Les vagues s'échouaient brutalement contre les rochers. L'eau se propulsait dans les airs en gerbes, retombant en gouttes éparses dans l'immensité de l'océan formé par leurs congénères. Assis sur le sol à quelques mètres, Cayden observait ce manège de la nature depuis plusieurs minutes déjà. Entre ses doigts, sa cigarette se consumait lentement sans qu'il ne la fume. Avant que les cendres ne se mélangent au sable, il tapota au-dessus de son cendrier de poche. Il se décida enfin à tirer une latte mais même la fumée empoisonnante ne l'apaisait pas, cette fois.
En lui se mêlaient des sentiments contradictoires, aussi violents que la mer un jour de tempête. Il était pris dans le ressac, incapable d'en sortir malgré ses efforts désespérés. Avec le recul, il aurait dû se douter qu'il en arriverait à une telle situation mais il s'était aveuglé. Il avait préféré le déni réconfortant à la cruelle réalité. Certains diraient qu'il s'était accroché à l'espoir.
Quelle belle connerie ! songea-t-il avec le cynisme habituel qui l'habitait.
D'un mouvement sec, il écrasa sa clope dans son cendrier et se redressa. Il épousseta les grains de sable collant à son pantacourt. Le soleil déclinait lentement à l'horizon mais la température ne baissait pas. Il faisait lourd, poisseux. Cayden était certain qu'un orage éclaterait d'ici la nuit. D'un revers de main, il essuya le fin film de sueur sur son front et jeta un œil à son portable pour confirmer l'heure.
Il n'est pas venu...
À cette pensée, son cœur se serra. Il se détesta aussitôt de cette faiblesse mais rien ne l'avait préparé à cela. Ce matin encore, Taylor semblait si décidé, si sûr de lui... Comment aurait-il pu croire un instant qu'il allait lui poser un lapin ? Cayden essayait de trouver des raisons, peut-être avait-il été retenu, peut-être avait-il eut un accident... Il refusait cette possibilité bien trop cruelle que Taylor ait finalement changé d'avis. Il lui avait semblé si sincère la nuit dernière...
Au loin, une silhouette se détacha de l'horizon et Cayden ne put empêcher la bouffée d'espoir naissant en lui. Il l'aurait reconnu même dans le noir... Il connaissait son corps par cœur. Ses cheveux blonds mi-longs retombant en mèches éparses autour de son visage, ses épaules carrées, ses longues jambes. Il ressemblait au cliché même du surfeur, comme l'île pouvait en voir des dizaines tous les jours mais pour Cayden, il était unique. Il l'avait toujours été.
Face à face, ils s'observèrent. Aucun des deux ne semblait vouloir lancer la discussion. Seuls les bruits de la mer et de la faune locale résonnaient autour. Pour un peu, ils se seraient crus seuls au monde... Mais ils ne l'étaient pas. Ils ne l'avaient jamais été. Ils se faisaient toujours rattraper.
— T'es en retard, lâcha enfin Cayden d'une voix traînante.
Cette intonation si particulière qu'il prenait toujours quand il voulait paraître détaché d'une situation. Mais Taylor n'était pas dupe. Il voyait la houle déchaînée dans les yeux de Cayden... Il n'était pas imperméable à ce qui était en train de se jouer. Aucun d'eux ne l'était.
— Je pouvais pas quitter mon père si facilement.
— Mh, ça ou t'as hésité à venir ?
Il ne voyait pas d'autres possibilités. Après tout, il n'avait jamais mérité qu'on l'aime, tout le monde l'avait toujours abandonné, pourquoi Taylor serait-il différent ? Le silence en réponse lui arracha un rire sans joie. Il passa une main dans les dizaines de petites dreads constituant sa chevelure avant de poser sur Taylor un regard noir.
— T'es sérieux, merde ? C'était ta putain d'idée Taylor et t'étais prêt à m'poser un lapin ?
— J'ai réfléchi...
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Les embruns sur nos joues [BXB]
RomansaTout le monde a une seule et unique âme sœur. Et quand on a de la chance, on la rencontre. (Michael Connelly) La vie ressemble à l'océan. Tantôt calme, tantôt agitée, elle malmène parfois les personnes qui essaient de ne pas s'y noyer. Depuis bien...