Chapitre 2 : Discordes.

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Chapitre 2.3 : Discordes.

Le petit déjeuner ce matin-là revêtait une atmosphère morose. Edouard et son fils Charles avaient pris leur repas en silence. Depuis un certain temps, ils déjeunaient à deux, accompagnés uniquement d'un valet de pied, se tenant au garde-à-vous dans la salle et prêt à répondre à tous leurs besoins. Monsieur Deveau, le majordome, était bien sûr toujours présent, honorant la mémoire de feu son père, Alexandre Deveau.

Il n'y a pas si longtemps, les De Villiers partageaient leur petit-déjeuner à quatre : Charles, Edouard, Marianne et Eléonore. Cependant, la bien-aimée Eléonore, heureusement mariée au Comte Octave Duval De L'Etang depuis près d'un an, avait naturellement quitté le domaine. Bien qu'un comte soit d'un rang inférieur à celui d'une duchesse, les De Villiers n'en avaient jamais rien dit. Eléonore avait choisi son mari pendant la saison dernière à Paris, et cela était parfaitement légitime. Peut-être pas un mariage d'amour, mais un mariage intéressant.

Charles leva les yeux vers son père, plongé dans son journal hebdomadaire. Il ne lisait pas vraiment, ses yeux restaient fixés sur la même image, celle des champs apportant de maigres récoltes en ce moment.

Sa mère lui manquait, c'était évident. Bien qu'elle fût mariée depuis près de 30 ans à son père, elle avait toujours partagé son petit-déjeuner avec eux. Jamais au lit, comme le faisaient les femmes mariées dans une Grande Famille. Cependant, depuis un certain temps, les choses avaient changé. Il ne voyait plus d'amour dans les yeux de sa mère lorsqu'elle regardait son mari, et cette image avait assombri son cœur. Il avait toujours connu ses parents heureux, et cela avait nourri son désir de poursuivre l'amour plutôt que le titre ou le statut, comme sa sœur l'avait fait, même si elle prétendait le contraire.

Bien sûr, sa grande sœur lui manquait terriblement. Mais elle passait rarement les voir et n'écrivait presque jamais. Sa nouvelle vie semblait lui convenir à merveille...

Charles observa un peu plus longtemps son père qui, soudainement, releva la tête vers lui. Leurs regards se croisèrent, et le fils ne put que constater les traits tirés de son père et ses yeux bruns foncés empreints de tristesse.

Edouard De Villiers, Duc de Chantilly, était un homme d'une prestance indéniable malgré les signes évidents du temps qui passait. Sa silhouette imposante portait avec élégance la dignité propre à son rang. Les cheveux qui furent jadis d'un brun luxuriant étaient désormais presque entièrement embrasés par la blancheur.

Son visage, autrefois marqué par une vivacité joyeuse, portait aujourd'hui les traces d'une vie bien remplie. Ses yeux bruns foncés, autrefois étincelants, reflétaient désormais une mélancolie subtile, comme si le poids des responsabilités avait laissé une empreinte indélébile. C'était en tout cas ce que pensait chaque invité que la famille recevait. Néanmoins, Edouard avait toujours conservé une élégance naturelle dans sa tenue, chaque geste empreint de la noblesse qui caractérisait sa lignée.

— Les récoltes sont médiocres, déclara soudainement son père après de longues secondes de silence à s'observer.

Charles soupira, reportant son attention sur son assiette encore pleine.

— Le Roi sera certainement tenu responsable, comme à l'habitude du peuple.

— Ce n'est pas un hasard si le peuple est en colère, Charles. Le fils s'agaça rapidement. C'était une discussion sur laquelle ils n'étaient jamais d'accord et qui était une source de discorde entre eux. Depuis la révolution de 1830, les tensions sociales et politiques ne cessaient de croître. Mais Charles ne comprenait pas en quoi le Roi pouvait bien être tenu responsable de tout cela. Il n'était tout de même pas à l'origine des mauvaises récoltes.

Révérences et Révoltes [Terminée]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant