Les Quatre Saisons T.2

Partie I - Sans Eli - C1

Chapitre I

Ils avaient glissé dans le quadrillage accidentellement.

Iris s'effondra. Sa tunique était recouverte de sang encore chaud, des larmes coulaient sur ses joues sales. Elle aurait aimé hurler tout ce qu'elle ressentait mais ses cordes vocales ne bronchaient pas. Eli était toujours là-bas, à Ténébris.

Aria prit son amie dans ses bras.

Il était blessé, Iris l'avait vu s'effondrer lorsqu'elle avait glissé dans le passage. Il s'était écrasé sur le sol, du sang sur la tempe, à un mètre du quadrillage, et ils l'avaient abandonné.

La jeune fille tenta de se débattre, regardant le quadrillage de ses yeux larmoyants.

- Iris, arrête ! C'est trop tard ! lui dit Aria en la retenant.

- Retourner là-bas reviendrait à sauter dans la gueule du loup, c'est de la folie ! lança Maniella en tentant elle aussi de la maintenir en place.

Comprenant qu'elle n'y arriverait pas, Iris relâcha ses muscles, cessa de gémir et retomba lourdement dans les bras de Charly et Aria.

La jeune fille s'approcha de l'oreille de son amie et se mit à chantonner une petite mélodie pour la calmer. Iris se calma et ses muscles se décontractèrent paisiblement. À l'autre bout du chemin, les adolescents sortirent de derrière le virage où ils se cachaient. Ils avaient prit la fuite lorsque Maniella avait apparu, ne l'ayant pas reconnu. La femme leur fit un sourire pour les rassurer et posa ses yeux sur un petit garçon de six ans qui tenait entre ses mains un petit oiseau. Il venait tout juste d'arriver à l'orphelinat et avait réussi à cacher son existence. Thaddée s'approcha de lui et lui demanda de sa voix surprenante :

- Je peux te l'emprunter ? Je te promet que tu le retrouvera dès que nous arriverons à destination.

Hésitant, le bambin lui tendit le volatile apeuré, et aussi délicatement qu'il le pouvait, Thaddée le prit entre ses larges mains. Maniella déchira un bout de sa tunique et à l'aide d'un résidu de charbon, elle coda un message qu'elle plaça entre les serres de l'oiseau. Il s'envola et fondit dans la vallée.

Le gamin se mit à pleurer alors que le groupe commençait à descendre vers le château du roi. Dix minutes plus tard, l'oiseau revint et se posa immédiatement sur l'épaule du petit, qui le serra dans ses bras en ravalant ses larmes.

Thaddée sourit. Le message était arrivé à destination. Il ne savait pas écrire donc il avait demandé à Maniella d'écrire un message à Louisette. Thaddée et elle s'étaient fiancés la semaine précédente et il lui avait promis de la tenir au courant lorsqu'il reviendrait. Maniella avait aussi demandé de prévenir Lishka pour qu'elle puisse les rejoindre.

En effet, au bout de quelques minutes, Lishka arriva.

- Que s'est-il passé ? s'affola-t-elle en les voyant.

C'est vrai que Maniella et Thaddée n'étaient pas beaux à voir. Du sang séché maculait leur corps et des bleus grossissaient sur leur visage luisant de sueur.

- Ne t'en fait pas, la rassura Maniella, on va bien. En revanche...

- Lishka jeta un coup d'œil à la foule et remarqua l'absence de Lorin, Edward et Eli.

- Où sont-ils ? demanda-t-elle dévastée.

- Le plan a mal tourné... répondit Maniella, gravement, les yeux baissés.

                                                     ____

Le groupe avançait en silence. Iris et Lishka marchaient côte à côte. Iris avait envie de parler de ce qui c'était passé, de la bataille, de sa tristesse, de sa fatigue, de Edward, Lorin et Eli...

Lishka se tourna vers elle.

- Je sens que tu as envie de parler, ce n'est pas bon de rester avec tout ces évènements sur le cœur. Alors je vais te faire un cadeau...

Les yeux de Iris s'illuminèrent.

- Il est possible que ça ne fonctionne pas, si tes cordes vocales sont vraiment inutilisables, je ne pourrais rien faire d'autre. Je vais tenter de te rendre ta voix... En plus, même s'il existe une alternative pour les muets, tes pouvoirs seront bien plus maniables avec ta voix.

Lishka s'accroupit devant elle et prit une de ses clés.

- Tu te doute que je ne l'ai jamais utilisé, c'est assez rare comme occasion. Ici, on dit que lorsqu'un enfant né avec quelque chose en moins, ce quelque choses n'est pas perdu. Il est présent, il nous surveille, impatient de pouvoir revenir. On va voir si ça fonctionne...

Elle se concentra, ferma les yeux, tendit la clé en avant et s'exclama :

- Auditum fac vocem tuam intus et foris !*

- Une brume enveloppa la jeune fille, pénétrant dans sa bouche. Elle sentit comme un nœud qui se dénouait dans sa gorge. Ses pieds quittèrent le sol, et elle aspira une grande goulée d'air. C'était comme si toute une partie de son être se mettait à vivre. La brume se dissipa peu à peu et Iris retomba au sol. Elle porta sa main à sa gorge.

- L... Lish... Lishka ?

- Les larmes montèrent dans ses yeux et elle se précipita dans les bras de la femme qui l'enveloppa tendrement.

- Merci... Merci, merci, merci !

Sa voix était vibrante, hésitante et elle avait un léger accent. Elle ne prononçait pas très bien les mots, comme un enfant de cinq ans. Lishka lui attrapa le menton et lui caressa la joue avec une douceur maternelle. Iris n'avait jamais eu de maman. La sienne était morte juste après sa naissance et ce qu'elle découvrait en ce moment était plus que merveilleux. Une onde protectrice l'entoura et Lishka lui déposa un baiser sur le front.

*Faites entendre votre voix à l'intérieur et à l'extérieur