allait ou ce qu'il avait prévu pour la journée ? Était ce trop demander ?
Arrivant à l'angle du couloir menant à ses appartements, il entra brusquement en collision avec Julia Leclaircie, qui haleta de surprise. Mais contrairement à la dernière fois où ils s'étaient heurtés de cette manière, dans les jardins, il l'attrapa par la taille d'un bras, la ramenant vers lui pour éviter qu'elle ne tombe.
— Tout va bien, Mademoiselle Leclaircie ? lui demanda-t-il, son visage se rapprochant du sien, encadré par ses brillants cheveux blonds, comme à son habitude.
— Oui... oui, oui. Je vous remercie, balbutia-t-elle.
Elle se dégagea légèrement et il retira son bras de sa taille avec un pincement de regret. Cela avait semblé si naturel.
— Comment vous portez vous ? s'enquit Charles, se grattant l'arrière de la nuque avec nervosité, trouvant sa question presque insignifiante. Parfois, il avait l'impression de manquer de mots, bien que tous deux fussent très cultivés.
— Bien. Je vous remercie, Monsieur Charles, répondit elle poliment.
Un nouveau silence s'installa, et Charles réalisa que Mademoiselle Leclaircie attendait probablement qu'il lui dise de partir. Mais il n'en avait aucune envie. Il la croisait rarement, elle était gouvernante, pas une femme de chambre ou de ménage qui auraient été plus fréquentes dans les étages. Non, Julia Leclaircie venait superviser le travail de ses employées féminines.
— J'ai remarqué... nous nous sommes croisés à plusieurs reprises dans la bibliothèque... cela semble être une pièce qui vous intéresse beaucoup, n'est-ce pas ? lança t-il, se demandant d'où sortaient de telles phrases sans but. Bien sûr qu'elle passait du temps dans la bibliothèque, c'était son domaine en tant que gouvernante.
— Oh... oui. Enfin... Elle sembla hésiter, s'éloignant encore de quelques pas, peut-être pour s'éloigner de lui. L'embarrassait il ? Ou bien reculait elle parce qu'elle ressentait elle aussi cette tension entre eux ? Disons que j'apprécie énormément la littérature, alors j'ai demandé aux femmes de chambre de prendre grand soin des livres. Voilà.
Elle jeta un coup d'œil derrière elle, comme pour vérifier que personne n'était dans les parages, peut-être craignant d'être surprise et que les choses soient mal interprétées.
— Je vais devoir reprendre mon travail, Monsieur Charles, dit-elle ensuite, visiblement gênée.
— Oh. Oui, bien sûr. Veuillez m'excuser, acquiesça-t-il respectueusement, les yeux toujours rivés sur ceux de Mademoiselle Leclaircie, qui évitaient désormais son regard.
— Permettez moi Elle s'inclina légèrement et reprit rapidement son chemin, passant devant lui et effleurant légèrement son passage, envoyant des frissons dans le corps de Charles.
L'avait-il ennuyée ?
Henri ne put s'empêcher de rire alors qu'il était debout face au banc de l'arrière-cour de l'office sur lequel était assise Elise Dupuis. Il leur arrivait souvent de discuter ainsi le soir après le dîner. Il est vrai qu'il n'était pas courant pour un majordome d'être si près d'une femme de chambre, mais il était jeune et aimait la compagnie d'Elise. Elle était amusante et avait de la conversation. Elle était un peu comme son amie, même s'il continuait à penser qu'il n'avait pas d'ami.
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Révérences et Révoltes [Terminée]
Historical FictionAu château de Chantilly en 1845, règne une atmosphère chargée de secrets et de tensions. Julia Leclaircie, la nouvelle gouvernante, ardente républicaine, débarque avec sa beauté éclatante et sa robe bleue, bravant les regards froids des domestiques...