Partie I - Sans Eli - C4

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Chapitre IV

Eli ouvrit les yeux. Des picotements lui compressait la jambe. Un homme était penché dessus et l'auscultait avec précision. Eli toussota pour avertir qu'il était réveillé. L'homme tourna la tête vers lui. Il avait l'air fou, une loupe à l'oeil droit, le regard dans le vague, des cheveux grisonnants en pagaille, une blouse tachée, des outils en main, triturant la jambe de Eli. Il le dévisagea de bas en haut et reprit son travail.

- On peut dire que tu as fait un bon petit somme, gamin.

- J'ai dormi combien de temps ? demanda la garçon d'une voix pâteuse.

- Une dizaine de jour ?

Eli écarquilla les yeux, il se redressa et observa son corps. En effet, il avait perdu du poids, ses côtes ressortaient, ses jambes étaient fines. Sa jambe droite était ouverte et le médecin enfonçait ses outils dans sa chair. Il retomba sur son oreiller et observa les néons grésillants qui l'éblouissaient. Il ferma les yeux. Soudain, il tilta que quelque chose clochait. Il se redressa et dévisagea le médecin.

- Pourquoi observez-vous ma jambe ? C'est à la tête que la balle m'a touché.

En disant cela, il porta la main à son front et remarqua que la plaie avait été recousue et que plusieurs points ornaient sa tempe.

-,Je t'ai découvert un kyste sébacé au niveau du mollet, j'ai procédé à une chirurgie pour le retirer. Ces kystes sont généralement asymptomatiques, c'est pour cela que tu ne l'a pas remarqué. Heureusement, il était non-inflammatoire donc j'ai pu l'enlever sans complication. Je t'ai anesthésié la jambe, c'est pour cela que tu ne sens rien.

La tension d'Eli retomba. Le docteur attrapa du fil et une aiguille et entama la couture de la jambe.

- C'est bientôt fini !

- Vous êtes le docteur Liam ?

- C'est moi.

- Pourquoi je ne vous ai jamais vu avant ?

- Parce que je présume que tu n'as jamais rien eu de grave. Je suis un professionnel, je fais des chirurgies, pas des désinfections de dos.

- Où vous avez appris à être médecin ?

- Dans la Voie Lactée.

- C'est vrai ? Ouaou !

Liam coupa le fil et rangea son matériel.

- Comment vous avez découvert le kyste ? Pourquoi avez-vous regardé ma jambe ?

- Euh... mon instinct, je présume ?

Il mentait, Eli s'en rendit immédiatement compte.

- C'est faux !

Liam le regarda, hésita, reprit son ouvrage en pinçant les lèvres.

- Ta mère avait la même chose... lâcha-t-il.

- Ma mère ? Comment vous la connaissait ? Elle ne m'a jamais parlé de vous.

- Je la connait bien mieux que toi ! Nous étions très... amis.

- Vous ne connaissez pas ma mère, Jeanne n'était pas amie avec des sombrenos !

-Oh... Bien sûr ! Jeanne... Je te parlait de ta mère biologique.

Eli reçut comme un coup de poignard dans le ventre, ou dans le coeur. Ça lui fit mal.

- Comment osez-vous ! s'énerva-t-il.

« Retrouve tes origines » La phrase de Ernest se mit à raisonner dans sa tête comme un coup de marteau. Tout prenait place dans son esprit mais il refusait de le croire. Cet homme connaissait sa mère biologique, ce savant fou, cet imposteur ?

Qui étaient ses parents ?

Qui était-il ?

Qui était le docteur Liam ?

Cela avait un lien avec son sang saisonnier ?

- Ta mère s'appelait Nelya, - Ce nom lui disait quelque chose – Elle était intelligente, généreuse et loyale. Je l'ai rencontré il y a vingt ans. Elle m'a fait visiter les Six Terres et c'est grâce à elle que j'ai pu faire des études de médecine dans la Voie Lactée. Elle connaissait beaucoup de choses, elle m'a beaucoup appris sur les peuples, sur l'égalité, sur la différence.

Sa voix avait prit un léger ton nostalgique.

- On est tombé amoureux, qui l'aurait pensé. Nous étions tellement différent, tout les deux. Puis nous avons eu un bébé, plus beau que tout, avec des yeux bleus clairs comme de l'eau, comme ceux de sa maman en fait.

Eli commençait à réaliser.

- Des cheveux très noirs, mais étrangement, il avait des petites mèches blanches.

« Moi » devina Eli. Liam confirma ses pensées d'un hochement de tête.

- Tu étais notre trésor, celui que nous protégions plus que tout. Tu étais en danger, en danger à cause de moi, à cause de la foutue règle à laquelle j'étais relié indéfectiblement. Le jour des tes un an, la règle des sombrenos m'a rattrapé. Je vous avez mis en danger, je le savais parfaitement, mais j'avais préféré ne penser qu'à mon bonheur plutôt qu'au votre. Mes collègues nous ont alors trouvé au fond des bois, cachés. Ils vous ont enlevé.

- Les larmes montaient dans ses yeux noirs et un nœud s'était formé dans la gorge d'Eli.

- Elle me fit passer un message, je n'ai jamais su comment elle avait fait, mais je le reçu. « Ai confiance en moi ». Le soir même, les sombrenos vous ont brulés vifs. Je fut enfermé pendant trois mois dans une cellule crasseuse, envahie de rats pouilleux. C'était en 1868. Quand tu es arrivé à l'orphelinat en 1874, j'ai su ce qu'elle avait voulu dire dans son message. J'ai pu te voir grandir, de loin... Mais Nelya, je ne l'ai jamais revu.

Il avait les yeux bouffis à présent. Tout était mélangé dans la tête du garçon. Comme Ernest lui avait ordonné dans ses dernières volontés, Eli avait sans doute retrouvé ses origines, mais il manquait encore trop de pièces au le puzzle de sa vie. Où était Nelya ? Qu'était-elle devenue ? Les sentiments de Liam avait prit le dessus et il pleurait sans s'arrêter, sans doute les larmes qu'il avait retenu durant treize ans. Il se leva, alla chercher un mouchoir et se moucha bruyamment. Son visage était rouge. Il avait l'air encore plus fou. Eli le regarda avec pitié avant de se plonger dans ses pensées. Il ressentait un grand trou noir au fond de son ventre. Il tapota sur l'épaule du docteur se qui déclencha chez lui de nouveaux sanglots.

- Ça va passer, monsieur...

Eli regarda par la fenêtre. Le soleil était caché par des nuages, comme une bonne partie de l'année et les oiseaux, si nombreux et bruyants à Ishlivadish, avaient fini par déserter Ténébris. Le vent était doux et frais.

- Nelya avait un kyste au même endroit que toi, dit Liam en se calmant, je n'ai pas pu m'empêcher de vérifier si tu ne l'avais pas aussi. J'ai profité de ton mini-coma pour t'opérer.

Eli se recoucha, ses paupières étaient lourdes. Malgré le fait qu'il ai dormi dix jours, les révélations l'avaient épuisé.

Sans cesser de penser à l'histoire de cet homme qui se disait être son père, il s'endormit. 

Les Quatre Saisons T.2Où les histoires vivent. Découvrez maintenant