Chapitre 23 - Damien

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Une sonnerie insupportable retentit trop près de mon oreille. Je grogne, frustré de devoir quitter mes draps. L'esprit encore enfariné, je saisis mon téléphone et coupe le réveil. 8h30. Je me rallonge de tout mon long sur le matelas, le nez dans mon coude, cherchant un peu de repos comme si je venais de courir un marathon.

Tourner dans un sens, puis tourner dans l'autre. A droite, à gauche. Emmitouflé jusqu'au cou dans la couette ou laisser les bras dépasser et les jambes à l'air. Ma nuit a été chaotique. J'ai cherché sans discontinuer une position pour trouver le sommeil, mais il m'a fait défaut. J'aurais aimé aborder cette journée de match en meilleure forme et pourtant, je vais devoir constituer avec.

Une mélodie résonne et cette fois, mon humeur s'adoucit. Victoria.

Malgré ma mine endormie, mon écran se déverrouille et affiche le texto de ma copine:

"Bonjour mon coeur,

Je sais que tu vas râler en te levant ce matin, mais un match important t'attend. Alors, bouge toi. Pense à moi dans ma tenue de cheerleader si ca peut te motiver <3»

L'image s'imprègne dans mon esprit, et à part prendre une bonne douche, rien ne calmera la bosse qui se forme dans mon pantalon. Ma copine a une façon bien à elle de me sortir du lit !

Depuis mon réveil, mon corps agit tel un automate. Des gestes mécaniques, des habitudes ancrées qu'on réalise sans s'en rendre compte. Des actions machinales qui m'ont porté jusqu'ici. Dans ces vestiaires. Les miens. Ceux de mon équipe. Et pourtant aujourd'hui, maintenant que je suis là, assis sur ce banc à lacer mes chaussures avec minutie comme avant chaque match, l'air peine à entrer dans mes poumons. Je suis chez moi, et cette boule au ventre ne cesse de grossir à l'idée de croiser l'homme responsable de mes tourments.

— Damien ?

Tomas me sort de ma torpeur.

— Oui ?

— Compte sur nous aujourd'hui, ne te laisse pas intimider. OK ? Le passé est derrière toi !

— Hum.

Le coach déblatère son discours d'avant match mais les mots ne s'imprègnent pas. Mon cerveau est trop submergé par mes souvenirs.

Une quinzaine de minutes nous séparent du coup d'envoi et je ne tiens plus. L'air m'oppresse jusqu'à empêcher mes poumons de se mouvoir. Ma cage thoracique se recroqueville au fur et à mesure que mes réserves d'oxygène se consument. Je suffoque. Le capitaine s'alerte de mon état et me propose de sortir respirer l'air extérieur. Il me prend par les épaules pour m'accompagner jusqu'aux portes de secours. La crise d'angoisse arrive, je la sens. La fraîcheur du vent associée à ma transpiration excessive me colle des frissons. Une vague me gèle sur place avant même que mes yeux ne se posent sur le joueur à deux enjambées de moi.

Une clope à la main, il me dévisage de haut en bas, un sourire espiègle à la bouche.

— Oh, mais qui vois-je là ?

Tomas s'interpose entre nous deux, lui faisant dos. Il cherche mon regard perdu dans mes pensées.

— Hum... rappelle-moi ton nom déjà ? Sous merde ? Creuvure ? Ah non, tafiole pardon ! Qu'est ce que tu peux bien faire là ?

Il s'avance vers moi, je perçois ses mouvements sans même les voir.

— Mais dis moi, c'est pas un maillot de basket que tu portes là ? Tu ne crois tout de même pas que tu vas jouer ce soir ? Me fais pas croire qu'on a pris une merde comme toi dans une équipe de basket ? Ils doivent vraiment être désespérés.

Son énième provocation s'infiltre par les pores de ma peau pour me toucher au plus profond de mon être. Elle déterre des cadavres enfouis encore trop en surface.

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