Chapitre 17 : Malaises.

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Chapitre 17.3 : Malaises.

            Béatrice Renard et Hortense Lemaire se tenaient toutes deux devant la porte du quartier des femmes depuis une dizaine de minutes. Occupant les postes d'aide-cuisinières, elles s'acquittaient toujours des premières tâches de la journée, veillant à la mise en place de la cuisine pour permettre à Madame Laurent de commencer le petit déjeuner. Cependant, il semblerait que Mademoiselle Leclaircie n'ait pas honoré son devoir ce matin en ouvrant la porte.

Un soupir d'agacement échappa à Hortense lorsque Madame Laurent émergea à son tour de sa chambre.

— Que se passe-t-il, mesdemoiselles ? demanda-t-elle, les sourcils froncés, en s'approchant des deux femmes.

— Mademoiselle Leclaircie n'a pas jugé bon d'ouvrir la porte, s'indigna immédiatement Béatrice, redoutant que leur retard ne leur soit imputé.

— Eh bien, peut-être n'est-elle tout simplement pas réveillée ! Cela peut arriver. Il suffit d'aller frapper à sa porte ! répliqua Madame Laurent d'un ton agacé, se retournant pour se diriger vers la fin du couloir.

Célestine soupira d'agacement. Qu'y avait-il de si complexe à frapper à la porte de la gouvernante pour la réveiller ? Ces jeunes femmes étaient bien trop timides et se laissaient impressionner trop facilement.

Arrivée au bout du couloir à gauche, Célestine n'hésita pas une seule seconde à frapper à la porte de la gouvernante. Après quelques instants de silence, la cuisinière ouvrit doucement la porte dans un grincement. Son cœur fit un bond dans sa poitrine et elle referma la porte avec force. Reprenant son souffle, sa voix tremblante, elle perçut à travers la porte des bruits de draps et de couvertures, ainsi que des pas rapides parcourant la chambre.

— Mademoiselle Leclaircie !

Célestine reprit contenance.

— Vous... Vous n'avez pas ouvert la porte pour permettre aux cuisinières et à moi-même de préparer le petit-déjeuner.

Aucune réponse ne lui parvint, et Célestine sortit son mouchoir brodé de la poche de sa robe, s'essuyant le front. Elle venait tout simplement de surprendre Monsieur Deveau et Mademoiselle Leclaircie dans le même lit, endormis. Dès qu'elle avait ouvert la porte, elle avait entendu un grincement et ils avaient sursauté violemment.

Et maintenant, elle se tenait là, les jambes tremblantes, ne sachant que faire ni que penser. Tout le monde savait évidemment que Mademoiselle Leclaircie et Monsieur Deveau entretenaient une relation amoureuse. Mais il semblait surtout que cela allait bien au-delà de ce que quiconque dans cette maison aurait pu imaginer. Ils n'étaient même pas mariés.

Elle ne savait plus comment analyser la situation. Après tout, cela pouvait être perçu comme scandaleux. Elle n'était pas la plus fervente des croyantes, mais cela représentait tout de même un péché aux yeux de Dieu, même pour elle.

Pourtant, ce qu'avait surtout remarqué Célestine depuis l'arrivée de Mademoiselle Leclaircie, c'était l'amour dans les yeux du majordome, qui avait toujours été si solitaire, si strict et sérieux alors qu'il méritait une vie bien plus joyeuse. Un jeune homme de qualité, très aimable et intelligent. Et désormais, il était heureux. Elle avait également remarqué les regards brillants de Mademoiselle Leclaircie lorsqu'elle posait les yeux sur Henri Deveau, et cela, selon elle, n'avait pas de prix. Elle n'avait certes pas beaucoup d'expérience, mais elle n'était pas née de la dernière pluie. Elle savait parfaitement ce qu'elle venait de voir et ce qu'ils avaient certainement fait, mais finalement, cela importait peu, n'est-ce pas ?

Au milieu de ses réflexions, la porte s'ouvrit doucement, révélant une Mademoiselle Leclaircie, complètement désorientée, les cheveux légèrement en désordre et la robe un peu froissée. Elle tremblait, refermant la porte doucement derrière elle pour éviter que Célestine ne voie de nouveau le majordome.

— Je vous prie... Veuillez me pardonner, je ne me suis pas réveillée...

Sa voix tremblait également, et Célestine fut saisie de peine en constatant qu'ils devaient se contraindre ainsi. Un monde idéal serait celui où nul n'aurait à justifier de tels actes d'affection.

— Nous avons simplement besoin que vous ouvriez la porte, Mademoiselle Leclaircie, articula Célestine avec douceur.

— Oui, bien sûr... Julia Leclaircie se racla la gorge, visiblement embarrassée.

Elle contourna la cuisinière pour se diriger vers l'embranchement du couloir, Célestine la suivant, ses jambes toujours tremblantes, mais moins qu'auparavant.

Soudain, Julia Leclaircie s'immobilisa et se tourna vers Madame Laurent, le visage empreint d'anxiété.

— Vous savez, Monsieur Deveau et moi souhaitons nous unir en mariage, déclara-t-elle précipitamment, surprenant Célestine qui observait la belle jeune femme tordre ses mains avec nervosité.

Cette scène lui rappela immédiatement les récits des valets de pied, toujours fourrés dans la cuisine pour courtiser les aide-cuisinières. Lorsque Henri Deveau et elle-même s'étaient apparemment percutés en plein milieu d'une réception, provoquant un vacarme considérable dans la salle. Les garçons avaient immédiatement perçu le malaise de Mademoiselle Leclaircie, voyant ses mains s'agiter avec nervosité pour la première fois depuis qu'elle travaillait au domaine.

— Nous... Nous nourrissons le désir de nous unir depuis des mois, mais Monsieur le Duc a déclaré que si nous concrétisions notre engagement, nous devrions quitter Chantilly. Vous devez comprendre, je vous assure ! Nous n'avons rien fait de mal !

— Je vous comprends, Mademoiselle Leclaircie. Je ne divulguerai rien, soyez-en assurée. Monsieur Deveau et vous semblez comblés, et c'est là l'essentiel. Je suis persuadée que vous agissez avec toute la prudence nécessaire, la rassura Célestine Laurent.

— Nous réfléchissons simplement à l'endroit où nous irons si nous sommes contraints de partir, poursuivit la gouvernante, continuant à se tortiller les mains.

Célestine posa les siennes sur celles de Julia Leclaircie, qui cessa son tic anxieux. La cuisinière n'avait jamais vu leur gouvernante aussi déboussolée, dépourvue de son habituel masque de sévérité et de rectitude, une vulnérabilité qu'elle ne soupçonnait pas, la faisant paraître presque enfantine et fragile.

— Tout va bien, sourit-elle, et la jeune femme lui rendit son sourire.

Après quelques instants de silence, durant lesquels les deux femmes reprirent leur contenance, Julia Leclaircie se tourna de nouveau, et elles se dirigèrent ensemble vers la porte où Hortense et Béatrice attendaient avec impatience. En entendant leurs pas, les deux jeunes filles se retournèrent vers elles.

— Je vous prie de bien vouloir m'excuser, mesdemoiselles. Il semblerait que j'ai manqué mon réveil.

Béatrice sembla attendrie par l'expression de détresse sincère sur le visage de Mademoiselle Leclaircie.

— Vous n'avez pas bien dormi ?

— Oui, en quelque sorte, répondit Julia Leclaircie, un léger rougissement colorant ses joues tandis que Célestine, à cette remarque, sortait à nouveau son mouchoir pour éponger son front, imaginant ce qu'elle préférait ne pas concevoir.

Si les jeunes filles savaient, elles glousseraient certainement de telles histoires. Mais pour Célestine, cela ne suscitait que des frissons désagréables, bien loin de l'amusement.

Sur ces mots, la jeune gouvernante brandit la clé, la glissa dans la serrure et la tourna avec un clic significatif.

« Elle ouvrit la porte en grand, laissant pénétrer la lumière du matin et observa les trois femmes sortir du couloir

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« Elle ouvrit la porte en grand, laissant pénétrer la lumière du matin et observa les trois femmes sortir du couloir. »

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