Chapitre 6.6 : Dénigrement.
— Vous avez souhaité me voir, Monsieur ? demanda Henri avec un calme apparent, bien que son cœur tambourinât dans sa poitrine, conscient des raisons qui avaient motivé l'appel du Duc.
— Oui, entrez, Henri, répondit Edouard De Villiers en se levant de son bureau dans le petit salon, alors que la nuit était déjà bien avancée. Les invités s'étaient retirés dans leurs quartiers depuis longtemps, les valets de pied et les femmes de chambre ayant déjà rangé et nettoyé la grande salle.
Henri referma la porte derrière lui en pénétrant dans le petit salon, se tenant droit près des canapés.
— J'ai également demandé à Mademoiselle Leclaircie de se joindre à nous. Nous l'attendons simplement, ajouta le maître des lieux.
Le majordome réprima un léger mouvement de grimace. La situation promettait d'être intéressante. À la fin du long dîner, Henri était redescendu, accompagnant Mathieu Belfond dans l'office pour le remercier de son intervention qui avait probablement sauvé la mise. Il lui avait assuré qu'aucune répercussion ne serait à craindre de la part du Duc et de la Duchesse, car malgré les apparences, malgré ce que les invités pouvaient penser, il avait préservé l'honneur de la maison.
Ensuite, Henri s'était dirigé rapidement vers le bureau de Mademoiselle Leclaircie, mais il n'avait pas pu lui parler. Elle était en pleine discussion avec la jeune Clarisse, qui semblait avoir repris ses esprits avec honte, assise tête baissée face à la rigoureuse gouvernante, rouge de colère.
Il savait que toute cette situation n'était en aucun cas la faute de Mademoiselle Leclaircie. Bien qu'il ait initialement envisagé de lui faire des reproches pour son apparente négligence dans ses fonctions, il réalisait maintenant que l'angoisse qui l'avait envahi pendant le dîner avait altéré son jugement. En fin de compte, il se sentait soulagé de ne pas avoir eu l'occasion de lui parler à ce moment-là. Sinon, il aurait peut-être proféré des paroles qu'il ne pensait pas vraiment, une chose qui semblait arriver souvent en sa présence.
La jeune Clarisse Dubois avait été embauchée par le Duc lui-même, en raison de son lien familial : elle était en réalité la petite nièce d'Henriette Dubois, l'ancienne gouvernante du château que Henri, Edouard De Villiers et les enfants De Villiers avaient toujours particulièrement affectionnée. Cependant, la jeune fille était loin d'avoir l'assiduité de sa grand-tante. En tant que femme de chambre, elle était une véritable calamité : brûlant les vêtements lors du repassage, mal faisant les lits malgré les multiples explications, maladroite et constamment contestataire.
Depuis des semaines, depuis son arrivée, Henri savait que Julia Leclaircie avait dû couvrir les erreurs de Clarisse, accomplissant ainsi le double du travail requis. Cette situation lui paraissait profondément injuste. La gouvernante était une professionnelle exemplaire, dévouée à son travail, et il trouvait déplorable qu'elle ait à rattraper les erreurs de la jeune fille, par respect non seulement pour Madame Dubois, mais également pour le choix du Duc de l'engager directement, sans passer par lui ou Julia.
Cependant, cela ne pouvait plus durer. Clarisse Dubois, malgré ses liens familiaux avec Henriette Dubois et malgré sa nomination par le Duc lui-même, était incapable de remplir correctement ses fonctions. Il était injuste que Julia Leclaircie, responsable de la domesticité du domaine, doive constamment masquer les erreurs de la jeune fille au risque de voir la réputation de la famille De Villiers entachée.
Sentant son cœur battre plus fort, Henri ouvrit la bouche avant même de réfléchir à ses mots :
— Monsieur, si vous me le permettez, j'aimerais dire quelque chose avant l'arrivée de Mademoiselle Leclaircie.
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Révérences et Révoltes [Terminée]
Ficción históricaAu château de Chantilly en 1845, règne une atmosphère chargée de secrets et de tensions. Julia Leclaircie, la nouvelle gouvernante, ardente républicaine, débarque avec sa beauté éclatante et sa robe bleue, bravant les regards froids des domestiques...